Face aux risques de poursuites à l’étranger, Tsahal cache l’identité de ses soldats
Les militaires dont le grade est inférieur à celui de brigadier général auront les visages floutés et les noms cachés ; rien n'a été décidé concernant les publications sur les réseaux sociaux par les soldats
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.
Face à l’activisme des organisations pro-palestiniennes pour obtenir l’arrestation et l’inculpation, pour crimes de guerre, de soldats israéliens en voyage à l’étranger, l’armée israélienne a décidé mercredi de dissimuler l’identité de ses combattants.
On ignore à ce stade dans quelle mesure les nouveaux règlements mis en place seront efficaces.
En vertu des nouvelles directives de Tsahal pour les médias, toute interview avec des officiers d’un grade inférieur à celui de brigadier général se fera de dos ou avec le visage flouté et leur nom sera tenu secret, comme cela se fait déjà avec les membres des forces spéciales ou les pilotes.
Ces nouvelles directives s’appliqueront à tous les soldats, en particulier à ceux de nationalité étrangère, en raison de leur forte exposition au risque de poursuites à l’étranger.
Il ne sera plus possible de parler de ces soldats en faisant référence à des incidents de combat spécifiques.
Les officiers supérieurs d’un grade supérieur à celui de brigadier général, ou ceux dont les noms sont déjà publics, seront autorisés à être interviewés à visage découvert et en donnant leur nom.
Avant toute interview avec les médias, le service du droit international de l’avocat général militaire informera les officiers et les images tournées devront être validées par le service de la censure militaire et de la sécurité de l’information de Tsahal.
Il est peu probable que ces nouvelles directives soient très efficaces pour déjouer les tentatives de faire juger les soldats de Tsahal pour crimes de guerre.
En général, les organisations à l’origine de ces manoeuvres identifient les soldats grâce aux réseaux sociaux et aux contenus qu’ils y publient eux-mêmes lorsqu’ils se trouvent à Gaza, et plus rarement grâce aux grands médias d’information.
L’armée israélienne n’a pas réellement pris de mesures pour empêcher les soldats de publier en ligne des contenus non autorisés issus d’opérations militaires et la tendance reste forte au 15e mois de la guerre.
L’armée a pris ces nouvelles directives en raison de l’activisme de la Fondation Hind Rajab, ONG basée en Belgique, qui identifie les soldats israéliens auteurs de vidéos publiées sur les réseaux sociaux dans lesquelles, selon l’organisation, ils commettent, sont réputés avoir commis ou semblent approuver la commission de crimes de guerre, dans le but d’alerter les forces de l’ordre locales, lorsqu’ils se rendent à l’étranger, et de les faire arrêter et traduire en justice.
L’organisation, qui explique « vouloir mettre un terme à l’impunité israélienne et obtenir justice pour Hind Rajab et toutes les victimes du génocide de Gaza », porte le nom de Hind Rajab, tuée à l’âge de six ans à Gaza en janvier dernier. Sa mort a été imputée à Tsahal mais l’enquête menée par Tsahal a révélé qu’il n’y avait aucun soldat israélien dans le secteur au moment de sa mort.
Basée en Belgique, l’ONG explique avoir présenté des preuves de crimes de guerre auprès de la Cour pénale internationale à l’encontre de 1 000 Israéliens – enregistrements vidéo et audio, rapports médico-légaux et autres documents -. La Cour a confirmé avoir reçu ces informations et déclaré qu’elle « analyserait, le cas échéant, les documents qui lui ont été remis ».
L’armée israélienne n’interdit pas à ses soldats de se rendre à l’étranger, mais elle procède à une « évaluation des risques » pour ceux qui ont servi à Gaza avant d’accepter leur demande. Il est conseillé aux réservistes de Tsahal qui ont combattu à Gaza de s’assurer auprès du ministère des Affaires étrangères du niveau de danger du pays dans lequel ils souhaitent se rendre.
Dimanche, le ministère des Affaires étrangères a « mis en garde les Israéliens sur la publication sur les réseaux sociaux de contenus relatifs à leur service militaire en raison de l’activisme d’éléments anti-Israël qui en profitent pour engager des poursuites judiciaires fantaisistes à leur encontre ».
Jusqu’à présent, aucune des accusations de la Fondation Hind Rajab n’a abouti à une arrestation, ce qui n’empêche pas le ministère des Affaires étrangères de prendre au sérieux ses agissements.