Huckabee tempère ses positions pro-implantations lors d’une audition au Sénat américain
Mike Huckabee a demandé aux sénateurs de ne pas le juger sur ses opinions passées mais sur sa capacité à représenter l'administration Trump
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Le candidat du président américain Donald Trump au poste d’ambassadeur en Israël, Mike Huckabee, a demandé aux sénateurs, lors de son audience de confirmation, qui a eu lieu mardi, de ne pas le juger sur ses opinions passées – qui lui ont value des critiques de la part de l’aile démocrate – mais sur sa capacité à représenter l’administration.
Ces propos semblent signaler une prise de distance avec son soutien indéfectible au mouvement des implantations et à l’annexion par Israël de la Cisjordanie, un soutien qui a suscité l’ire des démocrates. C’est aussi un opposant fervent à la création d’un état palestinien.
Toutefois, les républicains sont majoritaires au sein de la commission – le soutien des démocrates n’est donc pas requis pour que Huckabee soit confirmé.
« Les Fondateurs ont reconnu que l’approbation du Sénat n’était pas nécessairement un accord du Sénat avec le président, avec ses politiques ou même avec ceux qu’il a choisis pour le représenter ; mais le Sénat affirme que les personnes nommées doivent être examinées en profondeur pour déterminer leur aptitude morale et juridique à servir », a indiqué Huckabee.
« Je suis conscient que tous les membres de ce comité ne seront pas d’accord avec les politiques du président ou avec ses choix personnels dans le cadre de son administration », a déclaré l’ex-gouverneur de l’Arkansas.
« Je ne suis pas ici pour exprimer ou même pour défendre mes propres opinions ou politiques, mais pour me présenter comme quelqu’un qui respectera et représentera le président élu à une écrasante majorité. » Il a toutefois clairement exprimé son opposition à une solution à deux États lors de l’interrogatoire qui a suivi.

« Le succès historique du premier mandat du président Trump avec les accords d’Abraham nous donne un réel espoir pour ce qui va se passer au cours de ces quatre prochaines années », a ajouté Huckabee.
Huckabee a évoqué son histoire d’enfant pauvre élevé à Hope, dans l’Arkansas.
« Personne dans ma famille n’avait obtenu son diplôme d’études secondaires ; l’idée qu’un jour je pourrais devenir gouverneur de mon État ou être nommé ambassadeur en aurait fait rire plus d’un, quand j’étais enfant. »
Il a évoqué son premier voyage en Israël lorsqu’il était adolescent et les innombrables voyages qu’il a organisés pour des groupes chrétiens au cours des cinq décennies qui ont suivi.
« Je suis ici aujourd’hui, reconnaissant à Dieu pour sa grâce et sa bonté. C’est la seule explication de ma présence ici », a-t-il poursuivi. « Je dirais la même chose du pays dans lequel je vais être nommé. »
Il a rappelé que le Sénat avait, toutes sensibilités politiques confondues, rapidement confirmé le précédent candidat au poste d’ambassadeur des États-Unis en Israël – Jack Lew – peu après l’assaut du Hamas le 7 octobre 2023.
« Ce sentiment d’urgence est toujours présent. La guerre continue, et pour cette raison, je vous demande respectueusement de confirmer ma nomination au poste d’ambassadeur de notre nation auprès de l’État d’Israël », a déclaré Huckabee.
Huckabee a été interrompu à trois reprises par des manifestants d’extrême gauche anti-Israël qui ont été rapidement expulsés du Sénat puis interpellés.
Les sénateurs républicains ont profité de leur séance de questions pour obtenir de Huckabee l’assurance que l’administration s’emploierait à étendre les accords de normalisation des Accords d’Abraham entre Israël et plusieurs pays arabes négociés pendant le premier mandat de Trump.
Huckabee a répondu avec force qu’il s’efforcerait d’atteindre cet objectif, en mettant particulièrement l’accent sur un éventuel accord de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite.
« Il est possible que ce président parvienne à quelque chose au Moyen-Orient… [d’une] ampleur biblique », a déclaré Huckabee. « Il serait stupéfiant et incroyable de voir d’anciens ennemis, des ennemis qui ont mené des guerres en 1948, 1967, 1973 et au-delà, devenir des partenaires de paix. Ce n’est pas facile. Cela ne sera pas nécessairement rapide, mais… ce président s’est engagé à [atteindre cet objectif] ».
L’Arabie saoudite a toutefois déclaré à plusieurs reprises qu’elle n’établirait pas de relations avec Israël sans la mise en place d’une voie irréversible et limitée dans le temps vers un État palestinien, ce que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a longtemps exclu.
Les démocrates de la commission ont profité de leurs questions pour mettre en évidence les opinions radicales de Huckabee.

Le sénateur Jeff Merkley l’a pressé de répondre à la question de savoir si Israël devait utiliser des bombes de 907 kg à Gaza, étant donné le risque qu’elles blessent des non-combattants. L’ancien président américain Joe Biden a refusé de les livrer en raison de ces préoccupations. Huckabee a refusé de répondre directement à la question.
Merkley a également demandé si Israël devait utiliser l’aide humanitaire comme moyen de pression contre le Hamas. Israël a interdit l’entrée de l’aide à Gaza depuis le début du mois, affirmant que le Hamas vole l’aide et que l’assistance ne reprendra pas tant que le groupe terroriste ne libérera pas les otages restants. Huckabee a également évité de commenter cette pratique.

