Israël en guerre - Jour 473

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Le tunnel d’évasion de Ponar est le témoin de ‘la victoire de l’espoir sur le désespoir’

La science a permis de démontrer une incroyable histoire d’évasion de la Shoah

L’histoire d’un groupe de Juifs lituaniens qui a creusé un tunnel vers la liberté avait été remise en cause. Un documentaire retrace cette histoire extraordinaire

Des Juifs creusent une tranchée dans laquelle ils seront enterrés après avoir été abattus, à Ponary, en Pologne. (Crédit : Yad Vashem)
Des Juifs creusent une tranchée dans laquelle ils seront enterrés après avoir été abattus, à Ponary, en Pologne. (Crédit : Yad Vashem)

LOS ANGELES (JTA) – Une émission d’une heure qui sera diffusée mercredi sur la chaîne américaine PBS met en lumière les techniques scientifiques sophistiquées qui ont permis de vérifier une incroyable histoire d’évasion de l’Holocauste.

« Holocaust Escape Tunnel », une production Nova qui sera diffusée le 19 avril, jette un nouveau regard sur la tentative de 80 prisonniers, hommes et femmes, qui étaient majoritairement des Juifs lituaniens, de s’échapper vers la liberté face aux balles nazies. L’émission documente l’application de méthodes scientifiques pour vérifier ce qui serait sinon restée une histoire presque incroyable.

Le documentaire se déroule dans et autour de Vilna, le nom en yiddish et en hébreu de Vilnius, la capitale lituanienne. A son apogée, avant la Seconde Guerre mondiale et la Shoah, la ville comptait une population juive de quelque 77 000 personnes, 105 synagogues, la plus grande bibliothèque juive au monde et six quotidiens juifs.

La dynamique vie juive de Vila a commencé à décliner en 1940, quand l’Union soviétique a absorbé la Lituanie. Elle a été presque complètement détruite quand les armées allemandes ont attaqué la Russie en 1941, et rapidement conquis la Lituanie.

En un an, les nazis ont abattu, avant les chambres à gaz comme celles d’Auschwitz, la plupart des Juifs du pays et ont jeté leurs corps dans de grandes fosses communes dans la forêt voisine de Ponar, qui avaient initialement été creusées par les Soviétiques pour stocker de l’essence et des munitions. Une seule fosse comptait entre 20 000 et 25 000 corps.

A la fin de l’année 1943, quand l’avancée des armées russes et leurs partisans ont attaqué les lignes de ravitaillement allemandes dans les forêts environnantes, le quartier général d’Hitler à Berlin a décidé de masquer le monumental massacre en ordonnant que tous les corps soient brûlés.

Les Allemands ont ordonné aux Juifs survivants de la région, ainsi qu’à quelques prisonniers de guerre russes, d’abattre dans un premier temps les grands arbres des forêts, d’en faire des planches, de former d’immenses couches de bois où ont été répartis les corps, puis de les enflammer. Méthodiquement, les Allemands ont formé 10 « brigades d’incendie », chacune constituée de 80 prisonniers, majoritairement juifs.

Après une journée de travail, les « brûleurs » étaient placés dans les fosses et leurs pieds enchaînés. L’une de ces unités, composée de 76 hommes et quatre femmes, a décidé qu’il était de son devoir de transmettre la vérité au monde et aux générations futures.

Les prisonniers se sont libérés en brisant leurs chaînes avec une lime introduite en contrebande, et, pendant les 76 jours suivants,  ils ont creusé un tunnel large de 60 centimètres sur 60 et mesurant près de 40 mètres en n’utilisant des cuillères et leurs mains.

Le 15 avril 1944, le dernier jour de Pessah, avait été choisi pour l’évasion. Alors que les premiers prisonniers quittaient le tunnel, les gardes ont ouvert le feu et tué presque tout le groupe. Douze personnes ont réussi à en sortir et à passer la barrière en fil barbelé. Elles ont rejoint un détachement de partisans commandé par le légendaire Abba Kovner.

A la fin de la guerre, tous les évadés survivants étaient toujours vivants et ont pu s’installer ailleurs, principalement dans l’Israël pré-étatique ou aux Etats-Unis.

La tristement célèbre "fosse à brûler" utilisée par les nazis pour brûler les restes de leurs victimes juives afin de masquer les preuves de leurs actes. (Crédit : Ezra Wolfinger pour WGBH/JTA)
La tristement célèbre « fosse à brûler » utilisée par les nazis pour brûler les restes de leurs victimes juives afin de masquer les preuves de leurs actes. (Crédit : Ezra Wolfinger pour WGBH/JTA)

Parmi les milliers, si ce n’est les millions, de souvenirs de l’Holocauste, l’histoire des évadés de Vilna a été remise en doute même par les futurs épouses et enfants des 11 survivants, a dit l’historien Richard Freund, qui apparaît dans le documentaire.

Le scepticisme était alimenté par l’absence de toute preuve physique du tunnel concerné. La Lituanie, déjà mise à mal par les accusations de collaboration avec les Allemands pendant la guerre, n’a montré que peu d’enthousiasme pour une nouvelle enquête.

Ces dernières années, avec le changement d’attitude d’une nouvelle génération de Lituaniens, le gouvernement a été prêt à chercher la vérité sur l’Holocauste et a invité des experts à participer à cette entreprise.

