Eli Cohen rejette le rapport de son ministère sur le coût diplomatique de la réforme
Le ministre des Affaires étrangères déclare que les conclusions reflètent l'opinion de l'auteur seul ; un diplomate anonyme accuse le ministre de trahir le ministère

Le ministre des Affaires étrangères, Eli Cohen, a rejeté jeudi les conclusions d’un rapport interne de son ministère qui mettait en garde contre les conséquences désastreuses de la refonte du système judiciaire entreprise par le gouvernement sur la réputation internationale d’Israël.
La décision de produire ce rapport a été prise en mars. Selon le site d’information Walla, le ministère avait initialement cherché à éviter la question controversée de la réforme judiciaire. Une avalanche de messages défavorables venant de pays du monde entier et mettant en garde contre le fait que l’initiative du gouvernement visant à réduire radicalement le pouvoir de la Cour suprême de justice risquait de compromettre leurs liens avec l’État juif a toutefois contraint le ministère à adresser la question.
Le rapport a été réalisé à la demande d’une poignée de très hauts fonctionnaires, qui ont accepté de réduire au minimum le nombre de personnes informées de son élaboration en raison du caractère sensible de la question, a déclaré Walla.
Bien que rédigé dans un langage prudent, le rapport constate que la réputation internationale d’Israël a été affectée depuis l’entrée en fonction du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu le 29 décembre, le plus à droite de l’Histoire d’Israël, notamment en raison du projet de refonte dévoilé quelques jours après son investiture.
Le rapport explique que la conjugaison de cette refonte judiciaire et des déclarations incendiaires des ministres sur la politique d’Israël à l’égard des Palestiniens a nui aux efforts menés depuis des dizaines d’années par Jérusalem pour prouver qu’elle partage les mêmes valeurs que l’Occident et qu’elle reste désireuse de faire la paix avec les Palestiniens, alors même que le conflit se poursuit, selon Walla.
Le rapport a également révélé que les tensions internes en Israël au sujet de la réforme judiciaire ont semé le doute parmi les pays du Golfe sur la stabilité d’Israël et sur la possibilité d’étendre les accords d’Abraham, d’après Walla.

Plusieurs recommandations sont proposées au gouvernement pour l’aider à mieux expliquer sa politique à l’égard des Palestiniens et de la réforme judiciaire, ainsi que pour améliorer les liens de plus en plus tendus avec les communautés juives à l’étranger.
Le rapport a été soumis au bureau de Cohen le mois dernier mais n’a jamais été discuté et le ministre des Affaires étrangères a déclaré à Walla qu’il n’en avait eu connaissance que jeudi.
Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a déclaré jeudi que Cohen n’acceptait pas les conclusions du rapport » parce qu’il « n’exprime pas la position de tous les responsables du ministère et ne présente pas une image fidèle de la situation. Ce rapport reflète uniquement l’opinion de son auteur ».
Walla a cependant révélé que le rapport a été rédigé par plusieurs diplomates, dont Rachel Feinmesser, qui dirige le Centre de recherche politique du ministère des Affaires étrangères, et Ditza Froim, qui dirige le Bureau de planification des politiques du ministère. Plusieurs de leurs supérieurs avaient approuvé la rédaction de ce rapport.
« Les nombreuses conversations que le ministre et les hauts responsables du ministère des Affaires étrangères ont eues avec leurs homologues à l’étranger ont fait apparaître un tableau complètement différent de celui présenté dans le rapport », a ajouté le porte-parole du ministère des Affaires étrangères dans son communiqué.

Un diplomate israélien s’exprimant sous le couvert de l’anonymat a déclaré à Walla : « En tant que fonctionnaire et diplomate des Affaires étrangères, j’ai honte de la réaction du ministère des Affaires étrangères. »
« Des employés dévoués du ministère ont préparé un rapport professionnel à l’attention du ministre et des hauts gradés du ministère et au lieu de prendre en considération les évaluations professionnelles faites par des diplomates ayant des dizaines d’années d’expérience dans le service extérieur, [le ministre] attaque les auteurs. »
« Une situation absurde a été créée où une évaluation fidèle de la situation ne parvient pas aux décideurs parce que les employés du ministère ont peur d’exprimer clairement leur avis professionnel, car ils savent que cela aura un impact sur le maintien de leur emploi. Cette culture du silence qui règne au ministère des Affaires étrangères est l’une des causes de l’érosion de la position internationale d’Israël », a déclaré le diplomate.