Interrogé sur le sort des otages, Huckabee a déclaré au sénateur Cory Booker que leur libération serait sa priorité absolue s’il était confirmé au poste d’ambassadeur.
Booker a tenté de faire pression sur Huckabee pour connaître son opinion sur l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, qui a permis la libération de 33 otages au cours des deux derniers mois. Israël a mis fin au cessez-le-feu en reprenant des opérations militaires intensives dans tout Gaza le 18 mars, accusant le groupe terroriste d’avoir refusé les offres répétées de libération d’autres otages.
Le Hamas a insisté pour s’en tenir aux conditions initiales de l’accord de janvier, qui devait entrer dans sa deuxième phase le 2 mars. Cette phase devait aboutir à la libération de tous les otages encore en vie en échange du retrait complet des forces israéliennes et de la fin définitive de la guerre. Netanyahu a refusé ces deux dernières conditions, même s’il a signé cet accord échelonné.
Les États-Unis ont soutenu l’aversion d’Israël pour la deuxième phase et ont reproché au Hamas de refuser les offres visant à prolonger la première phase du cessez-le-feu. L’Égypte mène actuellement l’effort difficile des médiateurs pour rétablir le cessez-le-feu.
Huckabee a évité de donner son avis sur l’accord, se contentant de blâmer le Hamas pour la poursuite de la captivité des otages. Il a toutefois souligné la position de l’administration Trump selon laquelle le groupe terroriste « n’aura pas d’avenir à Gaza ».

L’envoyé spécial des États-Unis au Moyen-Orient, Steve Witkoff, a toutefois déclaré vendredi que le groupe terroriste pourrait rester « politiquement impliqué » à Gaza s’il acceptait de se démilitariser.
Interrogé sur le projet de Trump de voir les États-Unis prendre le contrôle de Gaza et reloger les Palestiniens en dehors de la bande de Gaza, Huckabee a précisé que le président ne parlait pas de déplacement forcé, mais plutôt d’offrir « un endroit sûr et sécurisé où les gens pourraient vivre pendant le processus de nettoyage de ce qui est un désastre ».
Huckabee a reconnu son soutien indéfectible à l’annexion israélienne de la Cisjordanie, « mais il ne serait pas de mon ressort d’en faire la politique du président ».
Cette position semble marquer une rupture avec l’approche de l’ancien ambassadeur de Trump en Israël, David Friedman, qui a utilisé ses liens étroits avec le président pour faire avancer les politiques qu’il soutient depuis longtemps à l’égard des Palestiniens et des revendications d’Israël sur la Cisjordanie.
« Si ma nomination est confirmée, il sera de mon devoir de mettre en œuvre les politiques du président, et non les miennes… Un ambassadeur ne crée pas la politique. Il met en œuvre la politique de son pays et de son président », a déclaré Huckabee.
Dans une interview accordée peu après que Trump a annoncé sa décision de nommer Huckabee à ce poste à Jérusalem, l’ancien gouverneur de l’Arkansas avait déclaré que la nouvelle administration pourrait soutenir l’annexion par Israël de vastes parties de la Cisjordanie.
Interrogé sur la question de savoir si les Palestiniens vivant dans les zones annexées bénéficieraient des mêmes droits que les Juifs, Huckabee a esquivé la question en déclarant qu’il « y aurait la sécurité, il y aurait des opportunités », sans toutefois mentionner le droit de vote.

« La question n’est pas de savoir s’il est nécessaire que les Palestiniens puissent vivre et avoir un avenir. La question est de savoir où et quand. Sera-ce au-dessus de l’État juif israélien, ou sera-ce quelque part qui sera décidé et qui sera complètement différent, uniquement pour ceux qui souhaitent s’y installer ? », a déclaré Huckabee.
Il s’en est pris à l’Autorité palestinienne et à son dirigeant, le président Mahmoud Abbas, qui « en est maintenant à la vingtième année de son mandat de quatre ans ».
Abbas a déclaré qu’il était prêt à organiser des élections si Israël autorisait le vote des Palestiniens dans Jérusalem-Est annexée, ce que Netanyahu a refusé d’autoriser publiquement. Selon les analystes, l’aversion d’Abbas pour les élections est également liée à la crainte d’une progression du Hamas.
Huckabee a également fustigé le programme d’aide sociale de l’Autorité palestinienne, qui prévoit notamment le versement d’une allocation aux prisonniers en fonction de la durée de leur peine dans les prisons israéliennes. Le mois dernier, Abbas a signé un décret mettant fin à cette politique, mais celui-ci n’a pas encore été pleinement appliqué.
« La solution à deux États – l’idée que tout le monde va vivre ensemble, griller des marshmallows autour du feu de camp, chanter Kumbaya, et [que] cela va se produire de notre vivant – ne se produira pas si l’une des parties estime que l’autre n’a pas le droit d’exister », a affirmé Huckabee.

Commentant les critiques croissantes sur la conduite de la guerre par Israël à Gaza, Huckabee a déclaré que « le peuple juif a besoin de savoir qu’il a des amis. Il y a une longue liste d’ennemis que le peuple juif rencontre à travers le monde, et malheureusement sur certains de nos propres campus universitaires. Ce sera un privilège d’être l’une de ces personnes, non pas juives, mais chrétiennes, qui diront à nos amis juifs : ‘Vous ne traverserez jamais seul ce que vous avez traversé. Nous ne resterons pas à l’écart. Nous serons à vos côtés’ ».
Lors d’un événement pour les ambassadeurs nommés par Trump, Huckabee a déclaré qu’il espérait arriver en Israël pour la Pâque, qui commence le 12 avril.
« Mike va faire des merveilles pour Israël. En fait, il s’entend probablement bien avec les deux parties. Ce sera intéressant à voir. Le monde vous regarde, Mike, alors bonne chance », a répondu Trump.