Israël aurait peut-être tué Muhammad Sinwar, mais son influence a toujours été limitée
Faute de preuves de son influence au sein du Hamas, il est peu probable que sa mort ait beaucoup d'impact sur les négociations concernant les otages et le cessez-le-feu

Mardi après-midi, l’armée israélienne a lancé une vague de frappes aériennes sur des infrastructures souterraines, non loin de l’hôpital européen de Khan Younès, ce qui a donné lieu à des volutes de fumée grise dans le ciel du sud de Gaza.
Selon les autorités de sécurité israéliennes, cet important bombardement était destiné à Muhammad Sinwar, considéré comme le chef de facto de l’organisation terroriste du Hamas à Gaza.
Sinwar a pris la tête de l’aile armée du Hamas après l’assassinat, en juillet dernier, de son précédent chef, Mohammed Deif, et est devenu plus tard le commandant en chef de l’organisation dans la bande de Gaza lorsque son frère aîné Yahya Sinwar, qui avait été le chef du Hamas, a été tué par Tsahal fin octobre.
Selon les autorités sanitaires de Gaza dirigées par le Hamas, 16 personnes au moins ont été tuées et plus de 70, blessées dans les frappes de mardi alors que des avions de l’armée de l’air ont largué des dizaines de bombes autour de l’hôpital. Mercredi après-midi, on ignore encore dans quelle mesure Sinwar en fait ou non partie.
Les services de renseignement israéliens estiment que Sinwar se trouvait à l’intérieur des tunnels pris pour cible lors de l’attaque.
Selon des sources proches des milieux de sécurité, à considérer qu’il se soit trouvé à l’intérieur, il aura probablement été tué par ces puissantes frappes, mais la nouvelle reste en attente de confirmation.

Même s’il a été tué, on ignore dans quelle mesure sa mort aura un impact sur l’organisation terroriste, dont les hauts dirigeants vivent pour l’essentiel en dehors de la bande de Gaza.
Selon les autorités israéliennes, Sinwar aurait fait preuve d’obstination en ce qui concerne les négociations avec le Hamas en vue de la libération des otages et se serait révélé un obstacle à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu. Mais contrairement à son frère, qui a exercé une influence considérable sur la tournure des négociations et la planification stratégique de l’organisation, il semble que Muhammad Sinwar n’ait eu qu’un rôle limité dans l’un ou l’autre domaine.
Absence de leadership
La mort du jeune Sinwar pourrait être vivement ressentie à l’intérieur de la branche armée du Hamas, où elle ne ferait que creuser encore l’absence de leadership, la plupart des autres chefs du groupe vivant à l’étranger depuis le début de la guerre déclenchée par le pogrom commis par le Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël.
Deux personnes pourraient lui succéder au niveau de la gestion de l’aile armée du Hamas, pour tenter de la reconstruire en plein conflit.
Le premier d’entre eux est Izz ad-Din Haddad, commandant de la brigade du Hamas dans la ville de Gaza et depuis longtemps aux plus hauts postes de la branche armée du Hamas. Durant la guerre, Haddad a été promu à la tête de toute la bande de Gaza.

Haddad n’apparaît que très rarement en public, mais en mai 2022, on l’a vu dans une vidéo en train de proférer des menaces contre Israël. En janvier dernier, sur Al-Jazeera, il a révélé avoir pris part à la préparation du pogrom commis le 7 octobre. Son visage était flouté lors de l’interview.
Le second candidat est Mohammad Shabana, commandant de la brigade de Rafah qui a patiemment gravi les échelons. Il aurait survécu à une frappe aérienne israélienne en mai 2024 dans un tunnel à Rafah. En mars 2025, sa femme et ses cinq enfants ont été tués dans une frappe israélienne. A l’instar d’Haddad, Shabana est peu connu à Gaza et n’a fait aucune apparition publique depuis le début de la guerre.

Tous deux sont des combattants confirmés du Hamas tout à fait à même de permettre à l’organisation de poursuivre ses opérations contre Israël et même de retrouver des forces. Mais il est probable que ni l’un ni l’autre n’ait de réelle influence sur le processus de prise de décision stratégique du Hamas, à l’instar du rôle limité joué par Muhammad Sinwar.
Yahya Sinwar était une figure centrale du Hamas avec une réelle influence sur les négociations de cessez-le-feu et avait le dernier mot sur la question des otages mais il est peu probable que son petit frère ait occupé une position comparable.
Yahya Sinwar avait été élu par les membres du Hamas à la tête de l’organisation à Gaza en 2017 et officiellement nommé à la tête du mouvement par les sommités du Hamas en août 2024. Muhammad Sinwar n’a, lui, jamais fait partie du bureau politique.
Même s’il évoluait dans la clandestinité à Gaza, contrairement au reste des hauts dirigeants du groupe, réunis au Qatar, Yahya Sinwar avait le dernier mot dans les négociations indirectes entre le Hamas et Israël qui se sont déroulées pour l’essentiel au Caire.

De source israélienne, l’obligation de consulter Sinwar via un système complexe de médiateurs de façon à obtenir une réponse officielle du Hamas aurait entraîné des retards importants dans les pourparlers, selon le Wall Street Journal.
« Nous devions attendre la réponse de Yahya Sinwar depuis les tunnels, à propos de chaque virgule, de chaque détail des négociations », s’est rappelé une source proche des cercles de défense israéliens, en mars 2024, selon la chaîne N12.
Rien de tout cela ne s’est produit avec Muhammad Sinwar au pouvoir. Les récentes négociations ont été conduites avec les autorités politiques du Hamas en dehors de Gaza et personne n’a fait état de retards liés à l’attente de la validation de Mohammad Sinwar. Même le canal indirect entre le Hamas et les États-Unis qui a conduit à la libération du soldat otage Edan Alexander, lundi, a été orchestré par de hauts responsables du Hamas au Qatar.

Muhammad Sinwar est certes considéré comme le chef de facto du Hamas mais l’organisation est officiellement dirigée par un conseil de direction composé de cinq membres, tous des personnalités de haut rang de l’aile politique sans implication directe dans les opérations militaires. Tous vivent en dehors de Gaza – certains se trouvent à l’étranger depuis des années, d’autres ont quitté la bande de Gaza peu de temps avant le début de la guerre.
Le conseil comprend le porte-parole du Hamas, Khalil al-Hayya, peut-être le plus important de Gaza, même s’il est probable qu’il exerce finalement peu d’influence à l’intérieur de la bande de Gaza depuis le Golfe.
Les autres membres du conseil sont Khaled Mashaal, chef du Hamas à l’étranger, Zaher Jabarin, chef du Hamas en Cisjordanie, Mohammad Darwish, chef du Conseil de la Choura du Hamas, en charge des décisions stratégiques à long terme et enfin Nizar Awadallah, membre du bureau politique du Hamas.

Depuis sa position dans les profondeurs de Gaza, rarement en contact avec les hauts dirigeants du groupe et avec relativement peu d’expérience en dehors des affaires militaires, difficile de voir comment Muhammad Sinwar aurait pu être une voix décisive en matière de cessez-le-feu.
Bien que la branche armée du Hamas ait son mot à dire dans tout accord concernant la libération des otages, dans la mesure où c’est elle qui assure la garde directe des otages enlevés en Israël le 7 octobre, son influence sur les questions stratégiques reste limitée.
Si la mort de Sinwar venait à être confirmée, elle n’aurait sans doute aucun impact sur les positions ou exigences de l’organisation dans les négociations concernant les otages et le cessez-le-feu, qui continueront d’être déterminées par des dirigeants vivant loin de Gaza.
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