La Haute cour refuse tout contrôle par Ben Gvir des politiques d’enquête
Si les juges ont avalisé une grande part de la loi controversée, le ministre s'est insurgé contre un tribunal "qui piétine la volonté des électeurs" ; Pour Levin, cette décision prouve la nécessité de réformer le système
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
La Haute Cour de justice a décidé jeudi d’annuler un élément déterminant figurant dans une loi très controversée passée à la demande du ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir – élément qui accordait au ministre le pouvoir de définir les « principes généraux » concernant les enquêtes policières, en déterminant notamment « les priorités fondamentales » dans le cadre des investigations lancées par les forces de l’ordre.
Les juges ont néanmoins confirmé d’autres aspects de la loi qui donnent au ministre le pouvoir de « définir les politiques de la police et les principes généraux de son fonctionnement », y compris « les priorités, les programmes de travail et les lignes directrices générales » des forces de l’ordre.
La décision du maintien, dans le texte, des clauses qui accordent au ministre une autorité plus générale a été prise à l’unanimité.
En revanche, c’est une majorité de cinq magistrats contre quatre qui a décidé de l’annulation de l’autorité du ministre en ce qui concerne les politiques mises en œuvre lors des enquêtes.
Ce jugement est le dernier d’une série de défaites infligées par le système judiciaire au gouvernement. Ces décisions prises en défaveur de la coalition – en plus des efforts livrés par cette dernière pour mettre en œuvre un plan de refonte radical du système de la justice en Israël – ont entraîné une crise constitutionnelle entre les deux branches du gouvernement.
Les organisations qui avaient déposé une requête contre la loi – dont l’Association pour les droits civils en Israël (ACRI) et le Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël – ont fait valoir que la loi accordait au ministre une autorité excessive sur le travail de la police et qu’elle aboutirait à une politisation des forces de l’ordre, ce qui mettrait en péril les droits démocratiques.
Les différents groupes s’étaient opposés aux clauses de la loi qui autoriseront le ministre de la Sécurité nationale à « définir les politiques de la police et les principes généraux de son fonctionnement » – et notamment « ses priorités, ses programmes de travail et ses lignes directrices générales », affirmant que le ministre sera ainsi en mesure d’intervenir dans les décisions sensibles de la police, ce qui pourrait nuire aux droits constitutionnels tels que la liberté de manifester et la liberté d’expression.
L’ACRI et le Mouvement pour un gouvernement de qualité se sont également fortement opposés à une deuxième clause controversée figurant dans la loi qui permettait au ministre de la Sécurité nationale de « définir des principes généraux dans le domaine des enquêtes, en déterminant notamment les priorités de principe ».
Les organisations ont noté que mettre ces pouvoirs entre les mains du ministre pourrait politiser le principe même d’application de la loi et saper l’indépendance de la police, ce qui porterait donc gravement atteinte aux principes démocratiques.
Ils ont soutenu, de surcroît, que la loi plaçait le ministre dans une situation de conflit d’intérêts institutionnel – puisqu’il serait chargé de déterminer la politique en matière d’enquête sur des faits de corruption et autres actes répréhensibles commis par des agents publics.
Suite à la décision prise par la Haute cour de ne pas accorder au ministre de pouvoirs accrus en matière d’enquêtes, Itamar Ben Gvir a laissé libre cours à son mécontentement, estimant que le tribunal « s’est, une fois encore, transformé en souverain et il a piétiné la volonté des électeurs ».
« La grave décision qui a été prise par la Haute Cour vise à dépouiller le ministre de ses pouvoirs, tentant de donner au bureau du procureur de l’État et à la procureure-générale toute autorité sur les forces de l’ordre », a-t-il affirmé. « Dans un État démocratique, c’est le ministre responsable de la police qui détermine les politiques à suivre – mais cela n’intéresse évidemment pas la Haute Cour ».
De son côté, le ministre de la Justice, Yariv Levin, a déploré le jugement rendu par les magistrats. Il a accusé – ce qu’il fait souvent – la plus haute instance judiciaire d’être « un club fermé » qui outrepasse la volonté de la Knesset.
Levin a insisté sur le fait que cette décision démontrait clairement la nécessité d’adopter une législation qu’il a lui-même défendue et qui permettrait au gouvernement d’avoir le contrôle du système judiciaire.
« Beaucoup de gens comprennent que cela ne peut plus durer. Beaucoup de gens comprennent que le temps est venu de rendre l’autorité au souverain – et le souverain, c’est le peuple », a commenté Levin, qui cherche actuellement à relancer un projet de loi qui accorderait au gouvernement le contrôle de la Commission chargée de sélectionner les juges. Le gouvernement, par conséquent, aurait ainsi le contrôle du pouvoir judiciaire lui-même.
« J’espère que toutes les composantes de la coalition agiront conformément à l’urgence de la situation actuelle et qu’elles permettront enfin d’apporter les changements nécessaires au processus de sélection des juges », a ajouté le ministre de la Justice, faisant référence à cette législation.