Israël en guerre - Jour 434

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Analyse

Espionnage : l’infiltration d’Israël au cœur du régime iranien inquiète

Les experts décrivent un régime gangréné, notamment du fait de la situation économique difficile et de son impopularité

Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, salue la foule lors d'un meeting à Téhéran (Iran), le 27 octobre 2024. (Cabinet du guide suprême iranien via AP)
Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, salue la foule lors d'un meeting à Téhéran (Iran), le 27 octobre 2024. (Cabinet du guide suprême iranien via AP)

Assassinats, frappes ciblées, opérations audacieuses et sanglantes. Les services israéliens multiplient les succès contre l’Iran et ses alliés, confirmant leur profonde infiltration au sein de la République islamique et justifiant des inquiétudes exprimées publiquement à Téhéran.

Vendredi, Ali Larijani, ancien président du parlement et conseiller du guide suprême Ali Khamenei, a dénoncé « le problème de l’infiltration en Iran (…) depuis des années ». « Il y a eu des cas de négligence. Les services de sécurité du pays les ont combattus, mais ils n’ont pu venir à bout de tous ».

En juillet, le chef de la branche politique du groupe terroriste du Hamas palestinien Ismaïl Haniyeh, était tué dans une explosion à Téhéran, imputée par l’Iran à Israël. Fin septembre, Hassan Nasrallah, chef du groupe terroriste du Hezbollah libanais, succombait à une frappe israélienne sur la banlieue sud de Beyrouth.

Entre les assassinats de ces deux alliés de l’Iran, des centaines de bipeurs et talkies-walkies du Hezbollah ont explosé au Liban lors d’une attaque sans précédent, qui a fait 37 morts et près de 3 000 blessés.

Des Iraniens déposant des fleurs sous un panneau d’affichage portant le portrait du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, éliminé lors d’une frappe aérienne israélienne sur la banlieue sud de Beyrouth le 27 septembre, lors d’une manifestation anti-Israël sur la Place de la Palestine, à Téhéran, le 30 septembre 2024. (Crédit : Atta Kenare/AFP)

Une opération à l’évidence préparée de longue date. « Donc vous avez un ennemi qui réfléchit pendant des années et vous fait mal en un instant », a souligné Ali Larijani.

Si la publicité des propos est inhabituelle, leur teneur ne surprend guère. Car Israël, sans les revendiquer, est largement désigné pour bien d’autres assassinats d’Iraniens de première importance.

Dont celui du père du nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh, près de Téhéran en novembre 2020, avec une arme assemblée près de son domicile puis déclenchée à distance. Mardi, la justice iranienne a indiqué avoir condamné à mort trois personnes dans ce dossier.

Des médias, dont la télévision Iran International, une chaîne pro-opposition largement suivie et basée à l’étranger, ont aussi affirmé que des agents israéliens avaient capturé et interrogé en Iran des membres des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique du régime.

Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei (à droite), en compagnie du commandant des forces aérospatiales du Corps des Gardiens de la Révolution islamique, le général de brigade Amir Ali Hajizadeh (à gauche), à Téhéran, le 6 octobre 2024, lui remettant une médaille pour l’attaque iranienne contre Israël. (Crédit : KHAMENEI.IR / AFP)

Les déclarations de M. Larijani « soulignent l’incapacité des services iraniens à empêcher l’infiltration israélienne », indique à l’AFP Alexandre Grinberg, de l’Institut pour la sécurité et la stratégie de Jérusalem (JISS).

« Au moment de l’opération ‘mort pour la batterie’ (les bipeurs, NDLR) comme certains l’ont présenté ironiquement en persan, le Hezbollah espérait que l’Iran l’aiderait en termes de renseignement. Mais ils ne peuvent déjà rien faire pour eux-mêmes ».

Les experts décrivent un régime gangréné, notamment du fait de la situation économique difficile et de son impopularité.

« Dans tout ministère ou organisation, Gardiens de la révolution, forces de l’ordre, ministère du Renseignement, justice, gouvernement locaux, il y a un haut degré d’insatisfaction », résume pour l’AFP Kenneth Katzman, analyste au Soufan Center et ex-expert du Congrès américain sur l’Iran.

Photo non datée d’un pager Apollo, du type de ceux qui ont explosé le 17 septembre 2024 dans plusieurs villes au Liban et en Syrie, lors d’une attaque sans précédent contre des membres du Hezbollah. (Balkis Press / ABACAPRESS.COM / Reuters)

« Beaucoup de gens sont prêts, même au sein du gouvernement, à aider Israël pour de l’argent et parce qu’ils sont en désaccord avec le régime ».

Ce contexte forme « un vivier possible de recrutement au profit des puissances étrangères », renchérit l’ex-cadre des services extérieurs français (DGSE) Alain Chouet. Ces sources humaines, combinées avec l’excellent renseignement technique israélien, sont inestimables, comme en témoigne l’assassinat de Nasrallah.

« Il ne couchait pas deux nuits au même endroit, ne restait pas deux heures à la même place. Il était extrêmement difficile à localiser », explique l’ancien espion. « Et après les bipeurs, il n’avait plus un gramme d’électronique sur lui ».

« Structurellement pénétrés »

Les Israéliens « ont tiré sur une certitude. Ils ont fait mouche, à la bonne heure et au bon endroit », salue-t-il. « Quelqu’un a renseigné ».

Des ouvriers accrochent des panneaux d’affichage portant le portrait du chef du Hezbollah libanais Hassan Nasrallah le long de l’autoroute de l’aéroport à Beyrouth, le 4 octobre 2024. (Crédit : Fadel ITANI / AFP)

Si le problème est identifié, Téhéran semble impuissant à le régler. « Il y en a trop qui, soit sont des agents pour Israël, soit sont prêts à le devenir. Les Iraniens n’y arrivent plus », déclare Alain Chouet.

Jason Brodksy, directeur des programmes de United against Nuclear Iran (UANI), décrit des organes de sécurité complètement infiltrés au sein des puissants Gardiens de la révolution.

« De nouveaux commandants ont été nommés puis sont partis, mais le problème est resté, ce qui montre combien les Gardiens sont structurellement pénétrés en tant qu’institution », explique-t-il. « Peut-être que les échelons les plus élevés sont compromis, mais les plus bas aussi ».

Pire encore, l’entourage du guide suprême Khamenei est probablement touché. « Son équipe est une vaste bureaucratie. Il y a beaucoup de gens qui travaillent pour lui et fournissent un vivier dans lequel les services étrangers essayent de recruter ».

Et rien ne laisse présager que l’efficacité israélienne ne se manifestera pas à nouveau.

« Je suis persuadé que le Mossad (les services extérieurs israéliens, NDLR) a sous le coude une demi-douzaine de structures capables d’agir à n’importe quel moment », prévient Alain Chouet.

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