Flambée des prix à Gaza après qu’Israël a suspendu l’aide
Caroline Seguin, coordinatrice d'urgence pour Médecins sans frontières (MSF) à Gaza, indique que les camions qui devaient arriver dimanche matin ont alors été refoulés

Forte hausse des prix de produits de base et regain d’inquiétudes pour l’avenir : des Palestiniens de la bande de Gaza disent ressentir déjà les effets du blocage de l’aide humanitaire décidé par Israël alors que le Hamas refuse de rendre les 59 otages.
« Il y a beaucoup de craintes, et beaucoup de gens achètent des produits alimentaires, les prix ont beaucoup augmenté », dit à l’AFP Belal al-Helou sur un marché en plein air bondé à Gaza-ville.
« Plus le point de passage reste fermé, plus les prix augmentent et augmentent encore. Aujourd’hui, un kilo de sucre coûte dix ou douze shekels [2,6 à 3,2 euros, soit deux fois et demi plus qu’avant la guerre]. Les gens paniquent à propos de l’approvisionnement en nourriture », ajoute-t-il.
« Les prix ont augmenté de 80 % jusqu’à présent, et si le passage [de l’aide] reste fermé, ils augmenteront de 200 % », confirme, inquiet, Adly al-Ghandour, un autre acheteur.
Près de 17 mois après le début de la guerre, le Hamas contrôle toujours la bande de Gaza au grand dam du gouvernement israélien.
Israël a annoncé dimanche qu’il suspendait l’entrée de l’aide humanitaire à destination de ce territoire dévasté par les hostilités en raison du rejet par le mouvement terroriste islamiste palestinien d’un compromis présumé américain prévoyant une extension de la première phase de l’accord de trêve pendant le ramadan et Pessah, soit jusqu’au 19 avril.

Entrée en vigueur le 19 janvier cette première phase a expiré pendant le weekend, suscitant beaucoup d’incertitudes, le Hamas refusant de déposer les armes.
Le ramadan a commencé samedi et si les fidèles musulmans jeûnent pendant la journée, les soirées sont normalement festives. Certains étals dans la bande de Gaza sont encore bien approvisionnés avec des marchandises entrées avant le blocage de l’aide, mais pour combien de temps ?
Pour l’heure des boulangers peuvent encore proposer les qatayefs, ces petites crêpes fourrées typiques du ramadan.
Caroline Seguin, coordinatrice d’urgence pour Médecins sans frontières (MSF) à Gaza, indique que les camions qui devaient arriver dimanche matin ont alors été refoulés.

« Complètement démoralisés »
« Nous avons pu faire entrer quelques camions pendant les six semaines de [la première phase du] cessez-le-feu, mais ce n’est pas la panacée », au vu de la situation humanitaire catastrophique dans la bande Gaza, dit-elle à l’AFP.
Après la fermeture du point d’entrée de l’aide, elle a aussi constaté une augmentation instantanée des prix sur les marchés dans le territoire palestinien, comme ceux des oeufs qui ont bondi de 150 %.
L’aide humanitaire « ne devrait pas faire partie des négociations de cessez-le-feu alors que la population de Gaza [en] a besoin », estime-t-elle.
À Jabaliya, ville du nord de la bande Gaza, des Palestiniens déplacés qui y sont revenus après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, vivent dans des tentes érigées par des organisations caritatives sur un terrain déblayé des décombres, entouré de bâtiments ravagés par les bombardements.
Lundi, un haut responsable du Hamas, Oussama Hamdane, a affirmé que seuls 15 000 des 65 000 préfabriqués qui auraient dû selon lui entrer à Gaza pendant la première phase du cessez-le-feu y sont parvenus.
Interrogé par l’AFP sur le nombre de maisons mobiles ayant été autorisées à entrer sur cette période, l’organe du ministère israélien de la Défense supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens (COGAT), n’a pas répondu.
Alors que l’ONU appelle au rétablissement « immédiat » de l’aide humanitaire à destination de Gaza, un porte-parole du gouvernement israélien a affirmé lundi que le Hamas avait « amassé pour des mois et des mois de provisions » et que ses membres avaient « assez de nourriture pour alimenter une épidémie d’obésité ».

Israël a souvent accusé le Hamas de détourner l’aide humanitaire internationale destinée à la population.
Autre conséquence du blocage de l’aide, un coup dur pour le moral des Gazaouis, observe Mme Seguin.
« Ils sont complètement démoralisés », dit-elle en parlant de ses collègues de Gaza qui ont tenu bon pendant 15 mois de guerre. « Ils ont peur d’un retour à la situation de novembre-décembre […], quand on ne trouvait pas de pain et qu’il n’y avait pas de viande en ville. »