Des Yazidis, victimes du terroriste français Sabri Essid, obtiennent un procès pour génocide
Essid a "gravement et intentionnellement privé" les femmes et leurs enfants "de leurs droits fondamentaux" en raison de leur appartenance à la communauté yazidie
Un procès pour génocide et crimes contre l’humanité au préjudice de la minorité religieuse yazidie a été ordonné à Paris contre le terroriste français Sabri Essid, présumé mort en Syrie, offrant ainsi à ses victimes, quatre femmes et leurs sept enfants, « un espace de justice ».
Deux juges d’instruction du pôle crimes contre l’humanité du tribunal de Paris ont ordonné mardi qu’Essid, né en 1984 à Toulouse, soit jugé pour génocide, crimes contre l’humanité et complicité de ces crimes commis en Syrie entre août 2014 et courant 2016 au préjudice notamment de quatre femmes yazidies et de leurs sept enfants.
De plus, Essid est le fils d’un compagnon de la mère de Mohamed Merah, qui avait assassiné en mars 2012 trois militaires, trois enfants et un enseignant juifs à Toulouse et Montauban.
« Les actes matériels que Sabri Essid a commis étaient en cohérence totale avec son adhésion à la politique génocidaire [du groupe terroriste sunnite] État islamique [EI] qui légitimait l’achat et la revente de femmes et d’enfants yazidis, leur enfermement, leur réduction à un statut servile et les nombreux viols commis à leur encontre », notent les deux magistrates dans leur ordonnance de mise en accusation consultée mercredi par l’AFP.
Le terroriste français est présumé mort depuis 2018. Aucune preuve officielle de son décès n’ayant été apportée, la justice française reste compétente pour le juger par défaut.
« En l’absence d’enquête devant la Cour pénale internationale, les justices nationales, dont la justice française, sont aujourd’hui le seul espace de justice disponible pour les victimes yazidies qui ont subi l’horreur aux mains de jihadistes [terroristes] de Daesh, dont des ressortissants français », a considéré dans un communiqué Bahzad Fahran, fondateur de l’ONG Kinyat qui dit avoir « recueilli des milliers de témoignages de victimes yazidies rescapées ».

Pour Me Clémence Bectarte, avocate des parties civiles, « cette décision marque l’aboutissement d’un travail judiciaire entamé en 2016 par la FIDH [Fédération internationale des droits de l’homme] et Kinyat pour que les crimes commis par les membres [terroristes] de l’État islamique à l’encontre de la population yazidie soient qualifiés de crimes internationaux et non uniquement de terrorisme ».
Une enquête préliminaire avait été ouverte en juin 2019 à l’encontre du terroriste originaire de Toulouse (sud de la France), soupçonné de « viols et sévices » sur des femmes yazidies, des faits qui pouvaient « s’analyser comme des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique constitutives du crime de génocide », avait précisé le Parquet national antiterroriste (PNAT).
Puis, pour la première fois, le pôle crimes contre l’humanité du PNAT, qui enquêtait depuis plusieurs années sur les crimes subis par cette minorité religieuse, avait ouvert en octobre 2019 une information judiciaire pour « génocide et crimes contre l’humanité » contre Essid.
Jusqu’alors, les terroristes français faisaient uniquement l’objet de poursuites pour des infractions à caractère terroriste.
« Droit de propriété »
Essid s’est rendu en zone irako-syrienne début 2014, où il a été rejoint par sa femme, leurs trois enfants et le fils de cette dernière, né d’une précédente union.
Il figure dans une vidéo de propagande de l’EI diffusée le 10 mars 2015 dans laquelle il poussait son beau-fils, âgé de 12 ans, à exécuter un otage palestinien d’une balle dans la tête.
Appelé Abou Dojanah al Faransi, il a d’abord été le garde du corps d’un haut cadre de l’EI avant de devenir membre de l’Amni ou Amniyat, la branche de l’EI chargée notamment de la sécurité intérieure et du renseignement.
Les investigations ont révélé qu’il « a acheté plusieurs captives yazidies » avec leurs enfants « à des membres de l’État islamique afin d’exercer sur eux des pouvoirs associés au droit de propriété, notamment en vue, s’agissant des femmes, d’en disposer sexuellement », relatent les juges d’instruction.
Essid a « gravement et intentionnellement privé » les femmes et leurs enfants « de leurs droits fondamentaux » en raison de leur appartenance à la communauté yazidie, estiment les magistrates.
Les Yazidies, privées d’eau, de nourriture, de soins et de liberté comme leurs enfants, ont raconté « les viols répétés » commis avec « violence et brutalité » par Essid qui les traitait « comme une marchandise sexuelle ».
Deux autres personnes, Abdelnasser Benyoucef, émir de l’EI aussi présumé mort, et son ex-compagne Sonia Mejri, revenue en France, doivent également être jugées pour génocide et crimes contre l’humanité au préjudice d’une adolescente yazidie en 2015 en Syrie.
Les Yazidis, une minorité kurdophone adepte d’une religion pré-islamique, présente dans le nord de l’Irak et de la Syrie, ont été victimes de terribles exactions dans les zones contrôlées par les terroristes de l’EI, telles que des viols, enlèvements, esclavage et traitements inhumains.