Des groupes juifs US condamnent l’émeute à Huwara sans mentionner Netanyahu
Plusieurs organisations expriment leur indignation mais s'abstiennent de critiquer directement le gouvernement ; l'Orthodox Union réclame un "leadership clair et fort"
WASHINGTON (JTA) – Les organisations juives américaines ont réagi aux violences commises dimanche par les habitants des implantations en Cisjordanie, et la plupart ont débuté par des condamnations.
L’une d’entre elles a commencé avec une question : « Comment une telle chose peut-elle se produire ? »
« Comment peut-on en arriver là, à ce que de jeunes hommes juifs saccagent et brûlent des maisons et des voitures ? » poursuit le communiqué du rabbin Moshe Hauer, vice-président exécutif de l’Orthodox Union (OU), qui a ajouté : « Nous ne pouvons ni le comprendre ni l’accepter. »
« Ce qui s’est passé hier ne doit jamais, jamais se reproduire », a-t-il conclu.
L’angoisse de Hauer était d’autant plus notable qu’elle provient d’un groupe dont les membres, des juifs orthodoxes américains, ont toujours soutenu le mouvement des implantations en Cisjordanie. La déclaration de Hauer a été plus loin que de nombreux autres groupes, en questionnant la capacité de gouverner du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
L’attaque d’un village ne saurait être défendue comme une façon de « faire justice soi-même », indique le communiqué de Hauer. « Cela n’a rien à voir avec la justice ; c’est un acte de violence indiscipliné et gratuit. Des actions comme celles-ci démontrent clairement la nécessité d’un leadership clair et fort. »
Bien que Hauer n’ait pas explicitement mentionné le nom de Netanyahu (et n’ait pas répondu à une demande de commentaire), le message était clair. En réponse à l’émeute de dimanche dans la ville de Huwara, Netanyahu avait déclaré : « Je vous demande – même lorsque vous êtes en rage de ne pas faire justice vous-même ».
L’Orthodox Union critique depuis des années les pressions exercées par les États-Unis sur Israël pour que ce dernier accepte une solution à deux États pour régler le conflit avec les Palestiniens ou un partage Jérusalem. En 2007, elle s’est distinguée des autres groupes juifs en critiquant le gouvernement israélien de l’époque qui avait envisagé un rôle pour les Palestiniens à Jérusalem.
Hormis l’OU, d’autres groupes juifs ont dénoncé les actions des habitants des implantations, tout en évitant la plupart du temps de mentionner le gouvernement israélien ou son dirigeant. Au lieu de cela, certains se sont tournés vers le président Isaac Herzog, dont le rôle est essentiellement cérémoniel mais qui a tenté de négocier un compromis au sein du gouvernement actuel. Il a condamné avec force les émeutes de dimanche, déclarant que c’étaient les forces armées qui devaient répondre au terrorisme, et non des civils « commettant des actes de violence contre des innocents ».
Soutenir et mentionner le Premier ministre était autrefois un réflexe pour les groupes traditionnels lorsqu’ils réagissaient aux crises en Israël. Mais les temps ont changé. Le gouvernement israélien comprend des partis d’extrême droite et des ministres qui sont eux-mêmes des habitants des implantations et qui préconisent depuis longtemps des mesures plus sévères en réponse au terrorisme palestinien.
Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a déjà été condamné pour incitation à la violence. Et certains membres de la coalition ont exprimé leur sympathie pour les émeutiers à la suite du saccage.
Netanyahu n’a pas été mentionné du tout dans bon nombre des déclarations émanant d’organisations juives américaines. Quelques-unes ont condamné le Premier ministre pour ses liens avec l’extrême droite ou pour ce qu’elles considèrent comme une réponse trop molle de son gouvernement.
« Bien que certains dirigeants israéliens, dont le Premier ministre, aient appelé à la modération, le gouvernement n’a pas été capable de prévenir ou d’endiguer rapidement cette violence inacceptable », a déclaré le rabbin Rick Jacobs, président de l’Union pour le judaïsme réformé, dans un communiqué envoyé par courriel. « Les responsables doivent être tenus pour responsables et la protection et la sécurité des Juifs et des Palestiniens doivent prévaloir. »
L’Anti-Defamation League (ADL) et l’American Jewish Committee (AJC) ont tous deux mentionné la déclaration de Herzog, et ont déclaré, respectivement, leur « indignation » et leur condamnation « à cette violence dans les termes les plus forts ».
L’AJC a refusé tout commentaire, et l’ADL, invitée à développer sa déclaration, a condamné les législateurs qui incitent à la violence, tout en évitant de mentionner le fait que ces derniers font partie de la coalition au pouvoir.
« Il n’y a pas non plus d’excuse pour l’incitation à la violence que nous avons entendue de la part de quelques dirigeants politiques, dont certains sont des députés de la Knesset israélienne », a déclaré un porte-parole dans un courriel. « Nous nous associons à l’appel du président israélien Herzog en faveur d’une désescalade de la violence, et nous exhortons les forces de l’ordre israéliennes à veiller à ce que les personnes impliquées dans les violences de Huwara soient tenues responsables. »
Invité à faire une déclaration, William Daroff, le PDG de la Conférence des présidents des principales organisations juives américaines, n’a pas mentionné le gouvernement ou Netanyahu. « Je condamne sans réserve les émeutes et la violence à Hawara », a-t-il déclaré dans une interview. « Il n’y a aucune excuse pour le vigilantisme sans foi ni loi. »
Dans une déclaration ultérieure, Daroff a suggéré que faute de condamnation par les politiciens israéliens des actes de violence commis par les habitants des implantations, les relations avec les Juifs d’outre-mer pourraient en pâtir.
