Israël n’écoute pas les mises en garde, a déploré Kerry
La perspective d'un avenir meilleur et plus sûr existe, a indiqué le secrétaire lors d’un discours d’adieu teinté d’amertume. Mais les résidents des implantations et leurs partisans ne cessent de la détruire
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Il semble de plus en plus improbable – même si ce n’est pas impossible – que l‘administration Obama offre son concours à une résolution qui puisse gêner le gouvernement israélien à l’ONU, ou sinon transmettre un cadre pour le processus de paix israélo-palestinien. Le secrétaire d’Etat sortant John Kerry a toutefois largement contribué à renforcer un climat de déprime autour du Premier ministre et de sa coalition dimanche.
Lors d’un discours prononcé lors du Forum de Saban à Washington, DC, Kerry a déchargé plus de quatre ans d’amère frustration accumulée à l’encontre de Benjamin Netanyahu et de ses collègues, avertissant qu’Israël risque de devenir une « zone de danger », citant l’établissement d’implantations comme catalyseur central du désastre potentiel.
Un avenir différent et plus brillant, a-t-il expliqué, est possible pour Israël. Mais les résidents des implantations sont en train de détruire, selon lui, cette perspective. Et le rôle fâcheux qu’il a été obligé d’assumer, a-t-il tristement affirmé, a été d’endosser pendant quatre ans la fonction du prophète de mauvais augure qui voit s’approcher la tragédie – mises en garde qui ont été vaines.
Non, a dit le secrétaire, rendant justice à Netanyahu qui avait pris la parole par satellite juste avant lui, les implantations “ne sont pas la cause du conflit”. Mais, et Kerry l’a répété à plusieurs reprises, elles constituent certainement un “obstacle” essentiel à sa solution. « Ne nous mentons pas ici », a-t-il indiqué.
« Vous ne pouvez pas écarter cela d’un revers de main en disant que cela n’a pas d’impact. Cela a un impact ».
Il n’a pas reproché personnellement à Netanyahu d’avoir utilisé l’établissement des implantations avec l’objectif délibéré de s’assurer qu’il n’y aura pas une solution à deux états. Mais le droit israélien, a expliqué Kerry, a stratégiquement permis à de plus en plus de Juifs de partir en Cisjordanie, et de les installer dans des endroits très spécifiques, avec précisément ce but – s’assurer qu’il ne pourrait pas y avoir un état palestinien viable. Et, selon lui, Netanyahu a été à la tête de ce processus.
Depuis que le président Obama a accédé à la Maison Blanche pour la première fois, ce sont vingt-mille Juifs de plus qui vivent dorénavant dans les implantations, a-t-il ajouté. Des dizaines d’avant-postes illégaux ont suivi un processus de légalisation et ce processus continu “restreint et amenuise encore les capacités de la paix”, a-t-il déploré.
Très déterminé à utiliser cette tribune au Forum – qui sera l’une de ses dernières opportunités en tant que secrétaire – pour faire part de son point de vue sur les raisons de l’échec connu par le processus de paix pendant sa propre gouvernance, Kerry a insisté sur le fait qu’il s’exprimait en tant qu’ami d’Israël, en tant que diplomate n’ayant jamais cherché à imposer sa solution et en tant qu’allié stratégique soucieux de respecter les besoins sécuritaires de l’état juif.
Et il l’a attesté à sa manière et a souligné l’ingratitude de sa tâche – qui consistait essentiellement, selon lui, à sauver Israël de lui-même et spécifiquement de l’emprise de la vision à court terme des résidents des implantations de droite, de ces avocats du Grand Israël qui coûteront à Israël sa majorité juive ou sa démocratie, ou les deux, en empêchant peu à peu la séparation de millions de Palestiniens en Cisjordanie.
« Il y a parfois une propension à tuer celui qui donne de mauvaises nouvelles », a-t-il observé de façon ironique.
La majorité des ministres israéliens actuels s’opposent à un état Palestinien, a-t-il noté tristement. Les constructions en cours sont appuyées par la droite “parce qu’elle ne veut pas la paix”, a-t-il indiqué.
« Ils veulent bloquer la paix », a continué Kerry. “C’est là l’histoire du mouvement colon, mes amis”.
Evoquant de nouveaux détails sur le travail livré en 2013-2014 en vue d’un accord, et maintenant qu’il est proche de son départ, Kerry a détaillé certaines des dispositions sécuritaires qui, a-t-il affirmé, pourraient permettre un retrait substantiel d’Israël, et faciliter l’établissement d’une « ville-état « en Cisjordanie. Les Jordaniens étaient prêts à construire une barrière de sécurité sophistiquée de leur côté, dans la Vallée du Jourdain, et les Palestiniens de leur côté également.
Les troupes israéliennes auraient été en mesure d’accéder en hélicoptère sur les zones à problème en quelques minutes. Il y avait “toutes sortes de moyens” pour Israël de déployer ses soldats en période de crise, a-t-il expliqué, se référant aux propositions inoubliables fustigées par le ministre de la Défense d’alors, Moshe Yaalon en 2014 comme « ne valant pas le papier sur lequel elles ont été imprimées ».
Doutant encore profondément que les objections émises par Israël aient été véritablement basées sur des préoccupations portant sur des forces extrémistes qui seraient venues remplir un éventuel vide en Cisjordanie laissé par une armée israélienne en partance, le secrétaire s’est vaguement référé à des « décisions politiques en Israël » qui avaient déjoué ses efforts – suggérant apparemment que Netanyahu, même s’il reconnaît les dangers d’un état binational, a manqué de volonté pour se confronter aux faucons dans l’intérêt plus général du pays.
La stabilité et la sécurité n’étaient pas hors de portée pour Israël, a suggéré Kerry, mais elles ne seront jamais atteintes si “vous persistez tout le temps à établir votre présence” dans ce que les Palestiniens considèrent comme leur état. Et concernant l’idée chérie par Netanyahu d’une paix arabe régionale préalable, oubliez-la. Il n’y aura pas de paix séparée avec le monde arabe”, a-t-il insisté.
Et est-ce trop tard pour les deux états maintenant, lui a-t-on demandé ? “Nous n’avons pas atteint le point de non-retour”, a-t-il soupiré, “mais nous…” Il n’a rien ajouté de plus.
En résistance aux efforts livrés par Obama et Kerry, Yaalon aurait déclaré en janvier 2014 que Kerry était “messianique” et “inexplicablement obsédé” dans sa quête d’un accord et que “tout ce qui peut nous sauver, c’est que John Kerry remporte un Prix Nobel et qu’il nous laisse tranquille”. Kerry n’a pas obtenu son Nobel, bien sûr, et Israël, est-il apparu, est parvenu à l’infléchir de façon très efficace.
Kerry n’a jamais réussi à entamer la conviction de Netanyahu selon laquelle le Moyen-Orient d’aujourd’hui, avec sa vicieuse imprévisibilité, ne se prête pas à des compromis territoriaux à hauts risques.
Et Netanyahu est resté dans l’incapacité d’ouvrir une brèche dans la certitude de Kerry, à savoir que l’intérêt fondamental d’Israël exigeait de s’atteler avec énergie à un accord portant sur une solution à deux états. Alors que le discours de Netanyahu donné par satellite depuis Jérusalem s’est conclu juste avant que Kerry ne prenne la parole, la journée de dimanche a probablement marqué la dernière étape d’un long dialogue de sourds.
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