Hommage à Theresienstadt par une délégation de l’Association juive européenne
A l'occasion de la Journée internationale en mémoire des victimes de la Shoah, le 27 janvier, la délégation de l’EJA s'est engagée à lutter contre les "fake news" antisémites
Yaakov Schwartz est le rédacteur adjoint de la section Le monde juif du Times of Israël
TEREZIN, République tchèque – À moins d’un kilomètre du centre de l’ancien ghetto et camp de concentration de Theresienstadt, une centaine de diplomates européens, parlementaires, responsables gouvernementaux et dirigeants juifs se sont réunis, mardi, au crématorium du camp pour allumer des bougies et déposer des couronnes en mémoire des 33 000 Juifs qui y ont péri durant la Shoah.
Avant cette cérémonie, les dignitaires ont parcouru ce qui fut un ghetto et un camp de concentration, avec la tristement célèbre « Petite forteresse », prison régionale et centre de torture de la Gestapo pour les prisonniers politiques. Ils ont pu voir un des alignements de pièces toutes identiques, contenant des lits en bois à trois niveaux, destinés à accueillir des dizaines de détenus, face à des rangées de cellules d’isolement sans fenêtre d’1 mètre 50 sur 3 mètres.
Ville pittoresque mais endormie, située dans le nord-ouest de la République tchèque, Terezin est rebaptisée Theresienstadt par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Au cours de la guerre,
140 000 Juifs y sont emprisonnés. Ceux qui ne meurent pas sur place en raison des conditions de vie effroyables sont envoyés dans les camps d’extermination d’Auschwitz ou Treblinka, où ils sont brutalement assassinés.
Gidon Lev, survivant de la Shoah devenu star de Tik Tok, s’est adressé à la foule et a lu le poème « Altertransport » ou « Transport de personnes âgées », de l’auteure et compositrice tchèque Ilse Weber. Enfant, Lev a passé quatre ans à Theresienstadt, là-même où son grand-père a péri.
Weber travaillait à l’infirmerie du camp et composait des chansons et poèmes pour les enfants. Lorsqu’il a été décidé d’envoyer ses patients à Auschwitz, elle s’est portée volontaire pour les accompagner et a été assassinée dans les chambres à gaz, avec son jeune fils Tommy.
La cérémonie a eu lieu quelques jours avant la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de la Shoah, le 27 janvier.
Elle a été le point d’orgue d’une série d’événements organisés durant deux jours par l’Association juive européenne (EJA) autour de l’antisémitisme et des « fake news », pour attirer l’attention sur les ravages de la désinformation et des théories du complot visant les Juifs sur les réseaux sociaux et dans les établissements d’enseignement en Europe.
Theresienstadt était au cœur de la propagande nazie, qui utilisait certaines zones du camp comme leurre pour les visiteurs étrangers – y compris la Croix-Rouge internationale – et y tournait des films montrant des détenus juifs heureux, alors que la plupart étaient systématiquement affamés, avant d’être envoyés dans les camps de la mort.
« Vous pouvez voir à quel point nous sommes proches de la frontière allemande : c’est à moins d’une heure de Dresde, qui compte 500 000 habitants. Mais trop peu de gens, et trop peu de jeunes, viennent jusqu’ici, ce que je trouve inacceptable », a déclaré Frank Müller-Rosentritt, député allemand du Parti libéral-démocrate, proche de longue date des causes juives qui a soutenu une loi pro-israélienne.
« Chaque élève en Allemagne devrait se rendre dans un ghetto ou un camp de concentration pendant sa scolarité, peu importe ses croyances, qu’il soit musulman, chrétien, juif ou athée. Chacun est libre de ses choix en la matière, et nous devrions tous vivre ainsi, en respectant la liberté d’autrui », a ajouté Müller-Rosentritt.
« C’est le message que nous devons faire passer au monde entier. Il ne faut pas seulement s’élever contre la montée de l’antisémitisme, mais aussi lutter contre l’antisionisme. »
Le président et fondateur de l’EJA, le rabbin Menachem Margolin, a appuyé ses propos.
« Comme nous le savons tous, l’antisémitisme en Europe gagne à nouveau du terrain. Et quand on y pense, qui a le pouvoir de changer les choses ? Les décideurs. Il y a certes beaucoup d’antisémites, mais si les gouvernements s’engagent à combattre l’antisémitisme, alors il y a de l’espoir », a déclaré Margolin au Times of Israel.
« Nous devons nous assurer que les décideurs en Europe prennent de bonnes décisions, raison pour laquelle nous avons invité aujourd’hui 120 diplomates et parlementaires de toute l’Europe à Terezin. Il s’agit de comprendre où conduit la haine et de prendre de bonnes décisions pour lutter contre l’antisémitisme, par l’adoption de lois ou toute autre solution pertinente. », a-t-il ajouté.
Debout devant le panneau du camp portant la tristement célèbre devise nazie « Arbeit Macht Frei » – « Le travail rend libre » -, Lev a rappelé le danger et l’ironie de la propagande nazie.
« Ils nous ont dit : ‘Le travail rend libre’, puis ils nous ont tués », a-t-il indiqué.
« Ils pensaient ce qu’ils disaient. Nous allions travailler, mourir, et c’est une fois morts que nous serions enfin libres. »