La résilience acquise à cause du terrorisme mise à mal devant l’inconnu du virus
"L'incertitude de la situation et les changements qui se produisent la rendent différente de ce que nous connaissons avec les bombes et les roquettes," affirme Sally Ross-Bihari

Bien qu’Israël soit malheureusement habitué à des menaces permanentes sur la vie de ses citoyens, les professionnels de la santé mentale avertissent que la résilience acquise en temps de terrorisme n’a pas équipé les gens émotionnellement pour la pandémie actuelle de coronavirus.
Sally Ross-Bihari, de l’association israélienne pour la santé mentale Enosh, a déclaré mercredi au Times of Israël que si les gens se sont habitués aux attaques terroristes, ils n’ont aucune idée de ce à quoi ils peuvent s’attendre dans la crise COVID-19.
« Une des situations les plus difficiles est l’incertitude », a déclaré Ross-Bihari, directrice du centre d’excellence professionnelle Enosh.
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« Même à Sderot où des attaques à la roquette ont lieu depuis des années et où les gens ‘maîtrisent’ la situation – ils tirent et nous tirons et il y a un cessez-le-feu. Mais dans ce cas particulier, nous ne savons pas ce qui va se passer, et il y a une grande incertitude. »

Elle développe : « L’incertitude de la situation et les changements qui se produisent la rendent différente de ce que nous connaissons avec les bombes et les roquettes. Savoir que chaque jour il y aura de nouvelles directives est une situation peu familière. »
L’incertitude est d’autant plus grande que « vous voyez que le coronavirus se comporte de différentes manières dans différents pays », a-t-elle déclaré.
À Sderot, les habitants ont déclaré que la nécessité de s’abriter pendant les périodes de tirs de roquettes en provenance de la bande de Gaza dirigée par le Hamas les avait familiarisés avec l’exercice consistant à rester chez soi, mais pas avec l’incertitude actuelle.

Batya Katar, 59 ans, se souvient avec précision du jour où, il y a 12 ans, le domicile de sa défunte mère a été touché par une roquette – elle a organisé des manifestations contre ce qu’elle considère être l’impact intolérable des roquettes. Mais elle trouve que la menace du coronavirus est « beaucoup » plus difficile à gérer et a affirmé qu’il s’agissait d’un
« sérieux défi psychologique » pour les résidents de sa ville.
Dans une interview téléphonique, elle a déclaré : « Quand une roquette vient vers vous, il y a une alerte rouge et vous allez dans l’abri de sécurité, mais vous n’avez pas cela avec le coronavirus. Personne ne sait qui l’a et qui ne l’a pas, ni exactement comment vous avez été infecté. »
« Vous savez qu’une roquette est en route. Et vous avez le Dôme de Fer. Mais avec ça, ça pourrait être à côté de toi sans que tu ne le saches. »

Tal Toren, directeur de la municipalité de Sderot, a fait écho à Katar en affirmant : « Dans les situations d’urgence que nous connaissons, nous n’avons pas ça. »
« C’est complètement autre chose », a-t-il ajouté. « Nous savons comment gérer ce à quoi nous sommes habitués, comme n’importe qui, mais le coronavirus est quelque chose de totalement inconnu. »
À Beer Sheva, également à portée de roquettes de Gaza, Rachel Gang, travailleuse sociale clinicienne, a été approchée par de nouveaux clients – même si elle ne les voit pas en face à face. « Il est très difficile pour les gens de traiter psychologiquement ces événements », a-t-elle déclaré par téléphone, ajoutant que « de nombreux clients étaient prêts pour des roquettes et des guerres, mais que cela était une nouvelle expérience. »

« Si vous comparez les perturbations du quotidien par les roquettes, c’est similaire », a déclaré Gang. « En dehors de cela, se préparer aux tirs de roquettes ne nous prépare pas à ce qui se passe actuellement, car c’est une situation inconnue. »
Elle ajoute que le sentiment d’imprévisibilité n’est pas seulement difficile à absorber, mais empêche également les gens d’utiliser des stratégies d’adaptation normales, comme des tentatives de lutter contre les perturbations de la vie en suivant une routine ou, à des moments exceptionnels, en définissant de nouvelles routines.
« J’encourage les personnes confrontées à des problèmes d’anxiété ou de santé mentale à développer des routines, mais avec les restrictions changeantes actuelles, il est très difficile de se créer une routine », a-t-elle admis.

Ross-Bihari a déclaré qu’en plus de semer l’incertitude, la crise du coronavirus a provoqué une instabilité émotionnelle, incitant le gouvernement à ordonner aux personnes à travers Israël de rester chez elles et à clore de nombreuses structures de soutien, au niveau national, local et dans les familles. « Le soutien communautaire est très important en Israël, mais maintenant nous ne l’avons plus sous une forme familière », a-t-elle déclaré.
Ross-Bihari a suggéré qu’en comparant les réponses face au terrorisme et face au coronavirus, « la similitude est la possibilité de traverser des périodes de stress et de gérer des situations stressantes. Mais même la chose la plus élémentaire – pouvoir obtenir de l’aide, par exemple, des grands-parents, ce que nous faisons lors des attaques de roquettes –, n’est plus possible. De plus, normalement nous comptons sur les voisins et les amis, nous nous réunissons, mais maintenant, on nous dit de garder nos distances. »

Certains professionnels de la santé mentale sont optimistes sur le fait que, surtout à mesure que les gens s’habituent à la menace du coronavirus, les ressources émotionnelles accumulées lors des menaces terroristes aideront les Israéliens à gérer cette crise. Judith Spanglet, une experte en traumatologie qui travaille dans les communautés israéliennes à proximité de la frontière de Gaza, prédit que « ceux qui ont pratiqué un renforcement de leur résilience trouveront cela très utile ».
« Les gens peuvent dire que, si nous pouvons contrôler le Hamas et le Jihad islamique, nous pouvons gérer cela. Et tout comme nous restons dans des abris blindés, nous resterons là dans nos bâtiments », a-t-elle déclaré.
Ross-Bihari a déclaré au Times of Israël que si de nombreux Israéliens trouveront des stratégies d’adaptation, un grand nombre seront confrontés à des problèmes de santé émotionnelle et mentale, et elle s’attend à ce que le pic actuel des appels sur le standard d’Enosh soit seulement « la partie émergée de l’iceberg ».
« Ce n’est que le début », a-t-elle déclaré, « mais dans quelques semaines, il y aura une érosion de la résilience et nous verrons plus de gens tendre la main, d’autant plus qu’ils sont stressés après être restés chez eux avec des enfants, et qu’ils ressentent une tension dans les relations. »
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