Gamliel aurait abusé de fonds publics, selon la Douzième chaîne
La ministre Likud, déjà critiquée pour avoir violé le confinement, aurait dépensé des milliers de shekels de fonds publics en mélangeant "public et privé" ; l'intéressée dément

La ministre du Likud Gila Gamliel – qui fait déjà l’objet d’appels à sa démission pour violation des règles du confinement et pour avoir tenté de tromper le ministère de la Santé suite à cette violation et à sa contamination au coronavirus – a été accusée dans une émission télévisée, samedi soir, d’avoir mélangé « le public et le privé » dans son usage de l’argent des contribuables et des ressources officielles.
Ainsi, Gamliel s’est rendue dans l’un des hôtels les plus chers de New York, induisant un coût supplémentaire de plusieurs milliers de dollars d’argent public, après avoir affirmé qu’elle avait fait une réaction allergique dans l’hôtel où elle était initialement supposée séjourner, a noté la Douzième chaîne. Elle a, de plus, amené avec elle cinq membres de sa famille au cours d’un déplacement de six jours en Autriche – où elle n’avait que peu de missions officielles. Elle est également accusé d’avoir utilisé sa voiture officielle et son chauffeur – des privilèges accordés de par son appartenance au gouvernement et uniquement pour le cadre de ses fonctions – pour emmener ses enfants à l’école.
Gamliel, ministre israélienne de la Protection environnementale, a déclaré qu’il était malheureux que la chaîne de télévision ait choisi de l’attaquer alors qu’elle était encore aux prises avec son infection au coronavirus. Elle a démenti tout acte répréhensible.
La majorité des accusations lancées contre Gamliel concernent la période allant de 2015 au début de l’année 2020, lorsqu’elle était ministre de l’Egalité sociale.

Selon l’émission, elle aurait abandonné sa suite à 800 dollars réservée au 1 Hotel Central Park de New York pour loger au Mandarin Oriental alors qu’elle était en voyage ministériel, au mois de mars 2019, après avoir affirmé qu’elle avait eu une crise allergique l’Hotel Central Park, qui avait pourtant été réservé à sa demande explicite.
Le comptable-général du bureau du Premier ministre, responsable des finances de son ministère, avait alors protesté contre ce coût supplémentaire et exigé qu’elle rembourse personnellement la somme d’environ 10 000 shekels – ce qu’elle avait refusé de faire. Une bataille de six mois avait ensuite suivi et son bureau avait attribué la responsabilité de ce qu’il s’était passé à l’un de ses conseillers. Le comptable-général avait finalement abandonné la partie. Dans un communiqué, ce dernier a confirmé que Gamliel n’avait, en fin de compte, pas été placée dans l’obligation de rembourser après avoir « clarifié les circonstances de l’incident ».
De 2015 à 2018, Gamliel a effectué 24 voyages à l’étranger pour son ministère – soit 120 jours passés hors des frontières d’Israël – et a à nouveau fait des déplacements en 2019 pour une somme d’environ 400 000 shekels aux frais du contribuable.
Parmi les destinations citées dans le reportage : Rhodes, l’Estonie, la Biélorussie, Vienne, Londres, Barcelone, Madrid, New York et Los Angeles. Alors qu’elle était interrogée – et implicitement mise en cause – sur la fréquence de ces voyages lors d’une interview accordée à la radio militaire, un entretien repris par la Douzième chaine, Gamliel avait qualifié les critiques voilées contenues dans la question de « pas sérieuses ». Le journaliste avait alors reconnu qu’elle avait participé à de nombreuses rencontres avec les communautés juives de ces pays.

Lors d’un déplacement officiel à Vienne, au cours de l’été 2018, Gamliel avait passé six jours au sein de la capitale autrichienne – le reportage diffusé à la télévision notant toutefois la légèreté de ses obligations officielles. Son époux, ses deux filles et ses beaux-parents se trouvaient dans la ville au même moment, a établi le reportage. Si la famille avait payé ses billets d’avion et ses chambres d’hôtel, l’Etat avait néanmoins déboursé le coût (1 950 euros) du traitement VIP pour cinq personnes à l’aéroport et celui d’un véhicule plus grand pour les amener à l’hôtel – qui avait coûté deux fois le prix attendu. La suite, à l’hôtel, avait coûté 2 760 euros pour cinq nuits.
Le beau-père de Gamliel avait déclaré que son épouse et lui-même avaient décidé de partir en vacances en Autriche au même moment et qu’il n’y avait rien de mal à cela. Il a également souligné que sa belle-fille « consacrait son âme à l’Etat ».
Le Mouvement pour la liberté de l’information a finalement réussi, après de longs mois d’efforts, à reconstituer l’itinéraire officiel de ce déplacement à Vienne, qui comprenait une réunion avec une haute-responsable commerciale du pays — Martha Schultz, vice-présidente de la Chambre économique fédérale d’Autriche. Selon les dires de cette dernière, la rencontre n’aurait en définitive pas eu lieu. L’emploi du temps de la visite avait été fourni au groupe Shakuf (Transparence) qui s’était, lui aussi, intéressé à ce voyage. Il aurait été agrémenté d’autres réunions, celle prévue avec Schultz n’y figurant plus.
Notant que les deux filles de Gamliel fréquentent l’école du Roi Salomon à Ramat Hasharon, le reportage diffusé à la télévision a affirmé que le chauffeur et la voiture officielle de Gamliel avaient été utilisés pour emmener les deux enfants à l’école, ce qui contrevient aux règles exigeant que la voiture et le chauffeur soient réservés exclusivement aux activités officielles.
Dans un communiqué venant répondre au reportage, le bureau de Gamliel a déclaré que cette dernière se battait encore contre le coronavirus et que « nous regrettons que vous ayez choisi de continuer à l’attaquer avec ces anciennes accusations alors qu’elle lutte actuellement contre la maladie ».
Le communiqué a ajouté que tous les déplacements à l’étranger de Gamliel « avaient compris des réunions professionnelles et gouvernementales et se sont inscrits dans le cadre du ministère et autres instances officielles… et ils ont entraîné des résultats, avec notamment des indemnités en faveur de milliers de survivants de la Shoah de la part du gouvernement allemand et la mise en place d’un mécanisme permettant d’évaluer l’importance de tous les biens matériels qui ont été abandonnés par les Juifs venus des pays arabes et d’Iran. Tous les voyages de travail se sont déroulés en conformité avec la loi et en conformité avec les règles ».
Mardi dernier, la police israélienne a transmis au procureur-général Avichai Mandelblit les résultats d’une enquête initiale sur Gamliel, qui aurait enfreint le confinement entraîné par le coronavirus et qui aurait dissimulé des informations sur ses déplacements au ministère de la Santé pendant plus de 24 heures. Le procureur-général devra dorénavant décider si une enquête pénale doit être ouverte sur le comportement de la ministre.

