Israël en guerre - Jour 426

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Descente de la police militaire à Sde Teiman, neuf soldats arrêtés pour « violences envers un détenu »

La base militaire a été envahie lors d'une manifestation de l'extrême droite contre ces arrestations, un acte notamment condamné par le Premier ministre et le président

Illustration : Une photo non-datée, datant de l'hiver 2023 et fournie par l'organisation Breaking the Silence, un groupe réunissant d'anciens soldats devenus lanceurs d'alerte, montre des Palestiniens, les yeux bandés, arrêtés dans la bande de Gaza et incarcérés au centre de détention de la base militaire de Sde Teiman, dans le sud d'Israël. (Crédit : Breaking The Silence via AP)
Illustration : Une photo non-datée, datant de l'hiver 2023 et fournie par l'organisation Breaking the Silence, un groupe réunissant d'anciens soldats devenus lanceurs d'alerte, montre des Palestiniens, les yeux bandés, arrêtés dans la bande de Gaza et incarcérés au centre de détention de la base militaire de Sde Teiman, dans le sud d'Israël. (Crédit : Breaking The Silence via AP)

Les enquêteurs de la police militaire ont mené un raid dans un centre de détention du sud d’Israël, lundi. Ils ont arrêté des soldats soupçonnés d’avoir commis des abus à l’encontre d’un terroriste présumé qui y était incarcéré, une opération qui a suscité l’indignation de l’extrême-droite.

Sur les réseaux sociaux, des images montrent une altercation entre les différents soldats déployés au sein de la structure controversée, après l’arrivée des enquêteurs militaires sur la base de Sde Teiman.

La police militaire était venue placer en détention dix soldats chargés de garder des terroristes présumés appréhendés dans la bande de Gaza, dans le cadre d’une enquête portant sur un cas « d’abus de grande gravité à l’encontre d’un prisonnier », a noté Tsahal.

Neuf suspects ont été emmenés par la police militaire pour être interrogés. Le dixième semble ne pas avoir encore été appréhendé.

L’armée a indiqué que ces investigations avaient été lancées sur ordre de la procureure-générale militaire, la générale Yifat Tomer-Yerushalmi.

L’enquête a été ouverte après qu’un terroriste présumé, incarcéré au centre de détention, a été amené à l’hôpital avec des signes de graves violences, notamment à l’anus.

Même s’il n’a aucun contrôle sur l’armée, le ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, ainsi que d’autres membres d’Otzma Yehudit, son parti d’extrême-droite, ont alors annoncé leur intention de se rendre au centre, dans le sud du pays, pour manifester contre l’arrestation des soldats.

« Le spectacle d’agents de la police militaire venus arrêter les héros de Sde Teiman est purement et simplement honteux », a déclaré Ben Gvir, dont le ministère supervise la police et le Service pénitentiaire.

Des députés et activistes d’extrême-droite, comme le député Zvi Sukkot, élu sous l’étiquette HaTzionout HaDatit, sont entrés par effraction dans la base alors que les protestataires laissaient éclater leur colère à l’extérieur.

Dans une vidéo tournée à la base, Sukkot dit : « Nous ne pouvons pas enquêter sur les soldats avant d’avoir enquêté sur ceux qui ont échoué à empêcher le 7 octobre. » Se saisissant d’un mégaphone, il a dit aux manifestants : « Nous n’avons pas d’autre armée, cette manifestation est importante. Descendons dans la rue mais ne nous en prenons pas aux soldats. »

Une infiltration sur la base militaire que le chef d’état-major, le général Herzi Halevi, a dénoncé avec force.

« Cette effraction dans la base de Sde Teiman est extrêmement grave, contraire à la loi. Entrer dans une base militaire et perturber l’ordre public est un comportement grave que l’on ne peut accepter. Nous sommes en guerre et des actions de ce genre mettent en péril la sécurité du pays », a déclaré Halevi dans un communiqué publié par Tsahal.

Halevi a précisé qu’il soutenait l’enquête lancée par la procureure-générale et la police militaire sur ces abus présumés à l’encontre d’un prisonnier palestinien, qui seraient survenus il y a trois semaines.

« Ce sont précisément ces enquêtes qui protègent nos soldats, en Israël comme dans le reste du monde, et qui préservent les valeurs de l’armée israélienne », a-t-il continué.

