En Israël, médecins arabes et juifs mobilisés ensemble face au coronavirus
La photo de deux infirmiers priant devant l'ambulance est devenue virale: certains ont salué une image "inspirante", d'autres ont saisi l'occasion pour parler d'inégalités sociales
« Il n’y a pas de différence entre nous ». En Israël, médecins juifs et arabes oeuvrent ensemble, côte à côte, en première ligne pour combattre l’épidémie de coronavirus et faire taire aussi les propagateurs de la « haine ».
Près de Tel-Aviv, l’hôpital Sheba est classé parmi les meilleurs au monde et ses responsables affirment que c’est grâce au travail qu’effectuent les soignants arabes et juifs, dans une société pourtant marquée par les divisions.
« Nous travaillons ensemble avec l’équipe médicale arabe et pas seulement au temps du corona », rapporte Rafi Walden, directeur adjoint émérite de l’établissement.
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« Sans (les médecins arabes), le système de santé israélien s’effondrerait », affirme-t-il à l’AFP, estimant qu’il n’y a aucune différence entre eux et les soignants juifs.
Les Arabes israéliens, qui représentent environ 20 % de la population israélienne, se disent régulièrement victimes de discrimination sociale et dénoncent aux côtés d’autres minorités la loi de l’Etat-nation qui consacre le caractère juif d’Israël.
Mais ironie du sort au temps du coronavirus, une photo de deux infirmiers faisant la prière devant leur ambulance est devenue virale : l’un, juif, prie tourné vers Jérusalem, l’autre, musulman, agenouillé sur un tapis de prière en direction de La Mecque.
Des internautes ont salué une image « inspirante » diffusée par le Magen David Adom, l’équivalent en Israël de la Croix-Rouge, soulignant l’union nécessaire en temps de crise, d’autres ont saisi l’occasion pour parler des inégalités sociales.
Selon une étude de 2017 du Centre Taub d’études socio-politiques en Israël, le taux de pauvreté est beaucoup plus élevé dans les secteurs arabes, où la population a une espérance de vie de quatre ans de moins que les Juifs israéliens.
« Dans le même panier »
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu est régulièrement accusé de racisme par les Arabes israéliens et d’incitation à la haine contre les membres des partis arabes qu’il a qualifiés de « menace ». Un de ses ministres (Israel Katz) les a d’ailleurs traités de « terroristes en costumes ».
« Netanyahu connaît le rôle des Arabes dans le système de santé, et dans d’autres secteurs, pourtant il continue à propager la haine et à mentir sans la moindre hésitation », regrette M. Walden.
Récemment, environ 700 membres du corps médical, dont une moitié de juifs, ont signé une pétition appelant M. Netanyahu à cesser de semer la division en ces temps de crise sanitaire.
Plus de 4 800 cas de nouveau coronavirus ont été officiellement recensés en Israël, où 18 personnes en sont décédées. Après plus d’un an de crise politique et trois législatives, M. Netanyahu devrait rester au pouvoir et former un « gouvernement d’urgence » pour gérer la pandémie, aux côtés de son rival Benny Gantz.
« Notre objectif, à nous Arabes et Juifs, est de protéger l’humanité, nous appelons à ce que cesse l’incitation à la haine. Nous sommes dans le même panier, travaillons ensemble pour mettre fin à l’épidémie de coronavirus », affirme Choukri Awawda, l’un des instigateurs de la pétition.
Disparités face au corona ?
Jusqu’à présent, le nombre de cas de Covid-19 est resté relativement bas dans les zones arabes. « C’est parce que moins de tests y sont conduits », estime le député arabe israélien Jaber Asakla, qui réclame plus de moyens pour gérer la crise sanitaire.
Une clinique mobile pour le dépistage du coronavirus hautement contagieux a été ouverte lundi dans le village arabe d’Arara.
Dimanche, Ahmad Tibi a déclaré que la Liste arabe unie avait lancé un appel au ministre de la Santé Yaakov Litzman, au directeur général du ministère de la Santé Moshe Bar Siman-Tov et au chef du service d’urgence et de secours Magen David Adom Eli Bin pour la construction d’un centre de dépistage pour la communauté arabe.
Tibi et d’autres membres de la Liste arabe unie, une coalition des quatre plus grands partis à majorité arabe, ont affirmé que les autorités médicales n’ont pas testé suffisamment d’Arabes israéliens pour détecter le virus, mais ont également déclaré que certains membres de la communauté arabe hésitent à contacter le Magen David Adom lorsqu’ils ressentent des symptômes associés au COVID-19.
« Il n’est pas honteux d’être dépisté ou d’être malade », a déclaré dimanche Tibi dans un message enregistré aux côtés de Bin, affirmant que les Arabes n’étaient pas plus immunisés contre le virus que quiconque en Israël.
Le porte-parole adjoint du Magen David Adom, Nadav Matzner, a cependant repoussé les critiques selon lesquelles les autorités sanitaires n’ont pas fait assez de tests sur les Arabes, en faisant remarquer que toute personne répondant aux critères est testée.
Il a également noté que des Arabes sont venus dans des cliniques de drive-in pour tester le virus à Haïfa et dans d’autres régions d’Israël. Dimanche, M. Bin, le chef du Magen David Adom, a également déclaré que le service d’urgence allait ouvrir une ligne d’assistance téléphonique en langue arabe.
Une autre explication serait la diffusion plus rapide de l’épidémie dans les grandes villes, selon le chercheur Mohammad Darawshe, qui note que « près de 70 % des citoyens arabes habitent dans des villages et dans des habitations individuelles ».
« Dans le même temps, 70 % des citoyens juifs résident en ville et dans des immeubles », ajoute ce membre de l’institut Givat Haviva, qui milite notamment pour l’égalité entre arabes et juifs en Israël.
Plus pauvres, « les communes arabes ne sont clairement pas préparées à une grande vague de coronavirus », met-il en garde. « Elles n’ont pas eu la chance d’avoir des budgets à consacrer à la formation de leur personnel pour les situations d’urgence ».
Dans une campagne diffusée sur les réseaux sociaux, des médecins et infirmiers arabes portant des masques et des tenues de protection enjoignent leurs concitoyens à « rester à la maison » pour éviter la contagion.
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