État-nation : Les députés arabes accusent Danon d’avoir relayé des fake news
Une résolution de la Liste arabe unie contre la loi de l'État-nation a servi politiquement aux députés de droite et de gauche, mais il semble que l'histoire ait été fabriquée
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Le ministre du Tourisme Yariv Levin du Likud, parti au pouvoir, est récemment intervenu à la radio de l’armée pour accuser les députés arabes israéliens de la Liste arabe unie d’avoir commis une « trahison ».
Les bases de son accusation : un reportage télévisé de Hadashot diffusé dimanche soir sur une prétendue tentative des membres du troisième plus grand parti de promouvoir une résolution aux Nations unies qui condamnerait Israël pour la loi sur l’État-nation récemment adoptée.
Le reportage en prime time mentionnait une réunion entre la députée Aida Touma-Sliman de la Liste arabe unie, et Rosemary DiCarlo, sous-secrétaire générale aux affaires politiques de l’ONU, jeudi dernier, au cours de laquelle l’idée d’une résolution aurait été évoquée.
Selon la chaîne Hadashot, le bureau de DiCarlo a ensuite informé l’ambassadeur d’Israël Danny Danon sur le contenu de la réunion et ce dernier a ensuite informé le président de la Knesset, Yuli Edelstein, qui a exprimé son indignation.
Le reportage télévisé a déclenché une tempête, et l’accusation de trahison de Levin n’était qu’un début. Les parlementaires de tous bords ont immédiatement critiqué la Liste arabe unie – un parti dont les membres provoquent souvent la colère des autres factions – pour avoir utilisé une plate-forme internationale pour « laver le linge [sale] d’Israël ».
Cependant, les deux parties impliquées dans la réunion de l’ONU ayant réfuté l’affirmation selon laquelle il y aurait eu des discussions sur une résolution anti-israélienne, l’indignation généralisée semble avoir été largement fabriquée, les partis des deux bords cherchant à marquer des points politiques sur le dos de la Liste arabe unie.
Même après que la Liste arabe unie a démenti les faits et qu’il est devenu évident que le reportage de Hadashot était au mieux trompeur, les députés de gauche et de droite se sont montrés peu enclins à revenir sur leurs critiques.
Peu après la diffusion du reportage initial, près de deux douzaines de députés ont fait des déclarations exprimant leur dégoût.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a utilisé le reportage pour accuser les dirigeants des partis d’opposition Avi Gabbay (Union sioniste) et Yair Lapid (Yesh Atid) d’“être pour les Palestiniens et les députés arabes et contre la loi de l’État-nation qui fait de l’État d’Israël un État juif”.
Le ministre du Logement, Yoav Gallant, a affirmé qu’il était « maintenant temps pour le système judiciaire de permettre la mise hors la loi et l’expulsion de la Knesset de ces extrémistes dangereux ».
Mais la majorité des condamnations provenaient de membres de l’opposition, dirigés par la chef de l’opposition Tzipi Livni et huit autres membres du parti de l’Union sioniste, qui semblaient désireux de se différencier de leurs collègues arabes.
« Nous continuerons à nous opposer fermement aux députés arabes qui tentent d’agir contre Israël et de le faire condamner à l’ONU… Nous continuerons à nous opposer fermement à quiconque veut nuire à l’existence d’Israël en tant qu’État du peuple juif ou à son existence en tant que démocratie », a déclaré Livni dans un communiqué moins d’une heure après le reportage de Hadashot.
« Les députés de la Liste arabe unie continuent de dénigrer notre pays en tous lieux. Nous continuerons à lutter contre ce phénomène », a tweeté Gabbay une minute plus tard.
Quand est venu le moment pour les députés de la Liste arabe unie de répondre, le fondement de l’indignation généralisée s’est rapidement effondré, bien qu’aucun député ne se soit encore rétracté.
Un porte-parole de Gabbay a affirmé que les députés arabes, dans la formulation de leurs démentis, avaient laissé la possibilité d’une future résolution de l’ONU contre la loi de l’État-nation et que, par conséquent, le président travailliste n’avait rien à retirer.
Touma-Sliman a catégoriquement nié toute résolution lors de la réunion avec DiCarlo et a déclaré que l’idée n’avait même pas été imaginée.
Les députés de la Liste arabe unie ont accusé Danon d’être la source qui a fourni à Hadashot des informations concernant ce qu’elle a qualifié de faux reportage.
Sa preuve, a-t-elle indiqué, est simple. Touma-Sliman et ses collègues n’ont jamais caché leur opposition à la loi de l’État-nation ou leurs tentatives de faire pression sur les membres de la communauté internationale pour la faire condamner.
« Apparemment, il [Danon] n’a pas suivi les discussions de la Knesset. Nous avons dit haut et fort que la loi rappelle les dictatures les plus sombres, entérinant la discrimination et la séparation ethnique, et que nous allions la combattre à la Knesset, à la Cour suprême, dans les rues et devant la communauté internationale », a déclaré Touma-Sliman dans un communiqué.