Le chef de l’opposition Yair Lapid s’est rangé à cette opinion.

Cette intrusion est « un acte criminel minable et dangereux » qui ne fait « qu’affaiblir » l’armée israélienne et même l’État, en « minant les fondements de notre puissance de l’intérieur », a-t-il expliqué.

« Les politiciens qui ont abandonné les otages et services de sécurité et qui ont détruit la société israélienne sont en train de détruire la chaîne de commandement. Le pays court un grave danger si ces gens ne quittent pas le pouvoir », a-t-il déclaré.

« Ce n’est pas une émeute, c’est une tentative de coup d’État menée par une milice armée contre un Premier ministre faible et incapable de contrôler son gouvernement », a ajouté Lapid.

Le ministre des Finances Bezalel Smotrich a, de son côté, fait part de son mécontentement suite à l’information portant sur le placement en détention des militaires.

« Les soldats israéliens méritent le respect », a-t-il indiqué dans un message vidéo, en insistant sur le fait qu’ils ne devaient pas être traités comme « des criminels » et en demandant à la procureure-générale de Tsahal, la générale Yifat Tomer-Yerushalmi, de « ne pas toucher à nos soldats héroïques ».

De son côté, le parti ultra-orthodoxe Shas a, lui aussi, condamné ces arrestations, estimant que « le spectacle désolant de policiers militaires masqués en train de lancer un raid sur une base de l’armée et d’appréhender des soldats comme des criminels devrait choquer tous les citoyens de ce pays ».

« Nos chers soldats qui donnent leur vie pour cette guerre difficile contre l’ennemi meurtrier du Hamas devraient avoir tout notre soutien, notre respect et notre reconnaissance », a ajouté le parti haredi dans une déclaration.

Au centre de détention de Sde Teiman, dans le sud d’Israël, après l’arrivée d’enquêteurs de la police militaire qui ont arrêté des suspects en vue d’un interrogatoire, le 29 juillet 2024. (Capture d’écran : X, used in accordance with Clause 27a of the Copyright Law)

L’onde de choc de ces arrestations s’est fait ressentir jusqu’à la Knesset, où le président de la Commission des Affaires étrangères et de la Défense, Yuli Edelstein, a annoncé qu’une audience aurait lieu en urgence, dès demain, pour évoquer le placement en détention des neuf militaires.

« Je n’apporterai pas mon soutien aux scènes qu’il nous a été donné de voir aujourd’hui à la base Sde Teiman », a dit Edelstein.

« Le fait que des membres de la police militaire masqués lancent une opération sur une base militaire de Tsahal est pour moi inacceptable et je ne la laisserai pas se reproduire. Nos soldats ne sont pas des criminels et cette action méprisable envers nos soldats est inacceptable pour moi », a-t-il ajouté.

Un recours déposé devant la Cour Suprême de justice par l’Association des droits civils en Israël (ACRI) avait demandé aux juges d’ordonner à l’État de fermer le centre de détention de Sde Teiman suite à des informations laissant entendre, ces derniers mois, que de graves violences y étaient commises sur les prisonniers.

Selon ces informations, les détenus vivaient dans de mauvaises conditions, constamment menottés, les yeux bandés, obligés de passer des heures dans des positions inconfortables. Elles ont aussi fait état d’humiliations publiques fréquentes et de l’absence de tout respect de leurs droits médicaux à l’infirmerie du centre, qui se trouve dans une base militaire de Tsahal.

En début de mois, le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait dit à la Cour Suprême que le centre de Sde Teiman ne devait être utilisé que pour des détentions de courte durée et l’interrogatoire de prisonniers de sécurité arrêtés à Gaza, positionnement auquel le ministre de la Sécurité d’extrême-droite, Itamar Ben Gvir, s’est opposé avec force.

Les terroristes et autres suspects sont normalement détenus sur les bases militaires de Sde Teiman, Anatot et Ofer avant d’être remis au Service pénitentiaire.

La loi dispose que les prisonniers peuvent être incarcérés pendant un maximum de 45 jours avant d’être libérés ou remis au Service pénitentiaire.

Depuis le début de la guerre qui oppose actuellement Israël au Hamas, le centre de Sde Teiman sert à maintenir en détention plus d’un millier de Palestiniens de Gaza soupçonnés d’activités terroristes. La très grande majorité est suspectée d’avoir participé au pogrom commis par le Hamas, le 7 octobre dernier, lorsque les terroristes ont massacré 1 200 personnes et fait 251 otages, séquestrés dans la bande de Gaza.

