Israël en guerre - Jour 347

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Analyse

La chute de la coalition nuira-t-elle aux concessions de Biden aux Palestiniens ?

Même si Lapid est plus modéré que Bennett sur la question palestinienne, un officiel US a estimé qu'il serait difficile pour le Premier ministre de s'engager en période de campagne

Jacob Magid

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Mahmoud Abbas (à gauche) et Joe Biden après leur rencontre dans la ville de Ramallah en Cisjordanie, le 10 mars 2010. (Crédit : AP/Bernat Armangue)
Mahmoud Abbas (à gauche) et Joe Biden après leur rencontre dans la ville de Ramallah en Cisjordanie, le 10 mars 2010. (Crédit : AP/Bernat Armangue)

WASHINGTON — Tandis que l’arrivée au bureau du Premier ministre de Yair Lapid, plus modéré, en lieu et place de son prédécesseur Naftali Bennett, a donné aux partisans du processus de paix avec les Palestiniens une raison d’être optimiste, un haut-responsable américain a déclaré mercredi au Times of Israel que le changement de chef de gouvernement pourrait bien, au contraire, compliquer les liens avec les Palestiniens à court-terme.

Lapid, dans le passé, a exprimé son soutien à la solution à deux États – à laquelle Bennett, pour sa part, s’oppose farouchement. Il a aussi exprimé sa volonté de faire la paix avec les Palestiniens dans son premier discours de Premier ministre.

Cette rhétorique est la bienvenue pour les Américains – et il y a l’espoir, à Washington, que Lapid saura revendiquer ce positionnement quand il se trouvera aux côtés du président américain Joe Biden, qui doit venir en Israël cette semaine.

Mais alors que les cadres de Biden cherchent actuellement à finaliser une série d’initiatives que l’administration a l’intention d’annoncer lors du voyage de Biden, des initiatives qui visent à renforcer l’Autorité palestinienne, les responsables américains ont découvert que les choses pourraient être beaucoup plus difficiles avec Lapid au poste de Premier ministre que cela aurait été le cas avec Bennett, a reconnu un haut-responsable américain auprès du Times of Israel au cours d’une discussion consacrée à la prochaine visite présidentielle.

La raison en est que Lapid n’est que Premier ministre par intérim dans le cadre d’une campagne électorale – et il « semble donc moins désireux de prendre des initiatives à l’égard des Palestiniens qui pourraient entraîner les critiques de ses adversaires politiques », a expliqué le responsable qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat.

Bennett — qui a démissionné il y a bientôt deux semaines après avoir décidé de mettre un terme à sa coalition diversifiée après seulement un an – a refusé de rencontrer le président de l’AP Mahmoud Abbas ou de mettre en place des négociations avec les Palestiniens pendant toute la (courte) durée de son mandat.

Le Premier ministre sortant Naftali Bennett, à gauche, et le Premier ministre Yair Lapid à la Knesset après l’adoption du projet de loi de dissolution du parlement, le 30 juin 2022. (Crédit : AP Photo/Ariel Schalit)

Il a néanmoins donné son aval à une série d’initiatives visant à renforcer l’économie israélienne, approuvant notamment des milliers de permis d’entrée pour les Palestiniens originaires de Cisjordanie et de Gaza qui désirent travailler au sein de l’État juif et délivrant des cartes d’identité à des milliers de Palestiniens qui n’en possédaient pas.

D’autres initiatives de cette nature étaient envisagées par le bureau de Bennett en amont du voyage de Biden, a déclaré un responsable israélien qui a ajouté qu’elles devaient encore être approuvées par Lapid.

Mais « avec Bennett, il y avait un gouvernement et nous ne nous trouvions pas au beau milieu d’une campagne électorale », a noté le responsable américain.

Il a confirmé que les États-Unis prévoyaient encore d’annoncer une série « de réalisations attendues » en faveur de l’AP pendant le déplacement de Biden. Certaines seront des initiatives américaines et d’autres des initiatives israéliennes que Biden annoncera au nom de Lapid, qui préfère prendre ses distances face aux concessions faites. Parmi les gestes des États-Unis, un engagement lié à l’économie palestinienne et réclamé depuis longtemps par Ramallah, a noté le responsable qui a refusé d’en dire plus, le dossier n’étant toujours pas finalisé.

Selon un responsable israélien et un responsable palestinien, les autorités, à Jérusalem, se sont aussi engagées à l’égard de l’administration Biden à reporter trois initiatives : l’avancement d’un projet de constructions d’implantations controversé dans la zone E1, en Cisjordanie ; de nouvelles restrictions sur l’entrée des étrangers dans les secteurs palestiniens de Cisjordanie et les expulsions à Masafer Yatta — un ensemble de villages bédouins ruraux dans le sud des collines de Hébron.

Ces engagements seront respectés jusqu’au lendemain du déplacement de Biden seulement ou, dans le cas du projet de constructions dans la zone E1, jusqu’au 12 septembre – mais cela a été suffisant pour au moins temporairement calmer l’AP qui menaçait de couper les liens sécuritaires avec Israël dans un cadre de tensions bouillonnantes entraînées par les approbations d’implantations, les heurts sur le mont du Temple, les raids de l’armée israélienne dans la Zone A de Cisjordanie qui est officiellement placée sous le contrôle de l’AP et la mort de la journaliste israélo-américaine Shireen Abu Akleh.

Fresque à la mémoire de la journaliste d’Al Jazeera, Shireen Abu Akleh, à Gaza, le 15 mai 2022. (Crédit : AP Photo/Adel Hana)

Mais la frustration persiste à Ramallah – en particulier après l’annonce faite par les États-Unis que son analyse médico-légale de la balle qui avait tué Abu Akleh n’était pas concluante et que s’il était probable que les soldats israéliens aient été à l’origine de sa mort, le tir meurtrier n’avait pas été intentionnel.

