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Désaccord entre chercheurs autour des « découvertes » d’un spécialiste de la Bible

Des chercheurs ont publié une lettre ouverte demandant une analyse scientifique de la « découverte » faite à Jérusalem, abondamment relayée par la presse populaire

Amanda Borschel-Dan édite la rubrique « Le Monde Juif »

Photo du tunnel de Siloam, dans la Cité de David, dans lequel le Prof. Gershon Galil affirme avoir déchiffré les noms et actions du roi biblique Ezéchias de Judée. (Crédit : Eli Shukrun)
Photo du tunnel de Siloam, dans la Cité de David, dans lequel le Prof. Gershon Galil affirme avoir déchiffré les noms et actions du roi biblique Ezéchias de Judée. (Crédit : Eli Shukrun)

L’inquiétude des archéologues israéliens, suite à la publication d’informations sensationnalistes à propos d’inscriptions bibliques récemment déchiffrées à Jérusalem, a donné lieu à la diffusion d’une lettre ouverte.

La déclaration publique, publiée samedi, est signée par nombre d’éminents archéologues et chercheurs d’institutions israéliennes, qui dénoncent le caractère insuffisamment scientifique de récentes découvertes archéologiques, présentées comme « radicalement révolutionnaires » et « publiées dans la presse populaire et sur les réseaux sociaux, avant même leur examen par des pairs ».

Cette lettre ouverte a été publiée sur plusieurs plateformes, dont le blog du professeur Aren Maeir de l’Université Bar-Ilan.

La déclaration, écrite comme un « credo de chercheurs » – aucun nom n’est donné –, rappelle l’importance du caractère scientifique des recherches et de leur publication dans des revues scientifiques à comité de lecture.

Car ces derniers mois, un universitaire israélien a régulièrement publié dans les médias sans procéder aux vérifications ni emprunter la voie que cette déclaration appelle de ses vœux.

Il s’agit du professeur émérite Gershon Galil, ex-président du département d’histoire juive de l’Université de Haïfa.

Contacté par le Times of Israel, Galil dit penser être la cible de la lettre ouverte, écrite selon lui par des collègues « amers » et « jaloux », heureux de régler leurs comptes, et particulièrement son instigateur, Maeir.

Dans leur déclaration, les chercheurs soulignent la nécessité d’une
« présentation complète de ces découvertes, avec des illustrations de haute qualité, dans des publications scientifiques, même longtemps après l’information publique initiale ».

Sans ces preuves, explique au Times of Israel Maeir, directeur du projet archéologique de Tell es-Safi / Gath, les chercheurs peuvent dire ce qu’ils veulent.

Dans son annonce la plus récente, diffusée la première fois à la télévision il y a 12 jours, Galil dit être parvenu à déchiffrer cinq nouvelles inscriptions du roi Ézéchias de Judée, soit des centaines de lettres et dizaines de lignes de texte.

Selon Galil, ces inscriptions, découvertes avec l’archéologue Eli Shukron, sont gravées dans les murs du tunnel d’Ézéchias, dans la Cité de David, à Jérusalem.

Le Professeur Gershon Galil, de l’Université de Haïfa. (Courtoisie)

L’annonce de Galil a fait l’objet de gros titres dans certains médias, mais n’a pas été reprise par ceux qui relaient habituellement les découvertes archéologiques israéliennes. (Le Times of Israel, qui a couvert certaines des découvertes de Galil par le passé, n’a notamment pas rendu compte de ses dernières affirmations concernant Ézéchias, qui n’ont pas été examinées par des pairs et n’étaient pas accompagnées de documentation scientifique.)

« J’aimerais que ce soit vrai. J’espère que c’est le cas. Cela changerait tout ce que nous savons », a déclaré Maeir à propos de la dernière annonce en date de Galil.

« Mais ce qu’il fait revient à dire qu’il réfute la théorie de la relativité d’Einstein, et qu’il publiera les résultats à l’antenne de ‘Saturday Night Live’. »

Si elles étaient confirmées, ces inscriptions constitueraient l’un des tout premiers textes extra-bibliques. Ce pourrait même être un livre supposément perdu de la Bible hébraïque, les Chroniques des rois de Judée. Elles pourraient, entre autres conséquences, révolutionner le champ de la recherche hébraïque biblique.

Une image vaut 1 000…

Ce qui met le monde universitaire en émoi, c’est que les récentes affirmations de Galil – la « tablette de malédiction » du mont Ebal, en mars, ou la tablette « vaudou » du gouverneur de Jérusalem, en juillet, entre autres – ont été rendues publiques sans examen préalable par des pairs ni photographies en haute résolution.

En octobre, alors que Galil faisait la une des journaux à propos d’une première inscription de l’ère d’Ézéchias, le Times of Israel lui avait demandé à plusieurs reprises des photographies en haute résolution.

