En attendant les bulldozers, les résidents du sud Hebron appellent l’Occident à l’aide
La famille Nawajah du village de Susya déclare qu’elle ne quittera pas sa terre même si leurs maisons sont détuites par l’armée israélienne
Elhanan Miller est notre journaliste spécialiste des affaires arabes
SUSYA, Cisjordanie – Eid al-Fitr, la fête musulmane marquant le mois saint du Ramadan, était un moment doux et amer pour le clan Nawajah dans le village de Susya, au sud de Hébron.
La semaine dernière, une délégation d’officiers israéliens haut gradés de l’Administration civile est arrivée dans la communauté de 340 personnages, demandant aux résidents de retirer leurs maisons constuites illégalement ou de devoir faire face à la démolition à la fin du dimanche saint.
Une liste de près de 40 ordres de démolition est rapidement arrivée, incluant la moité de l’implantation, y compris une clinique et une école.
« Les gens sont heureux lors de cette fête, mais nous ne sommes pas heureux, a déclaré Mahmoud Nawajah, âgé de 35 ans. Au lieu de célébrer l’événement, nous sommes préoccupés par la menace qui plane au-dessus de nous ».
Nawajah est né à Khirbet Susya où son clan résidait dans des caves et des cabanes improvisées au sommet d’une ancienne implantation juive datant au neuvième siècle avant JC.
En 1986, quand il avait six ans, la zone a été fermée par Israël et décrétée un parc national. Ses résidents palestiniens ont été dispersés dans la Cisjordanie, mais les Nawajah se sont déplacés vers les terres agricoles qu’ils possédaient à quelques centaines de mètres dans la colline.
Tout au long des années 90, l’armée a mené des démolitions de petite échelle à Susya, prétendant que toutes les structures résidentielles sur la terre agricole étaient construites illégalement.
Mais en juilet 2001, le village entier a été détruit un jour après le meurtre de Yair Har Sinai, un berger de l’implantation juive à proximité de Susya. Le village a été rapidement reconstruit mais aujourd’hui, 14 ans plus tard, les Nawajah craignent une autre évacuation forcée.
La semaine dernière, le Coordinateur des Activités du Gouvernement dans les Territoires (COGAT), Yoav Mordechai, a essayé de convaincre les Nawajah d’accepter une terre résidentielle dans la ville voisine de Yatta, tout en continuant à cultiver leur propre terre à Susya. Mais mentionnant de nombreux précédents de prise de contrôle de la terre par des habitants d’implantations dans la zone, les résidents de Susya ont refusé de partir.
« S’ils démolissent encore, nous nous assiérons ici, sous les arbres, déclare Widad Nawajah, âgé de 40 ans, qui vend localement des tapisseries fabriquées à la main. Nous ne quitterons pas notre terre ».
Un porte-parole de COGAT a déclaré au Times of Israel dans un message écrit dimanche que les officiers israéliens ont initié la rencontre avec les résidents de Susya la semaine dernière « afin de dialoguer concernant les décisions de la Cour Suprême et d’examiner des solutions alternatives pour les résidents en accord avec les considérations prévues ».
Malgré sa taille minuscule, ou peut-être à cause de cela, Susya est devenu un point de focalisation de l’intérêt internationale.
Le 7 juin, une délégation de tous les représentants de l’Union européenne auprès de l’Autorité palestinienne a visité Susya, accompagnée par le Premier ministre de l’Autorité palestinienne Rami Hamdallah.
Un mois plus tôt, le Juge Noam Sohlberg de Cour Suprême a refusé de publier une injonction demandée par les Rabbins pour les Droits de l’Homme, une organisation basée à Jérusalem. Le groupe avait soumis un plan pour Susya et demandé qu’il soit examiné par le Cour avant que les maisons du village ne soient enlevées.
Il n’est pas étonnant que les Européens se soient précipités pour aider SuSya. Le village entier est soutenu par le financement européen. Les panneaux solaires générant son électricité ont été donnés par le ministère des Affaires étrangères allemand, la clinique et les systèmes de purification de l’eau ont été offerts par l’Italie et le plan que la cour israélienne doit débattre le 3 août a été financé par le Royaume-Uni. De manières significative, 22 des 37 immeubles devant être détruits ont été financés par l’Union européenne.
« J’espère que chaque pays européen qui a donné quelque chose à Susya : une tente, un filtre à eau enverra quelqu’un pour défendre la propriété qu’il a donné », a déclaré Azzam Nawajaah, un électricien âgé de 55 ans.
A en juger par les déclarations publiques émanant de Londres et de Washington, le vœu de Nawajah semble se concrétiser.
« La position du gouvernement britannique contre le déplacement des communauté dans la zone C est claire », a écrit Consulat général britannique à Jérusalem le mois dernier à la suite du repas d’iftar à Susya, auquel a participé le Consul Général Alastair McPhail.
« Des démolitions de propriété et les évacuations de communautés entières de leurs villages entraînent de grandes souffrances pour des Palestiniens ordinaires et sont néfastes au processus de paix. Elles sont, à l’exception des rares cisconstances, contraires au droit international humanitaire ».
Le 17 juillet, le porte-parole du Département d’Etat américain John Kirby a « fortement incité » Israël à ne pas détruire les structures condamnées à Susya.
« La démolition de ce village palestinien ou d’une de ses parties, et les évacuations de Palestiniens de leurs foyers seraient néfastes et provocatrices, a déclaré Kirby. De telles actions ont un impact au-delà des individus et de familles évacuées. Nous sommes préoccupés que la démolition de ce village puisse compliquer l’atmospère pour une résolution paisible et mettrait en place un standard négatif pour l’évacuation et la confiscation de terre, particulièrement étant donné l’activité liée aux implantations dans la zone ».
Clairement, pour les Etats-Unis et l’Europe, Susya est perçu comme un microcosme de la Zone C, la portion de la Cisjordanie totalement administrée par Israël et comprenant 60 % du territoire.
Selon le rabbin Arik Ascherman, le co-fondateur et directeur des projets spéciaux chez Rabbins pour les Droits de l’Homme, des milliers d’ordres de démolition attendent une éxécution dans des communautés palestiniennes sous contrôle administratif israélien à travers la Cisjordanie.
« Si ces démolitions se poursuivent, il y aura de nombreux Susya », a-t-il déclaré au Times of Israel dimanche.
L’organisation d’Ascherman s’est impliquée pour la première fois avec des Palestiniens vivant dans les Montagnes du Sud d’Hébron en 1999, lorsque 700 résidents ont été évacués de leur foyers situés sur une terre déclarée par l’armée israélienne comme zone à risque d’incendie.
« A Susya, il est tellement évident que nous nous acharnons sur des gens sans défense », a-t-il déclaré en tentant d’expliquer l’intérêt mondial élevé pour ce petit village. « C’est une affaire où l’on expulse de gens pour des motivations politiques, en mettant des objectifs politiques avant les vies de gens ».