La première d’un film à Sarajevo illustre l’harmonie rare entre Juifs et musulmans
"Sevap/Mitzvah" est l'histoire vraie d'une musulmane qui a caché une famille juive à Sarajevo, alors occupée par les nazis et qui a ensuite été sauvée par cette même famille dans les années 1990
SARAJEVO – Un film montrant comment les musulmans et les Juifs de Sarajevo se sont sauvés mutuellement en temps de guerre a été projeté en avant-première dans la capitale bosniaque cette semaine, soulignant le potentiel d’harmonie interreligieuse malgré l’intense polarisation mondiale ravivée par la guerre menée contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza après le pogrom qu’il a commis le 7 octobre contre Israël.
Le court-métrage « Sevap/Mitzvah » (Une bonne action) de la réalisatrice américaine Sabina Vajraca raconte l’histoire vraie d’une femme musulmane qui a caché une famille juive chez elle et l’a aidée à fuir Sarajevo occupée par les nazis dans les années 1940.
Cinquante ans plus tard, Zejneba Hardaga – la première femme musulmane reconnue comme « Juste parmi les nations » par le mémorial de la Shoah Yad Vashem en Israël pour avoir risqué sa vie pour sauver des Juifs – a elle-même été sauvée par la même famille juive de la capitale bosniaque alors assiégée.
« Il s’agit d’une histoire sur le voisinage, sur l’amitié entre musulmans et Juifs, sur l’essence même de la Bosnie-Herzégovine et de Sarajevo », a déclaré Vladimir Andrle, président de l’organisation caritative juive La Benevolencija, basée à Sarajevo.
Vajraca, née en Bosnie, a expliqué que l’inspiration pour le film lui était venue en voyant à quel point les musulmans et les Juifs étaient divisés aux Etats-Unis, contrairement à ce qui se passe en Bosnie.
« Il est très rare de trouver dans l’Amérique d’aujourd’hui un Juif et un Musulman qui se sentent en sécurité l’un à côté de l’autre, et toutes les synagogues et mosquées sont placées sous protection policière », a-t-elle déclaré à Reuters après la première dans le bâtiment rénové de l’ancienne Bibliothèque nationale, qui a été incendiée en temps de guerre.
La projection a été organisée pour un groupe restreint d’invités des communautés musulmanes et juives et de journalistes.
Une ville majoritairement musulmane
La plupart des citoyens de Sarajevo sont musulmans et éprouvent une grande empathie pour les Palestiniens de Gaza. Leur ville a également souffert de la mort et de la destruction pendant le siège des Serbes de Bosnie de 1992 à 1995.
Andrle a déclaré qu’il y avait eu quelques menaces sur les réseaux sociaux contre la communauté juive après le pogrom perpétré le 7 octobre par le groupe terroriste palestinien du Hamas en Israël et la guerre en cours qui s’en est suivie, mais que dans l’ensemble, il y avait plus de solidarité que d’antipathie.
« Si une personne m’a menacé, cinq m’ont défendu », a-t-il déclaré.
Pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Bosnie (1992-1995), les historiens musulmans ont sauvé la Haggadah de Sarajevo, le livre juif des rites de Pessah datant du 14e siècle, qui a trouvé refuge dans la ville en provenance d’Espagne. Il est devenu un symbole de la coexistence religieuse en Bosnie.
Au début de l’année, le chef de la communauté islamique de Bosnie et un ancien dirigeant du Congrès juif mondial ont signé « l’Initiative judéo-musulmane pour la paix », établissant des principes de coopération en temps de crise.
« Nous ne devons pas et nous ne pouvons pas considérer quoi que ce soit comme acquis. Nous ne pouvons pas penser que ces valeurs peuvent être maintenues sans nos efforts », a déclaré Muhamed Jusic, haut responsable de l’organisation régionale des communautés islamiques Riyasat.
« Autant les personnes malveillantes tentent de détruire ces valeurs, autant les personnes bienveillantes doivent faire le même effort pour les préserver. »