De même, Ahmad Tibi, membre de la faction, a nié toute intention de promouvoir une telle mesure à l’ONU.
« Il n’existe pas de résolution palestinienne de ce genre. Cela a été inventé par Danny Danon, qui fait une crise d’hystérie et envoie des télégrammes urgents au ministère des Affaires étrangères », a-t-il déclaré lors d’un entretien avec le Times of Israel.
Tibi a également déclaré que le service des informations de Hadashot avait contacté son parti pour obtenir des commentaires, mais leur démenti n’a pas empêché la diffusion du reportage télévisé. Le démenti n’a pas été diffusé par la chaîne d’information.
Le Times of Israel s’est entretenu avec deux autres responsables présents à la réunion avec DiCarlo, qui ont également nié que la question ait été soulevée.
Le bureau de DiCarlo a refusé de commenter les faits.
Un conseiller de Touma-Sliman a précisé que si la loi de l’État-nation a été discutée au cours de la réunion, aucune résolution contre elle ne l’a été.
Il a ajouté que si la députée avait souhaité qu’une résolution contre Israël soit présentée, le bureau du sous-secrétaire aux affaires politiques « n’aurait pas été la bonne adresse ».
Ce sont les États membres eux-mêmes, et non DiCarlo, qui sont responsables de l’élaboration de ces mesures.
De plus, le conseiller a déclaré que Touma-Sliman n’a pas rencontré l’ambassadeur palestinien Riyad Mansour, qui aurait probablement besoin d’être au courant si une telle proposition devait être présentée.
Selon le reportage de Hadashot, Mansour a également participé aux efforts visant à promouvoir une telle résolution – une allégation que l’ambassadeur a qualifiée d’“invention de l’imagination de Danny Danon”.
Néanmoins, un diplomate israélien a soutenu l’affirmation selon laquelle le but de la réunion était de discuter d’une résolution anti-israélienne. Il a déclaré que le bureau de Danon a réussi à apprendre l’existence de la réunion par l’intermédiaire de fonctionnaires (qu’il ne souhaite pas nommer) et que l’ambassadeur d’Israël a ensuite contacté Edelstein.
Le conseiller de Touma-Sliman s’est moqué de cette remarque, suggérant que le bureau de Danon avait besoin d’apprendre le contenu de la réunion par des moyens détournés. Il a expliqué que DiCarlo est tenue d’informer l’ambassadeur respectif du pays de tout parlementaire qu’elle rencontre. Dans son compte rendu, le bureau de la sous-secrétaire a indiqué que la loi sur l’État-nation a été discutée. Il n’a pas été fait mention d’une résolution de l’ONU.
Un porte-parole de Danon a ensuite précisé que la lettre de l’ambassadeur à Edelstein ne mentionnait pas explicitement une résolution évoquée, mais accusait plus généralement les députés de la Liste arabe unie de « travailler contre l’Etat d’Israël » et de « causer de graves préjudices ».
Cependant, dans un communiqué faisant référence au reportage de Hadashot, Danon ne revient pas sur le fait qu’aucune résolution n’a été discutée lors de la réunion du jeudi au bureau de DiCarlo.
En réponse à la demande de précisions du Times of Israel, un communiqué a été publié au nom des « diplomates de la délégation israélienne auprès des Nations Unies ».
« Les faits parlent d’eux-mêmes. Le président de la Liste arabe unie, Ayman Odeh, a lancé un appel au Secrétaire général des Nations Unies en 2016 par l’intermédiaire de la délégation palestinienne demandant la création d’une commission d’enquête internationale contre l’État d’Israël concernant le traitement de la minorité arabe dans le pays. Ahmad Tibi a pris part à l’événement de novembre 2017 de la délégation palestinienne auprès des Nations Unies, qui s’est concentré sur la diffamation et l’incitation contre l’État d’Israël et les soldats de l’armée israélienne. La députée Aida Suleiman a participé à une conférence marquant le 50e anniversaire de l’occupation israélienne et la semaine dernière, elle a rencontré la Secrétaire générale des Nations Unies, Rosemary DiCarlo, et a critiqué l’État d’Israël », peut-on lire dans le communiqué.
La délégation israélienne de l’ONU a poursuivi en affirmant que Danon ne permettrait pas aux députés d’agir contre l’État pour lequel ils ont été élus.
Le communiqué ne fait aucune mention d’une résolution de l’ONU. Les critiques à l’égard de la Liste arabe unie sont cependant restées les mêmes.
Suite à la publication de ce rapport, Danon a publié le communiqué suivant en son nom propre : « La coopération entre les députés de la Liste arabe unie et la délégation palestinienne n’est malheureusement pas un fait nouveau. Il n’y a pas de précédent de ce genre à l’ONU où des parlementaires agissent contre leur pays… Nous continuerons à représenter fièrement les valeurs de l’État d’Israël en tant qu’État juif et démocratique ».
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