Galil avait dans un premier temps promis d’en envoyer, en précisant : « Elles sont la clé d’une toute nouvelle lecture et on peut clairement voir toutes les lettres. », avant de se rétracter, après plusieurs rappels, et de déclarer au Times of Israel que son éditeur – anonyme – s’opposait à leur publication.

(Le Times of Israel n’a finalement pas publié d’article à ce sujet.)

En lieu et place de photographies de haute qualité, Galil a fourni des représentations, dessinées à la main, de sa lecture des inscriptions, ou publié des images en si basse résolution que les universitaires ne pouvaient pas les agrandir pour les lire.

Vues extérieures de la tablette de malédiction en plomb, de la fin de l’âge du bronze, découverte sur le mont Ebal en 2019. (Crédit : Michael C. Luddeni/Associés pour la recherche biblique)

Le professeur Matthew Morgenstern, du Département des langues hébraïques et sémitiques de l’Université de Tel Aviv, a déclaré au Times of Israel : « Jusqu’à présent, il n’a pas publié une seule photographie lisible des nouvelles inscriptions qu’il prétend avoir identifiées ou lues. Cela fait douter de la fiabilité de ses lectures et interprétations, qui, nous l’espérons toutefois, seront confortées lorsqu’il publiera les preuves, conformément à la pratique scientifique communément acceptée. »

En réponse à cette accusation, faite par plusieurs universitaires, Galil a déclaré au Times of Israel : « C’est un mensonge. Les photographies que nous avons publiées étaient excellentes. S’ils ne peuvent pas les lire, ce n’est pas mon problème. »

« Nous avons pris des photos sur le terrain et les avons publiées. Ils peuvent faire la même chose, au lieu de se plaindre que les découvertes doivent être photographiées et vérifiées », a ajouté Galil.

Morgenstern estime que les propos de Galil, invitant les chercheurs à venir prendre leurs propres photos, sont pour le moins « inhabituels ».

« Normalement, le chercheur à l’origine de la découverte en apporte la preuve », assure Morgenstern.

Dessin d’une inscription en pierre de Jérusalem vieille de 3 500 ans (Crédit : Avec la permission du professeur Gershon Galil)

Galil affirme que plusieurs chercheurs de renommée mondiale ont examiné les inscriptions qu’il a récemment déchiffrées et qu’ils confirment sa découverte.

Galil n’a pas voulu donner leur nom au Times of Israel, affirmant qu’ils seraient cités dans son prochain livre, « Les inscriptions d’Ézéchias, roi de Judée », dont il a annoncé la publication sur sa page Facebook « dans les prochains mois ». La maison d’édition n’est pas précisée à ce stade.

Des preuves vraiment évidentes ?

Dans leur lettre ouverte, les universitaires israéliens écrivent : « Pour toute personne impliquée dans des activités scientifiques ou de recherche, il est clair que l’un des fondements de toute recherche et découverte est que les résultats doivent passer par un processus d’examen par les pairs avant toute publication, pour en vérifier la qualité, suggérer des améliorations et susciter des commentaires, voire dans certains cas, rejeter des interprétations. Sans ce processus, la recherche est menée sans freins ni contrepoids appropriés. En outre, les collègues chercheurs (dans ce cas, les archéologues et historiens) ne peuvent pas examiner correctement, et si nécessaire être en désaccord, avec ces affirmations. »

Possible première preuve écrite du nom de Dieu, YHVH, selon l’épigraphiste de l’Université de Haïfa, le professeur Gershon Galil. (Avec l’autorisation des Associés pour la recherche biblique)

Christopher Rollston, professeur de langues et littératures sémitiques du Nord-Ouest à l’Université George Washington, s’est réjoui de l’initiative des chercheurs israéliens, qu’il a qualifiée de « rare » et d’« essentielle ».

« La recherche est un travail difficile, scientifique et fondé sur des faits. Les bons chercheurs s’en tiennent aux faits et évitent toute spéculation. C’est aussi simple que cela », a déclaré Rollston au Times of Israel.

« Le public doit pouvoir s’attendre à ce que les chercheurs d’universités réputées soient prudents dans leurs mots, factuels, réfléchis, raisonnés, rationnels. »

« Il y a longtemps eu des chercheurs peu scrupuleux, voire malhonnêtes, en l’espèce, des gens qui font commerce de spéculations et reconstructions discutables de l’histoire. Nous n’avons pas besoin de cela. Personne n’a rien à y gagner, et c’est le grand public qui en fait les frais », a ajouté Rollston.

Galil, interrogé sur le point de savoir s’il craignait que sa réputation soit entachée par les accusations portées contre lui et cette lettre ouverte qui, sans le nommer, le vise directement, a répondu qu’il n’était « aucunement inquiet pour sa réputation, parce que ses lectures étaient correctes et qu’elles seraient bientôt publiées dans un ouvrage scientifique ».

Galil conseille à tous ceux qui doutent de lui de « se taire et d’attendre la publication scientifique ».

« C’est la plus grande et plus importante découverte de tous les temps », assure Galil.

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