En mai, l’armée avait annoncé enquêter sur des informations faisant état d’abus et d’actes de torture sur des prisonniers du centre Sde Teiman, suite à de multiples signalements dénonçant de graves maltraitances.

L’avocate-générale de Tsahal, Yifat Tomer Yerushalmi, avait fait savoir qu’à la fin mai, l’armée avait ouvert 70 enquêtes et que ces dernières étaient menées avec « le plus grand sérieux ».

Dans le sillage de ces accusations d’abus et d’actes de torture et suite au recours déposé par l’Association des droits civils devant la Cour Suprême, l’État a fait savoir que l’armée n’utiliserait plus, à terme, Sde Teiman et que le transfert des prisonniers qui s’y trouvent incarcérés allait commencer sans délai.

Après la manifestation et l’invasion de la base de Sde Teiman, les politiciens d’extrême-droite ont ensuite appelé leurs soutiens à aller manifester devant la base de Tsahal de Beit Lid, dans le centre d’Israël, là où les neuf soldats interpelés sont en ce moment interrogés.

Alors que les esprits continuaient de s’échauffer sur la question ce lundi soir, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a publié une déclaration appelant à « un apaisement immédiat des passions au sein de la base de Sde Teiman ».

Il a par ailleurs « condamné avec la plus grande fermeté » l’effraction commise à la base de Tsahal où sont détenus les terroristes du Hamas.

En réponse, Yaïr Lapid a affirmé que Netanyahu était « faible » et avait perdu le contrôle de son gouvernement. « Le Premier ministre a demandé il y a deux heures de calmer les passions. Depuis, des journalistes ont été battus, des affiches sur lesquelles on pouvait lire ‘l’avocate générale militaire en prison’ ont été brandies et des hommes en uniforme masqués et armés ont manifesté devant la base de Tsahal de Beit Lid », peut-on lire dans le communiqué.

Comme Netanyahu et les autres responsables, le ministre de la Défense Yoav Gallant s’est également prononcé contre l’effraction menée par des militants et députés d’extrême droite, affirmant que « même sous le coup de la colère, la loi s’impose à tous ».

« L’armée israélienne va continuer d’appliquer la loi et nous devons veiller à ce que les autorités légitimes mènent les enquêtes requises dans le respect de la dignité de nos soldats », a-t-il dit.

Pour sa part, le président Isaac Herzog a écrit sur X : « La moralité de Tsahal et de ses soldats a toujours été notre fierté, que ce soit vis-à-vis de nous ou de la communauté des nations et du droit international. »

« Cette moralité tient bon, même si elle est durement éprouvée même par des ennemis cruels, à commencer par ces maudits terroristes de Nukhba », a déclaré le président.

« N’oublions pas que nos ennemis continuent de nous persécuter, encore et encore, y compris sur la scène juridique internationale – commandants, combattants, élus. Ne leur donnons surtout pas des motifs contre Tsahal ou l’État d’Israël. »

Il a ajouté que « l’intrusion de civils sur une base militaire, particulièrement avec les encouragements et la participation d’élus, était un acte grave, dangereux, illégal et irresponsable, qui nous porte préjudice en tant que peuple et pays ».

Herzog a appelé les élus en question « à faire preuve de responsabilité, à se détendre et à se calmer ».

Il s’est dit confiant dans le fait que les enquêtes permettront d’établir la vérité. « Je fais confiance à Tsahal, notre armée, à ses commandants et à ses soldats pour agir en conséquence », a poursuivi Herzog.

Il a par ailleurs appelé la population à soutenir les soldats et les forces de sécurité aux prises avec une guerre difficile.

« L’armée israélienne fait son travail », a déclaré le président. « Nous sommes en guerre et il est important de s’en souvenir constamment. »

Illustration : Le président Isaac Herzog s’exprimant lors d’une cérémonie de prestation de serment pour les juges nouvellement nommés, à la résidence présidentielle, à Jérusalem, le 23 juin 2024. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)

De son côté, la procureure générale, Gali Baharav-Miara, a défendu les forces de l’ordre qui ont ordonné et procédé à l’arrestation des soldats dans le centre de détention de Sde Teiman, en rappelant que l’armée se devait d’agir conformément à la loi et que les soupçons de comportement criminel devaient faire l’objet d’une enquête.

