Italie: les partis de droite ne soutiennent pas la lutte contre l’antisémitisme
Les Juifs italiens et le Vatican dénoncent la formation de Berlusconi et deux autres qui ont refusé de soutenir une commission consacrée à l'antisémitisme
La communauté juive de Rome a dénoncé, jeudi, les partis italiens de droite qui ont refusé de soutenir la formation d’une commission parlementaire chargée de la lutte contre les haines, le racisme et l’antisémitisme.
Cette commission avait été avancée par Liliana Segre, une sénatrice survivante de la Shoah et âgée de 89 ans, qui a dit cette semaine qu’environ 200 messages de haine en moyenne postés sur les réseaux sociaux la prenaient quotidiennement pour cible.
La motion, soutenue par le mouvement 5 étoiles au pouvoir et le parti Démocrate de centre gauche, a été adoptée mercredi lors d’un vote au Sénat par 151 voix pour et 98 abstentions, ces dernières correspondant à des élus issus des partis Forza Italia (centre droit), La Ligue (extrême droite) et Frères d’Italie (extrême droite), qui ont expliqué que cette résolution était « partiale » et susceptible de porter atteinte à la liberté d’expression.
Il y a quelque jours, le patron de la Ligue et sénateur Matteo Salvini, avait anticipé cette prise de position assurant être « contre le racisme, la violence et l’antisémitisme, sans réserve, mais refuser les bâillons et les Etats policiers nous ramenant à Orwell ».
Mais la gauche, ainsi que certains élus de Forza Italia, ont estimé que cette abstention sur un texte qui aurait dû fédérer l’ensemble de la classe politique était « une erreur ». Le chef du Parti démocrate (au pouvoir) Nicola Zingaretti l’a qualifiée « de honte de la part d’une droite pleine de haine, de rancoeur et de violence ».
Composée de 25 parlementaires, la Commission « Segre » aura un rôle d’observation, d’étude et de contrôle des actes d’intolérance, de racisme et l’incitation à la haine et à la violence contre des individus ou des groupes sociaux sur la base de critères comme l’ethnie, la religion, l’orientation ou l’identité sexuelle.
Avant le 30 juin de chaque année, elle devra transmettre au gouvernement et aux deux chambres du parlement un rapport d’activité et pourra signaler des tels actes à la presse et aux responsables de sites internet, en demandant le retrait des contenus correspondants.
« L’abstention de certains est un peu inquiétante. C’est une décision que nous considérons à la fois comme mauvaise et dangereuse », aurait dit la présidente de la communauté juive de Rome, Ruth Dureghello, à l’issue du vote.
Le numéro deux du Vatican, le Cardinal Pietro Parolin, a expliqué aux journalistes : « Je suis préoccupé dans le sens où, sur des sujets tels que les valeurs fondamentales, nous devrions tous être unis. Le danger est réel de voir tout ça se politiser et nous devons nous y opposer ».
Le parti de la Ligue a déclaré que la motion de Segré était « ambigüe » dans la mesure où elle listait le nationalisme et l’ethnocentrisme comme possibles motivations pour la haine raciale.
« En faisant cela, vous mettez hors-la-loi les Frères d’Italie. Ce n’est pas une commission sur l’antisémitisme comme on veut que vous le croyiez, mais plutôt une commission dont l’objectif est la censure politique », aurait dit un sénateur de ce parti, Giovanbattista Fazzolari.
Forza Italia, avec à sa tête l’ex-Premier ministre Silvio Berlusconi, est le plus modéré des trois partis de droite. Certains de ses membres ont publiquement critiqué la décision de s’abstenir pendant le vote. Cela a notamment été le cas de Mara Carfagna, considérée comme une possible future cheffe de parti.
« Nous trahissons nos valeurs et changeons de peau. Nous sommes entraînés sans pouvoir défendre notre identité », a-t-elle dit en évoquant les récentes initiatives de Berlusconi de s’aligner plus à droite, avec la Ligue.
Segre et sa famille avaient vécu dans la clandestinité après l’émission de lois de discrimination racistes contre les Juifs, en 1938. Ils avaient été arrêtés en 1941 et embarqués à bord des trains, au départ de Milan, à destination des camps de déportation nazis.
Seuls 25 de 775 enfants italiens avaient survécu aux camps de la mort.