Friedman du NYT : Biden pourrait restreindre les ventes d’armes si Tsahal entre à Rafah
Selon le chroniqueur, les Israéliens doivent savoir qu'il y a un choix : l'opération terrestre ou la normalisation avec les Saoudiens ; il cite un officiel : "Nous ne disons pas à Israël de laisser le Hamas tranquille"
Le président américain Joe Biden pourrait réfléchir à restreindre la vente de certaines armes à Israël si l’État juif devait lancer une opération militaire à Rafah « malgré les objections de l’administration », a fait savoir vendredi le New York Times.
Biden a approuvé, mercredi, une enveloppe d’aide militaire à Israël à hauteur de 17 milliards de dollars. Toutefois, écrit le chroniqueur Thomas Friedman, « les responsables américains me disent que si Israël devait lancer une opération militaire majeure à Rafah, malgré les objections soulevées par l’administration, alors le président Biden pourrait examiner la possibilité de restreindre certaines ventes d’armes à Israël ».
Friedman, un proche de Biden qui a parfois relayé ce qu’il considère comme les positionnements du président américain dans sa chronique, ces derniers mois, écrit également qu’une opération à Rafah, si elle doit avoir lieu sans proposition préalable pour la gouvernance à Gaza « dans l’après-guerre » et sans espoir d’une solution à deux États, « ne viendra que renforcer l’isolement d’Israël dans le monde et créera une brèche réelle avec l’administration Biden ».
Les officiels américains ont indiqué à Friedman que les limitations potentielles sur les ventes d’armes surviennent alors que l’administration s’inquiète vivement de la possibilité, pour l’État juif, de répéter les erreurs qui avaient été commises par les États-Unis en Irak, si un raid militaire de grande ampleur devait être lancé dans le sud de Gaza sans plan crédible pour le lendemain de la guerre.
Selon la chronique, le Premier ministre Benjamin Netanyahu pourrait devoir décider si l’opération à Rafah est plus importante que la normalisation potentielle avec l’Arabie saoudite, qu’une force de maintien de la paix arabe à Gaza et que l’avancée d’une alliance contre l’Iran, alliance dirigée par les États-Unis. Cette coalition de pays s’était déjà illustrée lorsque l’Iran, au début du mois, avait lancé plus de 500 missiles et drones en direction d’Israël – des projectiles qu’elle avait aidés à abattre.
Friedman note que la nécessité de faire le choix entre « Rafah et Ryad » doit être minutieusement expliquée aux Israéliens de façon à ce qu’ils comprennent bien qu’il s’agit aujourd’hui de faire un choix entre « devenir un paria dans le monde ou un partenaire au Moyen-Orient ».
Il ajoute qu’à partir des entretiens qu’il a pu avoir à Ryad et à Washington, il a compris que Mohamed Ben Salmane, le prince héritier saoudien, pense que l’État juif doit quitter la bande dans les meilleurs délais, les opérations terrestres continues décourageant l’Arabie saoudite d’avancer vers la normalisation et renforçant l’Iran en même temps.
« Si Israël veut continuer à mener des opérations spéciales à Gaza pour atteindre les chefs du Hamas, pas de problème », écrit-il, évoquant ce qu’il pense être le point de vue des Saoudiens. « Mais pas de bottes en permanence sur le terrain ».
Friedman établit clairement que pour mettre en place un partenariat avec les nations arabes, « Israël doit commencer par renoncer à une invasion militaire totale de Rafah ».
Il déclare que les États-Unis veulent montrer qu’il y a un choix entre un bourbier potentiel à Gaza et la normalisation avec l’Arabie saoudite « pour que tous les Israéliens le comprennent bien ».
Friedman écrit que si les États-Unis ont fait publiquement savoir à Netanyahu qu’une invasion à grande échelle de Rafah n’était pas envisageable si un projet d’évacuation des civils n’était pas mis en place au préalable, les responsables américains ont affirmé à l’État juif, en privé, qu’aucune opération massive ne devait avoir lieu dans cette ville gazaouie.
« Nous ne disons pas qu’Israël doit laisser le Hamas tranquille », a ainsi commenté un haut-responsable américain, qui n’a pas été identifié, auprès du chroniqueur. « Nous disons que nous pensons qu’il y a des moyens plus ciblés de rechercher les chefs du Hamas, sans démolir Rafah un bloc d’immeubles après l’autre ».
Israël pense que les dirigeants du Hamas et que de nombreux terroristes se cachent actuellement à Rafah, estimant également que les 129 otages qui avaient été kidnappés lors de l’assaut meurtrier du groupe terroriste sur le sol israélien, le 7 octobre, qui se trouvent encore dans la bande, sont gardés en captivité dans la ville.
Cette chronique parue dans le New York Times semble confirmer un article de Politico, publié le mois dernier, où quatre responsables américains, qui s’étaient exprimés sous couvert d’anonymat, avaient indiqué que si Biden n’avait pris aucune décision sur une éventuelle limitation des ventes d’armes en Israël, il pourrait être amené à en prendre une si une opération à Rafah mettait en péril des vies civiles palestiniennes.
La loi sur le contrôle de l’exportation des armes, aux États-Unis, donne au Congrès le droit d’empêcher une vente d’armements majeure à l’étranger en adoptant une résolution désapprouvant la transaction. Même si aucune résolution de ce type n’a jamais franchi à la fois l’étape du Congrès et celle du veto présidentiel, un débat houleux sur le sujet pourrait plonger la Maison Blanche dans l’embarras.
Cette chronique du New York Times a aussi été écrite alors que de nombreuses informations parues dans les médias israéliens ont indiqué que les responsables de la sécurité israéliens étaient allés en Égypte, mercredi, pour coordonner l’offensive prévue à Rafah. Le Caire craint qu’une telle opération n’entraîne une catastrophe humanitaire qui amène des dizaines de milliers de résidents de la bande à franchir illégalement la frontière avec le pays.
Un haut-responsable israélien de la Défense a expliqué mercredi que l’armée israélienne avait fait toutes les préparations nécessaires pour une offensive terrestre majeure à Rafah, et qu’elle sera en mesure de lancer l’assaut au moment où elle recevra le feu vert du gouvernement.
Israël considère Rafah comme le dernier bastion du Hamas dans la bande et se prépare à évacuer les civils de la ville et à prendre d’assaut le groupe terroriste, a déclaré cet officiel non-identifié à l’agence Reuters, sans préciser si la source était liée d’une manière ou d’une autre à Tsahal.
Les États-Unis ont dit que l’État juif devait présenter un plan de protection des civils lorsque l’offensive terrestre serait lancée à Rafah, la localité qui se trouve le plus au sud de la bande.
Israël a fourni des dizaines de milliers de tentes aux civils palestiniens qui devraient être évacués de Rafah et des images photographiées par satellite semblent montrer un camp gigantesque dressé aux abords de Khan Younès.
Tsahal a, jusqu’à présent, mené des opérations dans le nord de Gaza, à Gaza City, dans certaines parties du centre de la bande et à Khan Younès, dans le sud, disant avoir démantelé les 18 bataillons qui se trouvaient là-bas.
Les combats ont poussé un million de Gazaouis déplacés, selon les estimations, à se réfugier à Rafah et la communauté internationale, notamment les États-Unis, avertissent qu’une offensive dans la ville pourrait encore aggraver une crise humanitaire d’ores et déjà dure.
Des sources gouvernementales ont fait savoir, pour leur part, que le cabinet de guerre prévoyait de se réunir dans les prochaines semaines pour autoriser les évacuations de civils – elles devraient prendre environ un mois – ce qui sera le premier stade de l’opération à Rafah.