Des officiers du renseignement renvoyés, incarcérés pour une mission téhina
Dans une affaire étrange, deux commandants du renseignement de l'armée ont été sévèrement punis pour avoir ordonné des missions inutiles à un agent palestinien
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
Dans une affaire curieuse et très inédite, des officiers supérieurs d’une unité de renseignement d’élite ont été sévèrement sanctionnés vendredi pour avoir ordonné des missions inutiles à un agent palestinien et avoir ensuite menti à ce sujet, a rapporté l’armée israélienne. Les opérations consistaient à aller acheter des pots de téhina en Cisjordanie.
Un lieutenant colonel a été démis de ses fonctions et un autre a été condamné à 28 jours de prison pour avoir ordonné ces missions. D’autres officiers supérieurs impliqués dans l’affaire ont reçu un blâme, mais aucune autre sanction.
Au début de ce mois, le programme d’information d’investigation de la Douzième chaîne, Uvda, a interviewé un officier de l’unité 504 des renseignements militaires, responsable de la culture et de l’exploitation des ressources humaines dans les pays ennemis, qui a révélé qu’à deux reprises au moins, ses commandants lui avaient ordonné d’utiliser un de ses espions pour acheter des pots de pâte de graines de sésame comme cadeau pour le chef des renseignements de l’armée israélienne.
Les militaires ayant ordonné la mission téhina ont également menti dans un premier temps, en disant qu’ils avaient demandé à l’officier de faire acheter la téhina par son agent tout en effectuant d’autres opérations. Il s’est avéré que cette demande était fausse, et l’enquête a conclu que l’agent avait été envoyé dans ce seul but.
Le chef d’état-major de l’armée, Aviv Kohavi, avait ordonné une enquête. Les résultats de l’investigation lui ont été présentés cette semaine, entraînant sa décision de sanctionner les personnes impliquées.
« Le chef d’état-major a déterminé qu’il considérait les incidents avec la plus grande sévérité, qu’ils représentaient une violation flagrante du code éthique et professionnel de l’armée israélienne. Le chef d’état-major a souligné que les activités opérationnelles, qui sont au cœur de l’opération des soldats israéliens, devraient être considérées comme sacrées et qu’elles ne devraient être menées que pour les besoins essentiels de la sécurité », a fait savoir l’armée dans un communiqué.
Quatre officiers de l’unité 504 ont été réprimandés à des degrés divers pour leur rôle dans les opérations inutiles, tout comme le général Yuval Shimoni, chef des services de renseignement de Tsahal, dont l’enquête a révélé qu’il n’avait pas ordonné la mission, mais n’avait pas fait assez pour l’empêcher.
Un lieutenant-colonel de l’unité a été démis de ses fonctions et sera contraint de quitter l’armée, « car il a commencé à apporter les pots de téhina à deux reprises comme cadeau à l’officier supérieur. En outre, l’officier a fourni des informations partielles et trompeuses au cours de l’enquête sur l’incident », a expliqué l’armée.
L’autre lieutenant-colonel, qui a effectivement ordonné l’opération, a été condamné à 28 jours de prison, car il savait que la mission ne répondait « pas aux besoins opérationnels de l’unité ».
Le chef de l’unité 504, un colonel, a reçu un blâme officiel bien qu’il ne soit pas directement impliqué dans l’affaire.
Un major qui a participé à la mission a également fait l’objet de la même sanction pour « avoir été négligent dans la vérification du but et de la nécessité [de l’opération] », a fait savoir l’armée.
Shimoni, qui a reçu les pots de téhina, n’a pas été impliqué dans la commande de l’opération et ne savait même pas qu’une mission avait été entreprise spécifiquement pour acheter la pâte de sésame, mais a néanmoins été formellement réprimandé pour « ne pas avoir vérifié comment elle lui avait été apportée et ne pas avoir pris de mesures pour empêcher de telles activités ».
Tsahal a souligné que Shimoni avait également permis le financement de l’opération.
Dans sa déclaration, l’armée a souligné que l’affaire ne devait pas jeter un voile sur le bilan habituellement exemplaire de l’unité 504.
« C’était un événement grave et extraordinaire, ce qui n’enlève rien à la qualité de l’unité, qui mène régulièrement les opérations les plus compliquées avec beaucoup de succès, recevant de nombreux honneurs, et qui s’est vu décorer de plusieurs médailles », a précisé l’armée.