Huckabee : « Pas de place » pour un État palestinien en Cisjordanie dans les conditions actuelles
L'ambassadeur déclare qu'il ne pense pas que la solution à deux États fasse partie des objectifs politiques de Washington et évoque la création d'un État pour les Palestiniens à partir de pays musulmans existants

L’ambassadeur américain en Israël, Mike Huckabee, a déclaré mardi que Washington ne soutenait pas sans réserve la création d’un État palestinien dans les circonstances actuelles.
« À moins que des événements importants ne viennent changer la culture actuelle, il n’y a pas de place pour ça », a dit Huckabee à Bloomberg, ajoutant que ces changements ont peu de chances de se produire « de notre vivant ».
À la question de savoir si la création d’un État palestinien restait un objectif poursuivi par la politique américaine, Huckabee a répondu : « Je ne pense pas ».
L’envoyé américain a ensuite évoqué la possibilité de créer un État pour les Palestiniens en dehors de la zone actuellement qui est contrôlée par Israël et l’Autorité palestinienne.
« Cet état doit-il nécessairement se trouver en Judée-Samarie ? », a-t-il demandé, utilisant la dénomination biblique de la Cisjordanie. « Doit-il se trouver ailleurs ? Doit-il permettre aux gens d’avoir un véritable endroit qui leur appartienne entièrement ? Ou sera-t-il situé dans les zones existantes qui sont actuellement placées sous la domination de l’Autorité palestinienne ? »
L’Autorité palestinienne, basée à Ramallah et créée dans le cadre du processus de paix entre Israël et les Palestiniens – un processus qui est au point mort depuis longtemps – exerce un contrôle civil et sécuritaire sur certaines parties de la Cisjordanie (zone A) et un contrôle civil, mais pas sécuritaire, sur d’autres parties (zone B), tandis que le reste du territoire est sous contrôle total d’Israël (zone C).
Israël a conquis la Cisjordanie, qui dépendait de la Jordanie, en 1967, après que cette dernière l’a attaqué pendant la guerre des Six Jours.
« Je ne pense pas que quiconque puisse dire ‘c’est impossible, cela n’arrivera jamais’, mais si quelqu’un veut déclarer que c’est précisément cette bande de territoire qui constituera le futur état palestinien, c’est là que réside toute la complexité de l’affaire », a déclaré Huckabee.
L’intervieweur a insisté : « Laissez-vous entendre qu’il pourrait s’agir d’un autre endroit que la zone mandataire de Palestine » – en référence au territoire contrôlé par les Britanniques qui englobait l’actuel Israël, la Cisjordanie et Gaza entre la Première Guerre mondiale et 1948 – « Cela pourrait-il être en Arabie saoudite, ou ailleurs ? »
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait suggéré, pendant l’année – et apparemment à titre de plaisanterie – la création d’un État palestinien en Arabie saoudite, ce qui avait suscité la condamnation de l’ensemble du monde arabe.
« Je dis simplement que toutes les options devraient être envisagées et qu’elles pourraient l’être », a répondu Huckabee.
Les pays musulmans pourraient « se tailler » un État, selon lui
« Israël dispose d’une petite bande de territoire », a déclaré l’ambassadeur, qui a rappelé que l’État juif avait à peu près la taille du New Jersey.
« Les pays contrôlés par les musulmans ont 644 fois plus de terres qu’Israël. Alors quand les gens disent ‘Israël doit faire des concessions’, on se gratte la tête et on se dit : ‘d’accord, voyons si je comprends bien’. »
« Pourquoi ces gens [Israël] devraient-ils céder, alors que ces autres [les « pays contrôlés par les musulmans »] ont beaucoup d’espace et qu’ils pourraient dire : ‘Nous allons tailler quelque chose’? », a-t-il poursuivi.
« Je ne dis pas que cela devrait être le cas [ailleurs dans la région], mais simplement que ça pourrait l’être — et que si l’idée est qu’Israël doit céder de plus en plus de terres, c’est peut-être pour cela qu’ils y sont opposés », a déclaré Huckabee.

