Galilée: le plâtre serait-il apparu 2 000 ans plus tôt que ce que l’on pensait ?
Une étude scientifique réalisée sur un plâtre utilisé dans un cimetière, près d'Ein Gev, jette de nouvelles lumières sur les rituels et la production de masse
Israël était déjà une start-up nation il y a 12 000 ans, selon une récente étude. Des restes de plâtre découverts sur un site d’inhumation de Galilée, à proximité d’Ein Gev, montrent que les populations, à l’époque, étaient capables de produire un plâtre à base de chaux de haute qualité, soit 2 000 ans plus tôt que ce que les scientifiques avaient déterminé jusqu’à présent.
Selon le principal auteur de l’étude, le docteur David E. Friesem des universités de Cambridge et de Haïfa, « les découvertes faites sur le site de Nahal Ein Gev indiquent une percée significative dans les compétences technologiques et les connaissances de la civilisation du Natoufien ».
Dans l’article, les chercheurs émettent, de plus, l’hypothèse que le plâtre ait pu être utilisé dans un cadre funéraire ritualisé et communautaire – ce qui met en lumière les membres de la civilisation natoufienne, connue pour sa transition vers un mode de vie agricole ainsi que pour d’autres évolutions culturelles, qui sont enterrés dans le cimetière.
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Ce site d’inhumation natoufien situé aux abords de Nahal Ein Gev fait l’objet de fouilles depuis 2010. Une équipe internationale d’archéologues a découvert huit squelettes dans le cimetière qui étaient recouverts d’une substance blanche inhabituelle.
Ces squelettes avaient été enterrés sous une couche épaisse de 40 centimètres de « matériau dense et blanc », au caractère unique. Les chercheurs avaient initialement présumé que ce matériau était du plâtre, selon l’article paru dans la revue spécialisée Evolutionary Human Sciences, publiée par l’université de Cambridge.
Selon l’article, le premier objectif de l’étude était de confirmer si ce matériau était en effet un plâtre réalisé à base de chaux, puis d’analyser ses éléments constitutifs en le brisant – pour être en mesure de déterminer son mode de production en utilisant les matériaux et les technologies en cours il y a 12 000 ans.
Pour comprendre quels étaient les éléments employés pour fabriquer ce matériau à l’échelle microscopique et chimique, les scientifiques ont utilisé une spectroscopie par infrarouge et une analyse micro-morphologique, selon l’étude.
« Les résultats de notre analyse confirment non seulement l’identification de ce matériau blanc recouvrant les sépultures comme étant un plâtre de chaux pyrétogène, mais ils apportent également une nouvelle preuve de la production à grande échelle de plâtre de chaux de grande qualité à la fin de la période épipaléolithique, une technologie qui était associée dans le passé au PPNB [Néolithique précéramique B], soit 2 000 ans plus tard », écrivent les auteurs Friesem, Itay Abadi, Dana Shaham et Leore Grosman de l’Université hébraïque de Jérusalem.
Selon eux, « la technologie qui se trouve à l’origine de la production de plâtre de chaux nécessite des connaissances et des compétences complexes. »
C’est un processus en plusieurs étapes, expliquent-ils, au cours duquel de la poudre de chaux vive est produite en chauffant des pierres à des températures extrêmement élevées. La poudre est alors mélangée à de l’eau pour former un mastic malléable qu’on laisse ensuite sécher.
« Ce type d’alchimie est un pilier important dans le développement révolutionnaire de la technologie humaine qui a mené, des milliers d’années plus tard, au travail de la céramique et du métal », a expliqué David Friesem dans un communiqué de presse.
Un nouvel usage pour une technologie plus ancienne ?
L’étude précise qu’il existe des exemples antérieurs de plâtre remontant à une période plus ancienne que celle du cimetière d’Ein Gev, mais que le matériau était alors largement utilisé comme adhésif. La preuve la plus ancienne de l’utilisation de chaux vive au Levant a été découverte dans le Sinaï, où des restes de plâtre datant d’il y a environ 16 000 ans avaient été retrouvés sur l’arrière de très petits outils en pierre – une tentative apparente de les coller à un manche.
À Ein Gev plus précisément, le plâtre semble avoir été utilisée comme une sorte de sceau recouvrant le défunt. Un squelette de femme resté intact était ainsi, par exemple, entouré par un sédiment blanc et solide. Ceci, en plus du plâtre lisse qui a été trouvé sous son squelette, « suggère que son corps a été recouvert de plâtre de chaux au moment de l’inhumation », écrivent les auteurs de l’étude.
D’autres couches de plâtre ont été retrouvées par ailleurs et sont actuellement minutieusement retirées. Près de la surface du sol, deux squelettes supplémentaires et des amas d’ossements ont été discernés dans le matériau blanc.
Les fouilles ne sont pas terminées dans le cimetière et la quantité de plâtre reste encore inconnue. Les chercheurs pensent toutefois que le matériau a dû être excessivement utilisé et que sa production aura bénéficié à toute la communauté.
« Le cimetière est une structure monumentale qui, sans aucun doute, aura été un lieu important pour les populations de la culture du natoufien ancien. Des sépultures ont été ajoutées dans des trous creusés dans la couche de plâtre », commente le directeur des fouilles d’Ein Gev, Grosman.
Comment était-il produit ?
Après avoir étudié le secteur, les chercheurs ont conclu que ces occupants de la région utilisaient un type de calcaire facile à obtenir ou de roche crayeuse connue pour produire un plâtre de chaux de haute qualité.
L’étape suivante a consisté à comprendre comment les pierres étaient chauffées.
« La zone étendue couverte par le plâtre montre l’usage d’une grande quantité de matière brute exposée à de très hautes températures pendant quelques heures au moins », écrivent les scientifiques. Il n’existe pas toutefois de preuve archéologique solide attestant de manière précise du mode de fabrication du plâtre.
Les chercheurs supposent que le chauffage des pierres s’effectuait en les écrasant puis en les mettant sur le feu, ou « dans des fours installés dans des trous qui ne se conservent pas bien, archéologiquement parlant ». Ils suggèrent également la possibilité que le mélange entre la chaux vive et l’eau se faisait au moment de l’inhumation, lorsque la poudre était encore chaude. La solution était mélangée à d’autres sédiments et placée sur les dépouilles.
Il reste encore quelques inconnues dans la procédure technologique historique, écrivent les auteurs.
« En l’absence de poterie, la question sur la manière dont les individus transféraient la chaux vive de manière exacte – il s’agit d’un matériau extrêmement dangereux qui entraîne des irritations de la peau, des yeux et du système respiratoire – depuis les fours ou depuis les feux jusqu’au site d’inhumation reste ouverte ».
Ils évoquent la possibilité de l’utilisation de conteneurs biodégradables qui n’auront pas survécu au niveau archéologique.
Selon David Friesem, la production de plâtre va bien au-delà des besoins quotidiens et pratiques.
« Nous soumettons l’hypothèse qu’elle ait été une étape importante dans la relation entre l’homme et son environnement parce qu’elle indique un changement de perception et de la capacité à utiliser des ressources naturelles pour en faire un nouveau matériau susceptible d’être utilisé par l’être humain », explique-t-il.
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