La France avait le droit d’ordonner à un magazine d’occulter une photo d’Ilan Halimi
La photo incriminée montrait Ilan Halimi le visage enrubanné d'adhésif, un pistolet sur la tempe et les poignets entravés
La France n’a pas porté atteinte à la liberté d’expression en imposant au magazine Choc d’occulter sur ses pages une photo d’Ilan Halimi aux mains de ses ravisseurs, parues dans son numéro de juin 2009, a dit jeudi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).
Les juges de la CEDH ont estimé que la publication de cette photographie, prise par les tortionnaires du jeune homme juif et qui « n’avait pas vocation à être présentée au public », a pu porter « une atteinte grave à la vie privée des proches d’Ilan Halimi ».
La CEDH a jugé que la restriction imposée par la justice française à la liberté d’expression dans cette affaire était « proportionnée, les juridictions nationales s’étant limitées à ordonner l’occultation de la seule photographie litigieuse, sans procéder à la censure de l’article ou à son retrait ».
La photo incriminée montrait Ilan Halimi, un jeune homme de 23 ans qui a été torturé à mort en janvier 2006 par un groupe criminel qui s’était nommé « le Gang des Barbares », le visage enrubanné d’adhésif, un pistolet sur la tempe et les poignets entravés. Cette photo avait été publiée par le magazine Choc en couverture et quatre fois dans ses pages intérieures.
La mère et la soeur d’Ilan Halimi avaient obtenu en première instance le retrait de ce numéro du magazine de tous les points de vente. La cour d’appel de Paris avait ensuite remplacé le retrait du numéro par l’occultation des reproductions de la photographie en cause.
En juillet 2010, le magazine avait été débouté de son pourvoi en cassation.
L’avocat du mensuel Me Richard Malka avait alors jugé cet arrêt « préoccupant car il ouvre un champ nouveau de restriction du droit de la presse ».
Pour Me Malka, cet arrêt posait « la question de savoir s’il serait toujours possible aujourd’hui de publier les photos de Georges Besse tué par Action Directe, ou du préfet Erignac assassiné ».
Le magazine avait saisi la CEDH, se prévalant de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui garantit la liberté d’expression.
Ilan Halimi avait été retrouvé, après trois semaines de tortures, agonisant le 13 février 2006 au bord d’une voie ferrée, nu, bâillonné, menotté, des traces de torture et de brûlures sur le corps. Il avait succombé à ses blessures peu après et n’avait pas pu arriver à l’hôpital.