Isaac Amit devient officiellement le président permanent de la Cour suprême
Le ministre de la Justice a jugé qu'il s'agissait « d'un triste jour pour la démocratie et d'un triste jour pour notre système juridique »

Après 16 mois sans président permanent de la Cour suprême, un fait sans précédent, et malgré l’opposition intense du ministre de la Justice Yariv Levin (Likud), la commission de sélection des juges a élu dimanche le juge Isaac Amit à la tête de la plus haute cour d’Israël.
Amit a été élu après une audience de cinq heures au cours de laquelle les récentes allégations de mauvaise conduite contre le juge, qui a servi pendant les quatre derniers mois comme président par intérim de la Cour suprême, ont été entendues et débattues.
« Lors de sa réunion, la commission a décidé de choisir le vice-président de la Cour suprême, le juge Yitzhak Amit, pour le poste de président », a affirmé un communiqué de la Cour.
Cette nomination a été immédiatement contestée par Levin, qui a qualifié le vote « d’illégal » et « illégitime ».
Levin, ainsi que les autres représentants de la coalition présents au sein du comité, la ministre des Implantations et des Missions nationales Orit Strouk (HaTzionout HaDatit) et le député Yitzhak Kroizer (Otzma Yehudit), ont boycotté l’audience en signe de protestation contre l’ordre de la Haute Cour de justice le sommant d’organiser un vote après avoir refusé de le faire pendant près d’un an et demi.
De récentes allégations contre Amit selon lesquelles il aurait présidé plusieurs affaires dans lesquelles il avait des conflits d’intérêts ont encore donné à Levin un prétexte pour réclamer de nouveaux délais pour reporter la nomination, mais la Haute Cour lui a indiqué que l’organisme compétent pour examiner ces allégations était la commission de sélection des juges.
Levin n’a pas lui-même convoqué l’audience de ce dimanche malgré l’ordonnance du tribunal, mais semble avoir permis au directeur de l’administration des tribunaux israéliens, le juge Tzahi Ouziel, qui fait office de secrétaire de la commission, de la convoquer à sa place.
Levin a jugé qu’il s’agissait « d’un triste jour pour la démocratie et d’un triste jour pour notre système juridique », estimant qu’Amit ne bénéficierait pas de la confiance du public et qu’il « n’aurait de cesse tant que nous n’aurons pas réglé cette situation honteuse ».
Plusieurs autres ministres du cabinet se sont aussi insurgés contre la nomination d’Amit. Cela a notamment été le cas du ministre des Finances, Bezalel Smotrich, et du ministre des Communications, Shlomo Karhi.
Le chef de l’opposition Yair Lapid a de son côté salué l’élection d’Amit, la qualifiant de « victoire pour la démocratie et pour une bonne administration », ajoutant que le « retard inutile » de la nomination « a causé d’énormes dégâts à l’État de droit en Israël ».
Le président Isaac Herzog a salué cette nomination, affirmant qu’Amit « a apporté une contribution formidable, au fil des décennies, au système judiciaire israélien ». Il a indiqué qu’il était « sûr et certain que ses nombreux talents et son expérience riche » l’aideront « à prendre la tête de manière responsable du système judiciaire, en toute discrétion et avec dévouement, au bénéfice de l’État d’Israël ».
Le Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël – dont la requête avait entraîné l’intervention de la Haute-cour – a dit que la désignation d’Amit était « une victoire pour la démocratie et pour l’état de droit face aux efforts illégitimes livrés actuellement dans le but de porter atteinte à l’indépendance du système judiciaire ».
Les tensions entre la Cour suprême et le ministre de la Justice remontent à la présentation par ce dernier d’un projet de réforme du système judiciaire qui avait entrainé, début 2023, des manifestations géantes en Israël.
Le pouvoir de la Cour suprême est au coeur de ce projet, qui vise à réduire son emprise sur la vie politique israélienne.
En Israël, où il n’y a pas de Constitution, la Cour peut en effet abroger des lois votées par les parlementaires si elle les estime contraires aux lois fondamentales du pays.
La principale réforme proposée introduit une clause dite « dérogatoire », qui permettrait au Parlement, avec un vote à la majorité simple, d’annuler une décision de la Cour et de remettre en vigueur une loi retoquée par les juges.
Autre point clé du projet de réforme : le processus de nomination des juges, actuellement nommés par un panel de magistrats, de députés et d’avocats, sous supervision du ministre de la Justice.
Levin souhaite « mettre fin à l’élection des juges par leurs confrères » et propose un plus grand poids des élus – ce qui fait craindre une politisation du monde judiciaire.