Dans le Michigan, l’électorat arabe circonspect face à Kamala Harris
Les dirigeants communautaires, irrités par le soutien de Biden à Israël, "sont à l'écoute" de la candidate ; "Muslim Women for Harris" dissoute après que les anti-Israël ont été snobés de la DNC
« Nous sommes tout ouïe », mais il faut qu’elle le soit aussi. La candidate démocrate Kamala Harris a la lourde tâche de regagner la confiance des électeurs originaires de pays arabes au Moyen-Orient, déçus par le soutien infaillible de Joe Biden à Israël.
À Dearborn, banlieue de Detroit, dans l’État du Michigan et haut lieu culturel pour la communauté américaine d’origine arabe, cet électorat a joué un rôle majeur pour faire gagner Biden en 2020 dans cet État clé, qui le sera tout autant pour l’élection présidentielle de novembre.
Pour Ossama Siblani, propriétaire du journal The Arab American News qui a quitté le Liban pour le Michigan en 1976, une porte a été ouverte par Harris et sa communauté est « tout ouïe ».
Dimanche dernier, l’Anti-Defamation League (ADL) a condamné Julie Chavez Rodriguez, responsable de la campagne de Harris, pour avoir rencontré Siblani, qui a exprimé son soutien au Hamas et au Hezbollah.
La vice-présidente, qui a remplacé au pied levé Biden, a promis jeudi d’œuvrer pour un cessez-le-feu à Gaza, où Israël mène depuis dix mois une opération visant à anéantir le groupe terroriste palestinien du Hamas et de mettre fin à son règne de seize ans en réponse au pogrom perpétré sur son sol le 7 octobre.
Si elle a réaffirmé son engagement à assurer à Israël la « capacité de se défendre », elle s’est aussi dite favorable à ce que les Palestiniens puissent exercer leur « droit à la dignité, à la sécurité, à la liberté et à l’autodétermination ».
Uncommitted National Movement, mouvement d’extrême-gauche initié dans le Michigan pour s’opposer à la guerre menée contre le Hamas et influencer le parti démocrate sur la question, a toutefois vivement regretté de n’avoir pas été invité à la tribune de la Convention nationale démocrate (DNC) alors que des manifestations anti-Israël se sont tenues quotidiennement en marge de la grand-messe du parti.
Le groupe Muslim Women for Harris a d’ailleurs décidé de mettre fin à sa campagne de soutien pour cette raison.
Influence croissante
Royaume de l’industrie automobile américaine, le Michigan a toujours été une étape importante pour les candidats à la Maison Blanche.
Quitté par une frange de la population locale en raison des difficultés économiques des années 1970, l’État a vu arriver plusieurs vagues d’immigrés libanais, yéménites, irakiens et palestiniens fuyant les troubles dans leur pays.
« Près de 55 % des habitants de notre ville sont originaires de pays arabes », selon le maire de Dearborn, Abdullah Hammoud. « Pour beaucoup d’entre nous, quand on parle de ce qu’il se passe à Gaza, c’est de nos familles et de nos amis dont il s’agit », affirme-t-il à l’AFP.
Quand Siblani lance son journal au milieu des années 1980, le maire de l’époque faisait alors campagne contre « le problème arabe ». Mais avec l’expansion de la communauté dans toutes les sphères de la société y compris les plus hautes, celle-ci a gagné en influence politique.
Plutôt conservatrice à l’origine, elle avait largement soutenu George W. Bush à l’élection présidentielle de l’année 2000. Mais la « guerre contre le terrorisme » menée par ce dernier après les attentats du 11-Septembre l’a fait basculer côté démocrate.
En 2018, le sud-est du Michigan a choisi Rashida Tlaib, première femme d’origine palestinienne élue à la Chambre des représentants. Trois maires originaires de pays arabe ont aussi été récemment élus dans des banlieues connues pour leur passé raciste.
Marre des « miettes »
Mécontente du « muslim ban » de Donald Trump, ensemble d’interdictions ou de restrictions d’entrée aux États-Unis visant principalement des pays à majorité musulmane, mais aussi de son soutien à l’expansion de la présence juive en Judée-Samarie, la communauté arabe de Dearborn a massivement soutenu Biden en 2020.
L’appui sans faille de ce dernier à Israël dans sa guerre contre le Hamas a donc été une douche froide pour beaucoup, « fatigués de voter pour éviter le pire ».
Lors de son meeting à Detroit début août, Harris a été interrompue par des militants anti-Israël criant : « Nous ne voterons pas en faveur d’un génocide ! »
« Si vous voulez que Donald Trump gagne, continuez à dire ça », leur avait-elle répondu.
Harris dispose d’une « fenêtre d’opportunité », affirme de son côté Faye Nemer, militante et directrice de la Chambre de commerce dédiée aux échanges entre le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord et les États-Unis.
« Elle peut reprendre le leg de Joe Biden ou établir son propre programme. »
Les Arabo-Américains de Dearborn ont été impressionnés par le choix de Tim Walz, gouverneur du Minnesota, comme colistier de Harris. Walz a adopté une approche conciliante à l’égard des opposants à la guerre, contrairement au gouverneur de Pennsylvanie, Josh Shapiro, qui a adopté une ligne dure à l’égard des manifestants des universités, bien que les deux hommes aient adopté des approches largement similaires à l’égard de la guerre en cours.
Mais les exigences des électeurs musulmans se durcissent.
« Nous ne voulons plus de miettes », a déclaré Soujoud Hamade, avocat d’affaires et démocrate de longue date, qui a promis de voter pour la candidate du parti vert Jill Stein si Harris ne tenait pas ses promesses.
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