La bataille pour la direction de Sciences Po lancée, dans un contexte tendu
Au moins 6 candidats sont en lice pour ce poste à hauts risques, alors que la prestigieuse "école des élites" cumule déboires et scandales autour de ses dirigeants depuis plusieurs années
La quête d’un nouveau directeur de Sciences Po Paris a commencé mercredi avec le dépôt des candidatures, dans un contexte ultra-sensible en raison des crises répétées au sein de la prestigieuse « école des élites » et d’un paysage politique très incertain.
Plus d’une demi-douzaine de candidats au moins sont en lice pour succéder à Mathias Vicherat. Ce dernier a démissionné mi-mars après avoir été renvoyé devant la justice dans un dossier de violences conjugales, plongeant Sciences Po Paris dans une nouvelle crise de gouvernance.
Les prétendants avaient jusqu’à ce mercredi midi pour se déclarer et ont jusqu’à vendredi pour déposer leur dossier complet.
L’ex-directeur de Sciences Po Lille Pierre Mathiot, l’ancienne secrétaire d’État Juliette Méadel, la doyenne de l’École des affaires internationales de Paris à Sciences Po et ancienne ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez, ou le directeur de Sciences Po Aix, Rostane Mehdi, ont confirmé à l’AFP leur candidature.
Le PDG de l’association Pacte PME François Perret et le professeur de droit privé Pierre Berlioz postulent également.
Tout comme l’historien François-Xavier Petit, ancien conseiller ministériel de Michel Sapin et François Rebsamen, qui a indiqué à l’AFP vouloir « porter un projet innovant, enthousiaste et qui restaure la crédibilité de cette belle institution ».
Luis Vassy, directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné et ancien camarade de promotion d’Emmanuel Macron à l’ENA, est aussi pressenti.
Auditions en septembre
En revanche, certains noms évoqués, comme les anciens ministres Jean-Michel Blanquer, Najat Vallaud-Belkacem ou Aurélien Rousseau, ne se sont pas lancés dans cette course vers un poste à hauts risques.
Sciences Po cumule déboires et scandales autour de ses dirigeants depuis plusieurs années. Vicherat avait succédé en novembre 2021 à Frédéric Mion, contraint de démissionner pour avoir dissimulé les soupçons d’inceste visant le politologue Olivier Duhamel, qui était alors le président de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP).
Depuis fin mars, Sciences Po est géré par l’ex-PDG de Pôle Emploi Jean Bassères, administrateur provisoire de l’école jusqu’à la désignation d’un nouveau directeur.
La commission d’examen des candidatures se réunira le 1er juillet pour établir une « short list » de prétendants qui seront auditionnés le 5 septembre.
Les candidats retenus à l’issue de ces auditions devront ensuite être départagés par les conseils de gouvernance de l’institution, le conseil de l’IEP (Institut d’études politiques) et le conseil d’administration de la FNSP, qui chapeaute l’école.
La réunion du conseil de l’IEP se tiendra le 19 septembre et celle du conseil d’administration de la FNSP le 20 septembre. En cas d’accord, les deux conseils transmettront leur proposition à la ministre de l’Enseignement supérieur, qui doit la valider.
« Lente dérive »
La désignation du nouveau dirigeant de l’IEP de Paris doit encore ensuite être officialisée par un décret du président de la République, pris sur proposition de la ministre Sylvie Retailleau. Sa nomination comme administrateur de la FNSP se fait, elle, par un arrêté de la ministre de l’Enseignement supérieur.
Autant de procédures qui rappellent la dimension très politique de ces nominations, alors que Sciences Po Paris est depuis des mois au centre de l’attention politique, secoué par plusieurs soubresauts à sa tête mais aussi par des polémiques liées aux mobilisations d’étudiants anti-Israël.
L’occupation le 12 mars d’un amphithéâtre par des étudiants, qui avait donné lieu à des accusations d’antisémitisme, avait attisé les controverses. Elle avait suscité un vif émoi jusqu’au sommet de l’État, le Premier ministre Gabriel Attal, ancien élève, se déplaçant en personne sur place et déplorant « une sorte de lente dérive liée à une minorité agissante ».
Depuis, plusieurs mobilisations d’étudiants pour Gaza ont eu lieu sur les campus de Sciences Po Paris, donnant lieu à des interventions de la police et enflammant le débat politique en pleine campagne des européennes.
Le contexte politique explosif et incertain depuis la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin pourrait rendre l’équation encore plus complexe.
En cas de cohabitation après le second tour des législatives, le 7 juillet, la procédure nécessitera une entente entre le ministre et le chef de l’État.