Le responsable de la lutte contre le coronavirus en Israël, Ronni Gamzu, a laissé entendre, vendredi, que Gamliel avait menti aux enquêteurs épidémiologiques du ministère de la Santé sur l’origine de son infection en tentant de dissimuler qu’elle avait rompu le confinement. Après avoir été interrogé de manière répétée sur un éventuel mensonge de la part de Gamliel, Gamzu a reconnu « qu’il avait été dur d’obtenir des détails ». Certains éléments étaient contradictoires dans son récit fait aux enquêteurs, a-t-il dit à la Douzième chaîne.
Gamliel, pour sa part, a fait savoir qu’elle était consciente de ne pas avoir, peut-être, géré correctement la situation induite par le confinement. « J’ai agi conformément aux directives même s’il est possible que j’ai fait des erreurs de jugement. J’en suis désolée et je paierai l’amende », a-t-elle dit dans une déclaration, lundi dernier.
Gamliel, qui avait annoncé, le week-end dernier, avoir été testée positive au coronavirus, a fait l’objet de nombreux appels à son départ ou à sa démission après avoir reconnu qu’elle avait, la semaine précédente, enfreint la règle de limitation des déplacements en se rendant à Tibériade, dans le nord du pays, depuis son domicile de Tel Aviv. Elle avait également essayé de cacher ce voyage aux personnes qui l’avaient interrogée dans le cadre d’une enquête épidémiologique menée par le ministère de la Santé suite à son infection.
Elle avait ainsi passé le jeûne de Yom Kippour dans une synagogue de Tibériade, où son beau-père est rabbin.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait, pour sa part, expliqué qu’il attendait les conclusions des enquêteurs sur le déroulement exact des événements avant de tirer des conclusions sur le comportement de Gamliel, membre éminente de son parti du Likud.
« Nous sommes tous obligés de suivre les règles, en ce qui concerne les rassemblements comme en ce qui concerne les autres directives en lien avec la lutte contre le coronavirus. Et cette obligation concerne également les ministres, les membres de la Knesset et tous les fonctionnaires… Nous devons agir sur la base de faits et de résultats d’enquête, pas sur des rapports préliminaires, et je recommande d’attendre », avait-il commenté.

Israël a instauré un confinement national qui, entre autres restrictions, contraint les Israéliens à rester à moins d’un kilomètre de leur domicile, sauf pour le travail ou les besoins essentiels. Il est également interdit de se rendre chez des tiers.
La ministre du Likud n’est pas la première haute-responsable dont l’infection pourrait avoir résulté d’une violation présumée des restrictions ordonnées par le gouvernement.
En avril, le ministre de la Santé de l’époque, Yaakov Litzman, avait été diagnostiqué positif au COVID-19, après, avait-il alors semblé, avoir assisté à des offices de prière qui, à l’époque, étaient interdits sous les ordres de son propre ministère.
Le leader de Yesh Atid, Yair Lapid, a annoncé lundi que le député Mickey Levy allait démissionner de la commission du coronavirus de la Knesset « d’un commun accord » après avoir violé les directives dans la lutte contre le coronavirus.
D’autres hauts-responsables, notamment le chef du Shin Bet, Nadav Argaman, et le chef d’Etat-major de l’armée israélienne, Aviv Kohavi, ont aussi contrevenu, ces derniers jours, aux règles de confinement. Ils ont présenté leurs excuses.
Pendant le premier confinement de l’Etat juif, au début de l’année, de multiples informations avaient porté sur des violations du confinement de la part de politiciens et de leurs proches, notamment de la part de Netanyahu et du président Reuven Rivlin.
Stuart Winer a contribué à cet article.