Malgré les limitations induites par le caractère intérimaire du gouvernement israélien, l’administration Biden espère encore qu’elle pourra convaincre et séduire l’AP pendant le voyage.

Elle est parfaitement consciente des demandes de Ramallah – qui voudrait que les États-Unis rouvrent le consulat américain à Jérusalem, rouvrent le bureau diplomatique de l’Organisation de libération de la Palestine à Washington et abandonnent la législation adoptée au Congrès en 1987 qui désigne l’OLP et ses affiliés comme des organisations terroristes. Si l’administration Biden ne répondra pas ces requêtes dans un avenir proche – Israël s’oppose à la réouverture du consulat et le président a tenté d’éviter une confrontation avec l’État juif à ce sujet –, la Maison Blanche devrait s’entretenir au téléphone avec les responsables de l’AP, avant la visite, pour passer en revue ce que Ramallah devra faire afin de voir ses deux dernières demandes réalisées, a indiqué le haut-responsable américain.

Et l’AP devra mettre un terme à ses « paiements aux martyrs » – de l’argent versé aux prisonniers sécuritaires palestiniens et aux familles des terroristes morts pendant un attentat et aux familles de terroristes. Des responsables palestiniens avaient indiqué en 2020 au Times of Israel qu’ils étaient prêts à réformer cette politique, de manière à ce que ces allocations se basent sur les nécessités financières réelles plutôt que sur la durée de la peine, comme c’est le cas jusqu’à présent – mais peu de progrès ont été réalisés depuis en ce sens.

L’AP devra aussi prouver que le Front populaire pour la libération de la Palestine – qui est considéré par Israël et par les États-Unis comme un groupe terroriste – n’est en rien affilié à l’OLP et elle devra démontrer sa dissociation d’avec les Brigades des martyrs Al-Aqsa, une coalition de groupes armés plus ou moins liée au parti au pouvoir du Fatah.

Ces initiatives pourraient être une tâche gigantesque pour Ramallah, alors que l’AP est déjà profondément impopulaire auprès des Palestiniens pour sa coopération limitée avec des gouvernements israéliens successifs qui n’ont pas fait avancer le processus de paix.

L’administration Biden pourra toutefois annoncer une initiative de financement significative pour le Réseau des hôpitaux de Jérusalem-Est. Biden visitera l’un de ces établissements hospitaliers vendredi prochain, a fait savoir un haut-responsable israélien.

À titre d’illustration : Le Dr. Jill Biden, épouse du vice-président Joseph Biden, alors vice-président des États-Unis, en compagnie de patients palestiniens lors d’une visite à l’hôpital Augusta Victoria à Jérusalem-Est, le 10 mars 2010. (Crédit : AP/Menahem Kahana, Pool)

Le choix de l’hôpital n’a pas encore été finalisé mais une source proche du dossier, en Israël, a déclaré qu’il s’agirait probablement de l’hôpital Augusta Victoria, qui se trouve sur le mont des Oliviers. La Première dame Jill Biden s’y était rendue en 2010, annonçant à l’époque des dons de nouveaux équipements pour les unités d’oncologie.

Ce sera le tout premier déplacement d’un président américain en exercice hors de la Vieille Ville à Jérusalem-Est – et cela devrait satisfaire les Palestiniens qui considèrent cette partie de la ville comme la capitale de leur futur État. Peut-être pour cette raison, des responsables israéliens ont tenté de faire en sorte de pouvoir accompagner Biden lors de cette visite, a révélé la source israélienne.

Le réseau d’hôpitaux n’est pas officiellement dirigé par l’Autorité palestinienne et il travaille avec les caisses d’assurance maladie israéliennes, mais il joue aussi un rôle déterminant dans le système de soins palestinien. Une grosse partie du budget d’opération sert à soigner les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, et c’est l’AP qui règle la facture.

En plus de ces nouveaux fonds américains, Biden annoncera des dons similaires au bénéfice du réseau d’hôpitaux qui ont été faits par plusieurs États du Golfe, a commenté un diplomate moyen-oriental.

Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, à droite, rencontre le leader de l’Union sioniste Isaac Herzog à Ramallah, le 18 août 2015. (Crédit : AP Photo/Nasser Nasser/File)

Et pourtant, cette partie de la visite ne satisfera probablement pas l’AP qui a fait savoir qu’elle attendait de Biden qu’il utilise son voyage pour redonner « un horizon politique » aux Israéliens et aux Palestiniens.

Un haut-responsable israélien a déclaré que Washington acceptait largement le positionnement adopté par Jérusalem qui a estimé que les parties n’étaient pas prêtes pour des négociations de haut-rang et qu’une réunion entre Lapid et Abbas ne serait donc pas fructueuse actuellement.

Interrogé sur la perspective d’un tel sommet, au début de la semaine, Lapid a répondu aux journalistes : « Je n’organise pas de réunion pour le principe d’organiser des réunions, à moins qu’elles n’aient un résultat positif pour Israël. Aujourd’hui, une telle rencontre n’est pas à l’ordre du jour, même si je ne l’exclus pas. »

Toutefois, les États-Unis ont proposé que Lapid ait au moins un entretien téléphonique avec Abbas ou qu’il approuve une rencontre entre le président Isaac Herzog et le dirigeant de l’Autorité palestinienne, a dit la seconde source qui a indiqué qu’une décision n’avait encore été prise par le nouveau Premier ministre.

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