La procureure générale du Michigan qualifie les critiques de Tlaib « d’antisémites »
Dana Nessel, qui est juive, interpelle l'élue démocrate anti-Israël ayant suggéré qu'elle était partiale en poursuivant des étudiants/manifestants pour "violence et comportement criminel"
La procureure générale du Michigan a accusé d’antisémitisme la députée américaine d’origine palestinienne de l’État, dans une guerre des mots entre deux Démocrates de premier plan qui pourrait bouleverser un État déjà en proie à bien des tensions.
L’échange entre la procureure générale Dana Nessel, qui est juive, et la députée Rashida Tlaib, autrefois amies, fait suite à la décision de Nessel de porter plainte contre onze manifestants anti-Israël de l’Université du Michigan.
Dans une déclaration datant du 12 septembre, Nessel a souligné le droit à la liberté d’expression, mais a accusé les onze manifestants présents au campement de l’université au printemps dernier de « comportement violent et criminel », notamment d’obstruction à la police et d’intrusion.
Dans une interview accordée à un journal local le lendemain, Tlaib a comparé les manifestations sur le campus à d’autres manifestations contre le racisme et pour les droits des immigrés. Elle a déclaré au Detroit Metro Times que Nessel avait choisi de poursuivre les onze personnes en raison de « possibles préjugés ».
« Il semble que la procureure générale ait décidé que si la question était la Palestine, elle allait la traiter différemment, et cela en dit long sur les préjugés possibles au sein du bureau qu’elle contrôle », a-t-elle déclaré.
Le bureau de Nessel a confirmé à la Jewish Telegraphic Agency qu’elle avait pris cette remarque comme une référence à son identité juive. Dans un message publié sur les réseaux sociaux vendredi, elle a condamné une caricature qui suggérait que Tlaib était affiliée au groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah – et a également qualifié la membre du Congrès d’antisémite.
La caricature du Detroit News représentait Tlaib regardant un appareil électronique fumant sur son bureau et disant « c’est étrange, mon bipeur vient d’exploser », en référence aux attaques de la semaine dernière contre les appareils de communication du Hezbollah au Liban. Des milliers de bipeurs et de talkies-walkies utilisés par des terroristes ont explosé lors d’une attaque que le Hezbollah a imputée à Israël, qui n’en a pas revendiqué la responsabilité.
« La religion de Rashida ne devrait pas être utilisée dans une caricature pour insinuer qu’elle est une terroriste. C’est islamophobe et injuste », a déclaré Nessel sur le réseau social X.
« Tout comme Rashida ne devrait pas utiliser ma religion pour insinuer que je ne peux pas faire mon travail équitablement en tant que procureure générale. C’est antisémite et mal. »
Le bureau de Tlaib s’est refusé à tout commentaire. Dans le sillage de la fureur, le Detroit Metro Times a publié un article intitulé « Vérification des faits : Tlaib n’a pas dit que Nessel avait poursuivi des manifestants pro-palestiniens parce qu’elle est juive ».
L’article, rédigé par le même journaliste qui avait initialement interviewé Tlaib, notait que la députée n’avait pas explicitement fait référence au fait que Nessel était juive et affirmait que « Tlaib faisait référence à des attitudes anti-palestiniennes » lorsqu’elle prétendait qu’il y avait des préjugés dans le bureau de Nessel.
Les défenseurs de Tlaib ont mis en doute l’idée qu’elle commentait l’identité de Nessel.
Le président de l’Anti-Defamation League (ADL), Jonathan Greenblatt, a reproché, sur X, à Tlaib d’accuser « la procureure générale de poursuivre des manifestants simplement parce qu’elle est juive ».
Les défenseurs de Tlaib ont déclaré qu’il s’agissait d’un mensonge.
« C’est juste un mensonge », a écrit sur X Me Dylan Williams, vice-président des affaires gouvernementales au Center for International Policy, un think-tank progressiste, en citant le tweet de Greenblatt.
