En Iran, la persécution des bahaïs jusque dans la tombe
Selon ses représentants, la communauté bahaïe est victime d'une persécution et d'une discrimination systématiques depuis la fondation de la République islamique en 1979
Une parcelle de terre aplatie est tout ce qui reste de l’ancien emplacement des tombes, la preuve pour les bahaïs d’Iran de la persécution des adeptes de leur foi, même au-delà de la mort.
Sous cette partie du cimetière Khavaran, au sud-est de Téhéran, reposent jusqu’à 45 corps de bahaïs récemment décédés, selon la Communauté internationale bahaïe (CIB), qui défend les intérêts de cette minorité religieuse interdite par l’État iranien.
Mais il n’y a plus ni plaques, ni pierres tombales, ni fleurs : le lieu a récemment été rasé par les bulldozers dépêchés par les autorités iraniennes, déplore la CIB. Une profanation et une nouvelle attaque contre la plus grande minorité religieuse non musulmane d’Iran.
Selon ses représentants, la communauté bahaïe est victime d’une persécution et d’une discrimination systématiques depuis la fondation de la République islamique en 1979.
Sa foi, contrairement à celles d’autres minorités, n’est pas reconnue par la constitution iranienne et ses membres, qui n’ont pas accès à l’enseignement supérieur, ne sont pas représentés au Parlement, où d’autres minorités non musulmanes se partagent cinq sièges.
Les bahaïs subissent en outre, selon la CIB, différentes formes de harcèlement : descentes dans leurs entreprises, confiscation de biens, et même arrestations.
Le bahaïsme est une religion monothéiste fondée au début du 19e siècle en Iran, dont le centre spirituel est à Haïfa, ce qui vaut régulièrement à ses fidèles d’être accusés d’être des agents d’Israël, pays honni par Téhéran.
Après la révolution, les nouvelles autorités iraniennes ont saisi deux lieux de sépulture appartenant aux bahaïs et les obligent désormais à enterrer leurs morts à Khavaran, un site de fosses communes où sont également enterrées les victimes des exécutions massives de prisonniers politiques en 1988.
« Ils veulent faire pression sur la communauté bahaïe par tous les moyens possibles », a déclaré à l’AFP Simin Fahandej, la représentante de la CIB auprès des Nations unies.
« S’en prendre aux morts »
« Le fait qu’ils s’en prennent aux morts montre qu’ils sont motivés par la persécution religieuse et non par une menace perçue pour la sécurité nationale ou la société », estime-t-elle.
Le Bureau de la liberté religieuse internationale du département d’État américain a condamné la « destruction » d’au moins 30 tombes du cimetière, en ajoutant que les bahaïs en Iran continuaient « de faire face à des violations des droits funéraires et d’inhumation ».
La destruction des tombes intervient à un moment où la répression de cette communauté s’intensifie en Iran, où vivent encore des centaines de milliers de fidèles bahaïs, selon leurs représentants.
Mahvash Sabet, 71 ans, une poétesse renommée, et Fariba Kamalabadi, une figure des bahaïs, âgée de 61 ans, toutes deux arrêtées en juillet 2022, sont toujours en prison et purgent des peines de 10 ans de détention, leur deuxième séjour carcéral au cours des deux dernières décennies.
« Nous avons également vu le régime augmenter considérablement les saisies de biens des bahaïs et utiliser des simulacres de procès pour soumettre les bahaïs à de longues peines de prison », souligne le département d’État américain.
Au moins 70 bahaïs sont actuellement en détention ou purgent des peines de prison, 1 200 autres font l’objet de poursuites judiciaires ou ont été condamnés, selon l’ONU.
Le rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme en Iran, Javaid Rehman, a déclaré au Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève cette semaine qu’il était « extrêmement bouleversé et choqué par la persécution persistante, les arrestations arbitraires et le harcèlement des membres de la communauté bahaïe ».
« Le traitement réservé aux bahaïs est étroitement lié à la situation générale des droits de l’homme dans le pays. L’intensification de la répression coïncide avec la détérioration de la situation générale des droits humains dans le pays », pointe Mme Fahandej, en relevant que la répression actuelle intervient alors que les autorités cherchent à éradiquer toute forme de dissidence à la suite des manifestations nationales qui ont éclaté en septembre 2021.