« Ces actes criminels de violence et de vandalisme nuisent à la souveraineté juive et à la relation d’Israël avec la diaspora juive mondiale », a-t-il déclaré. « Nous exhortons les membres de la Knesset à s’élever contre ces attaques et à poursuivre la recherche d’une solution pacifique. »
Les organisations juives approchées pour cet article n’ont pas répondu à la question de savoir ce qu’elles comptaient faire si Netanyahu ne prenait aucune mesure. Plusieurs organisations juives régionales et certains rabbins ont déjà appelé à boycotter les membres de la coalition d’extrême droite s’ils visitaient les États-Unis.
Les autorités israéliennes ont arrêté huit émeutiers, mais ont déjà relâché la plupart d’entre eux. Il n’a pas encore été fait état de projets de poursuites judiciaires.
L’Assemblée rabbinique du mouvement conservateur s’est distinguée en présentant ses condoléances aux victimes juives et arabes des violences de dimanche – une équivalence extrêmement rare venant d’une organisation juive. Le message du groupe, rédigé en anglais et en hébreu, mentionne à la fois la famille des deux Israéliens tués par balle alors qu’ils roulaient en voiture dans Huwara, et la famille du Palestinien tué lors de l’émeute organisée par les habitants des implantations à Huwara.
« Nous partageons la douleur et nous envoyons nos condoléances aux familles des personnes tuées, parmi lesquelles la famille Yaniv et la famille Al-Aqtash, et nous souhaitons un prompt et complet rétablissement à tous ceux qui ont été blessés », a écrit le groupe, en faisant référence aux victimes israéliennes et palestiniennes, respectivement. « Nous attendons de notre gouvernement, de Tsahal et de la police, qu’ils agissent pour prévenir tout atteinte aux personnes et à leurs biens, et qu’ils traduisent en justice toute personne ayant choisi de nuire à une autre personne. »
Americans for Peace Now et J Street ont tous deux appelé l’administration Biden à utiliser son influence pour contraindre Netanyahu à prendre des mesures.
« La coalition d’extrémistes de Netanyahu est en train de nous montrer qu’elle ne sera pas arrêtée par des protestations polies ou des accords vagues », a déclaré J Street. « Ce n’est qu’en fixant des lignes rouges claires et des conséquences concrètes que les États-Unis peuvent espérer dissuader ce gouvernement. »
De même, Americans for Peace Now a demandé à Biden de « tenir le gouvernement d’Israël responsable tant pour sa politique incontrôlée en matière d’implantation que pour ses encouragements tacites aux violences commises par les habitants ».
L’Israel Policy Forum, un groupe qui soutient une solution à deux États, a dénoncé l’absence de prise de responsabilité de la part des émeutiers dans les attaques contre les résidents de Huwara.
« Leur seul crime est d’être des Palestiniens vivant à proximité d’un endroit où un autre Palestinien a commis une attaque terroriste, et les habitants des implantations qui se sont déchaînés dans leurs maisons et dans leurs rues sans être inquiétés, sans aucune conséquence réelle, illustrent parfaitement l’injustice dont souffrent quotidiennement les Palestiniens en tant que non-citoyens sur leur terre, sans recours à une quelconque autorité supérieure responsable », a-t-il déclaré dans un communiqué.
Quelques organisations ont félicité le gouvernement de Netanyahu pour s’être prononcé contre l’émeute. La Fédération juive d’Amérique du Nord a félicité « le gouvernement d’Israël pour s’être exprimé rapidement afin de faire baisser les tensions ». L’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) a semblé lier le vigilantisme des habitants des implantations au terrorisme palestinien.
« Comme le Premier ministre et le Président israéliens l’ont clairement indiqué, les actes de vigilantisme ne peuvent être tolérés », a déclaré son porte-parole. « Le terrorisme ne fléchira pas tant que les dirigeants palestiniens continueront à encourager le terrorisme, à le récompenser par des paiements aux terroristes et à leurs familles, et à encourager la célébration publique des morts israéliens. »
Le leader d’au moins une organisation a fait écho aux sentiments des responsables israéliens qui ont exprimé leur sympathie pour les émeutiers. Morton Klein, PDG de la Zionist Organization of America (ZOA), a déclaré dans une interview qu’il condamnait les émeutiers, mais qu’il comprenait aussi ce qui les motivait.
« Je ne pense pas que les civils doivent prendre la loi entre leurs mains », a-t-il déclaré. « Je m’oppose à ce que des civils attaquent d’autres civils, bien évidemment, mais vous savez, avec les meurtres incessants, vous savez, les gens perdent le contrôle. »
Klein a déclaré qu’Israël devait « exercer une pression énorme par tous les moyens possibles » sur les Palestiniens afin de faire cesser la violence en Cisjordanie. Lorsqu’on lui a demandé s’il fallait également faire pression sur Israël pour qu’il traduise en justice les habitants des implantations, Klein a répondu que cette question n’était pas de son ressort.
« Les Arabes se soucient plus des Arabes que des non-Arabes et les Juifs se soucient plus des Juifs que des non-Juifs », a déclaré Klein, qui a rencontré Ben Gvir en personne la semaine dernière en Israël. « Telle est la nature humaine ».