« Accuser faussement une membre du Congrès qui est souvent la cible du sectarisme d’avoir fait quelque chose qu’elle n’a pas fait n’est pas seulement diffamatoire – cela risque d’inciter à plus de haine et même de violence à son encontre. »
La querelle publique entre les deux responsables survient alors que les principaux Démocrates de l’État cherchent à atténuer le débat sur Israël et Gaza à l’approche d’une élection présidentielle et sénatoriale serrée. Les Démocrates doivent compter sur les importantes populations juives et arabes du Michigan s’ils veulent gagner.
Dimanche, la gouverneure Gretchen Whitmer n’a pas répondu directement lorsque le présentateur de CNN Jake Tapper lui a demandé si la déclaration de Tlaib était antisémite.
« Je ne vais pas m’immiscer dans leur querelle », a-t-elle répondu.
« Je peux juste dire ceci : nous voulons nous assurer que les étudiants sont en sécurité sur nos campus, et nous reconnaissons que chaque personne a le droit de dire ce qu’elle pense d’un problème, le droit de s’exprimer, et je vais utiliser tous les leviers dont je dispose pour m’assurer que ces deux points sont respectés. »
La caricature de Tlaib, qui a également été publiée dans le National Review, a suscité une condamnation plus large, notamment de la part de la représentante Elissa Slotkin, candidate démocrate juive au siège de sénatrice du Michigan. Elle a qualifié la caricature « d’islamophobe et carrément dangereuse » et a demandé son retrait. Un groupe de Juifs démocrates de la Chambre des représentants de tout le pays a condamné la caricature en des termes similaires, la qualifiant « d’affront toxique islamophobe et anti-arabe ».
Cartoon: Tlaib Pager Hamashttps://t.co/wdwWCbCgmj pic.twitter.com/8AF3kA8Llk
— Henry Payne (@HenryEPayne) September 19, 2024
« Bien qu’aucun d’entre nous ne soit toujours d’accord avec la représentante Tlaib – tout comme elle n’est sûrement pas toujours d’accord avec aucun d’entre nous , ce n’est pas une raison pour excuser ça », indiquait la déclaration publiée dimanche.
Cet échange est la toute dernière illustration de la détérioration des relations entre Nessel et Tlaib, qui étaient autrefois des alliées. En 2019, Nessel avait défendu Tlaib lorsque l’administration du président Donald Trump avait convaincu le Premier ministre Benjamin Netanyahu de l’empêcher d’entrer en Israël et en Cisjordanie, où vit la grand-mère de Tlaib.
« En tant que juive et amie de la députée Tlaib, je suis outrée qu’elle continue à faire face à des attaques ignobles simplement pour ce qu’elle est et pour avoir fait son travail », avait déclaré Nessel à l’époque.
« Rashida ne juge pas une personne en fonction de sa religion, de sa race, de son origine nationale, de son orientation sexuelle ou de toute autre caractéristique. »
Mais comme dans tant d’autres relations, le pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël, et le déclenchement de la guerre contre le groupe terroriste palestinien qui s’en est suivi, ont marqué un tournant. En novembre, Tlaib avait été prise à partie pour avoir défendu le slogan « De la rivière à la mer », condamné pour antisémitisme – considéré comme un appel à l’épuration ethnique par bon nombre de personnes, mais que les anti-Israël affirment être un appel à l’égalité.
« Rashida Tlaib, je vous ai soutenue et défendue d’innombrables fois, même lorsque vous avez dit l’indéfendable, parce que je croyais que vous étiez une bonne personne dont le cœur était au bon endroit », avait alors déclaré Nessel.
« Mais ces propos blessent tant de personnes. S’il vous plaît, retirez cette remarque cruelle et haineuse. »
La guerre à Gaza a éclaté lorsque quelque 6 000 Gazaouis dont 3 800 terroristes dirigés par le Hamas ont pris d’assaut le sud d’Israël le 7 octobre, tué plus de 1 200 personnes, principalement des civils, enlevé 251 otages de tous âges, et commis de nombreuses atrocités et en utilisant la violence sexuelle comme arme à grande échelle.
Des manifestations anti-Israël se sont répandues sur les campus universitaires américains au début de l’année, et certains étudiants juifs ont déclaré avoir ressenti une attitude antisémite. De violents affrontements avec la police ont eu lieu dans certains lieux de protestation.