Interrogée sur les propos de Huckabee, la porte-parole du département d’État américain, Tammy Bruce, a refusé à plusieurs reprises de dire si Washington soutenait toujours une solution à deux États. « Je ne vais pas analyser les propos de l’ambassadeur », a déclaré Bruce, qui a ajouté que la question de la politique étrangère relevait de la compétence de la Maison Blanche et non du département d’État.
Âgé de 69 ans, Huckabee, qui est également pasteur, est l’un des plus fervents partisans d’Israël au sein de la communauté chrétienne évangélique.
Il a déclaré que les revendications d’Israël sur la Cisjordanie étaient plus fortes que les liens qui unissent les États-Unis à Manhattan et il a posé la première pierre d’un nouveau complexe immobilier au sein de l’implantation d’Efrat, en 2018.
La Paix maintenant : Huckabee est un évangéliste, pas un ambassadeur
L’organisation pacifiste La Paix maintenant a vivement critiqué les propos de Huckabee, l’accusant de chercher à « réaliser ses fantasmes religieux ».
« Mike Huckabee s’est transformé en porte-parole de [l’extrême droite du ministre des Finances Bezalel] Smotrich et [de la députée Orit] Strouk », a insisté le groupe, qui milite pour une solution à deux États.
« Ce n’est pas un ambassadeur, c’est un évangéliste qui rêve de la guerre de Gog et Magog au Moyen-Orient afin de réaliser ses fantasmes religieux », a poursuivi l’organisation, faisant référence aux prophéties bibliques sur la fin des temps.
« On ne peut qu’espérer que le président Trump prouvera qu’il est un ami d’Israël, qu’il désavouera les propos de l’ambassadeur qui contredisent le positionnement des États-Unis, sa vision pour la région et les intérêts israéliens. »

La Maison Blanche n’avait pas répondu aux demandes de commentaires sur les propos tenus par Huckabee au moment de la rédaction de cet article.
Au cours de son premier mandat, le président américain Donald Trump avait envoyé des messages contradictoires concernant son soutien à une solution à deux États, déclarant à plusieurs reprises qu’il soutiendrait tout accord conclu entre les Israéliens et les Palestiniens.
En 2020, Trump avait dévoilé un plan de paix qu’il avait présenté comme une solution « réaliste » à deux États. Ce plan offrait aux Palestiniens un État sur environ 70 % de la Cisjordanie. Cet état ainsi réfléchi n’incluait pas les implantations israéliennes, ainsi qu’une partie du désert du Néguev et il proposait la mise en place d’un important programme d’aide économique.
L’Autorité palestinienne avait rejeté cette offre tout de go. Après son premier mandat, Trump avait également accusé Netanyahu de ne pas s’engager en faveur du rapprochement israélo-palestinien.
Les propos tenus par Huckabee ont également fait suite à des informations qui ont laissé entendre que l’ambassadeur avait rencontré des membres de la coalition ultra-orthodoxe dans le cadre des efforts visant à empêcher la chute du gouvernement Netanyahu.
Huckabee a démenti mardi ces informations, écrivant sur X qu’il « n’y a eu aucune tentative d’influencer les membres haredim de la Knesset concernant la décision de dissoudre le gouvernement ». Il a ajouté que ce n’était pas son rôle de choisir le gouvernement du pays.
« Israël a besoin à la fois d’érudits et de soldats, mais la manière dont ils déterminent l’équilibre n’est pas quelque chose sur lequel je peux ou sur lequel je veux m’exprimer », a déclaré l’ambassadeur.
Il a reconnu avoir été interrogé sur la réaction des États-Unis à l’effondrement du gouvernement et il a précisé avoir répondu que la majorité des Américains considéreraient cette situation comme « instable compte-tenu de la guerre en cours, des menaces quotidiennes des missiles houthis et d’une éventuelle menace nucléaire iranienne ».
« J’ai clairement indiqué qu’il était de notre responsabilité de travailler avec le gouvernement choisi par les Israéliens », a insisté Huckabee. « Il n’y a eu aucune tentative de donner de potentielles instructions ou des conseils – si ce n’est de mentionner que le conflit opposant les spécialistes de la Torah et les militaires pourrait être mieux réglé par quelqu’un qu’ils connaissent tous, le roi Salomon, qui avait été confronté à des choix difficiles et qui avait trouvé le moyen de les résoudre ».
Ce démenti a été salué par le chef de l’opposition, Yair Lapid.