« J’apporte mon soutien le plus entier à l’avocate générale militaire, aux forces de l’ordre de Tsahal ainsi qu’à la police israélienne, qui travaillent avec professionalisme et équité, dans le respect de la loi », a déclaré la procureure générale.

« Les forces de l’ordre sont tenues d’examiner les soupçons d’activité criminelle », a-t-elle ajouté.

La procureure générale Gali Baharav-Miara arrivant à la conférence du Jour de Jérusalem, au Musée des terres bibliques, à Jérusalem, le 5 juin 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le chef du barreau israélien, Amit Becher, a réagi à l’effraction commise sur la base militaire et le centre de détention de Sde Teiman, qu’il a qualifié d’acte de « sédition » qui « bafoue l’État de droit ».

« Les graves émeutes et actes de sédition qui se produisent actuellement à Sde Teiman sont des signes d’anarchie et de mépris pour l’État de droit », a-t-il déclaré.

« Nous sommes tous aux côtés des soldats de Tsahal et des réservistes, mais lorsqu’il existe des soupçons d’actes criminels graves, il n’y a pas d’autre voie que celle d’une enquête indépendante », a-t-il ajouté.

Il a par ailleurs rappelé qu’Israël faisait l’objet d’un très grand nombre de mises en cause devant les tribunaux internationaux de La Haye, mais qu’il faisait en sorte de prouver qu’il était un « État de droit au sein duquel les infractions aux lois de la guerre faisaient l’objet d’enquêtes sincères ».

Il a ajouté : « Les émeutes de Sde Teiman portent très gravement atteinte à la sécurité de l’État d’Israël » et a demandé au Premier ministre Benjamin Netanyahu ainsi qu’au ministre de la Justice, Yariv Levin, d’intervenir.

Amit Becher, président du Barreau israélien, prend la parole lors d’une audience du Comité de la Knesset sur la Constitution, le droit et la justice, le 18 mars 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Par ailleurs, Shanna Orlik, membre de l’organisation Hitorerut, a porté plainte contre le député du parti HaTzionout HaDatit Zvi Sukkot pour effraction dans Sde Teiman, infraction pénale passible selon elle d’une peine de prison, et exigé qu’il fasse l’objet d’une enquête.

« Non contant d’avoir mis en danger la vie de soldats dans sa Souccah à Huwara [ville palestinienne de Cisjordanie] [le 6 octobre 2023], l’anarchiste criminel Zvi Sukkot porte une fois de plus préjudice à l’armée et au pays », a expliqué Orlik.

Le Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël a lui aussi condamné les émeutes de Sde Teiman, affirmant qu’elles « nuisaient gravement à l’État de droit et aux principes démocratiques fondamentaux ».

« L’effraction sur une base militaire et les tentatives d’ingérence dans des procédures d’enquête légitimes, particulièrement de la part d’élus, n’ont pas leur place dans un pays démocratique », a déclaré l’organisation en condamnant « toute tentative de pression politique sur le système militaire de maintien de l’ordre ».

Elle a par ailleurs demandé à la procureure générale d’ouvrir des enquêtes pénales contre toutes les personnes impliquées dans l’effraction, « députés et ministres compris ».

Illustration : Eliad Shraga, chef du Mouvement pour un gouvernement de qualité, s’exprime lors d’une manifestation contre le remaniement devant la Cour suprême à Jérusalem le 9 mars 2023. (Crédit : Jeremy Sharon/Times of Israel)

Le ministre d’extrême droite du Neguev, de la Galilée et de la Résilience nationale, Yitzhak Wasserlauf, a réagi en affirmant que l’immunité parlementaire s’appliquait aux députés qui pénètrent sur les bases militaires.

Membre du parti Otzma Yehudit présent lors de la manifestation devant la base de Sde Teiman, Wasserlauf a déclaré à l’antenne de la radio 103FM qu’il n’était pas personnellement entré dans la base et qu’il avait tenté de dissuader les concernés.

« À mes yeux, cela n’aide pas à faire passer le message », a-t-il déclaré. « Je ne peux pas soutenir une effraction, une action illégale. Je suis un ministre de l’État d’Israël. »

Mais, a-t-il ajouté : « Les membres de la Knesset jouissent de l’immunité. Ils sont autorisés à entrer. »

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