Le premier contact s’est fait avec Jon Seligman, chercheur au sein de l’Autorité israélienne des Antiquités. Freund, de l’université de Hartford, dans le Connecticut, a également été intéressé : il a dirigé des projets archéologiques au camp d’extermination de Sobibor en Pologne, ainsi que sur six sites antiques en Israël.

En 2014, les deux chercheurs ont décidé de coopérer sur le projet, poussé par leur origine commune de Juifs de Vilna. Un troisième membre de l’équipe documentaire a des racines juives en Europe de l’Est, Paula Apsell, productrice de Nova.

Le professeur Richard Freund examine les résultats avec son équipe dans la forêt de Ponar, près de Vilnius, en Lituanie. (Crédit : Ezra Wolfinger, NOVA)
Le professeur Richard Freund examine les résultats avec son équipe dans la forêt de Ponar, près de Vilnius, en Lituanie. (Crédit : Ezra Wolfinger, NOVA)

Seligman et Freud pensaient initialement se pencher sur le destin de la Grande synagogue de Vilna, qui a été le centre de culte et de l’éducation juive de la communauté, et a été détruite par les Allemands. Les Soviétiques ont ensuite rasé ses ruines avant d’y construire une école.

Les deux chercheurs, soutenus par d’autres experts et une équipe de jeunes bénévoles, ont réalisé des découvertes spectaculaires sur le site de la Grande synagogue, mais ont été intrigués par les témoignages sur le tunnel d’évasion.

Pour étudier ce sujet, les dirigeants du projet ont exclu l’utilisation de la méthode traditionnelle de fouille sur un site archéologique, avec des machines et des pelles.

« L’archéologie traditionnelle utilise une méthode très destructrice, a déclaré Freund à JTA. Vous n’avez qu’une chance, et vous ne pouvez pas répéter l’expérience. De plus, dans notre cas, nous ne voulions pas profaner le site et tuer les morts une seconde fois. »

A la place, l’équipe a utilisé deux techniques non intrusives qui sont souvent utilisées pour les recherches de gaz et de pétrole. Une approche a été l’utilisation d’un GPR, pour Ground Penetrating Radar, un radar qui pénètre dans le sol en utilisant les ondes pour renvoyer des images des objets trouvés sous la surface terrestre. Les résultats ont été analysés à Los Angeles par le géophysicien Dean Goodman, qui a développé le logiciel du GPR.

Scanner du tunnel découvert dans la forêt de Ponar, près de Vilnius, en Lituanie. (Crédit : Ezra Wolfinger, NOVA)
Scanner du tunnel découvert dans la forêt de Ponar, près de Vilnius, en Lituanie. (Crédit : Ezra Wolfinger, NOVA)

L’autre approche a été celle de l’ETR, pour Electrical Resistivity Tomography, qui permet aux scientifiques d’étudier les matériaux situés sous une surface en utilisant leurs propriétés électriques. La même technique est très utilisée dans l’imagerie médicale du corps humain.

Grâce à ces techniques, les enquêteurs ont pu en 2016 confirmer scientifiquement l’existence et les dimensions d’un tunnel d’évasion datant de la guerre, comme l’avait alors annoncé JTA. Le New York Times a classé cette découverte sur sa liste des meilleures histoires scientifiques de l’année.

L’un des survivants de cette évasion était Shlomo Gol, dont le fils Abraham (Abe) est né dans le camp de personnes déplacées de Munich, en Allemagne. Shlomo Gol est mort en 1986, à l’âge de 77 ans, et son fils aura 68 ans en juillet. La famille avait initialement immigré en Israël, avant de s’installer aux Etats-Unis.

Abe Gol, qui vit en Floride, a déclaré à JTA que des amis racontaient que son père était plein de vie et un leader naturel quand il était jeune homme. Cependant, le père du jeune Abe savait aussi « se retirer », et n’a pas parlé de ses expériences.

Le peu qu’il a appris du passé de son père est survenu de deux voies différentes : l’une était la réunion annuelle, le dernier jour de Pessah, des évadés qui s’étaient installés en Israël. Pendant le dîner, quand les verres de vodka libéraient les langues, les hommes parlaient de leur passé, sans faire attention au petit garçon qui les écoutait.

Plus récemment, Gol a découvert que son père avait gardé un journal sur son passé, que son fils a traduit en anglais. « L’odeur persistante de la combinaison du kérosène et du goudron que les prisonniers devaient verser sur les bûchers de bois pour attiser les flammes », a-t-il par exemple écrit.

Des chercheurs se préparent à scanner la fosse mortuaire de la forêt de Ponar, près de Vilnius, en Lituanie. (Crédit : Ezra Wolfinger, NOVA)
Des chercheurs se préparent à scanner la fosse mortuaire de la forêt de Ponar, près de Vilnius, en Lituanie. (Crédit : Ezra Wolfinger, NOVA)

Au moment de la découverte du tunnel, Seligman, de l’Autorité israélienne des Antiquités, a écrit que « en tant qu’Israélien dont la famille est originaire de Lituanie, j’ai fondu en larmes à la découverte du tunnel d’évasion de Ponar. Cette découverte est un témoin réconfortant de la victoire de l’espoir sur le désespoir. L’exposition de ce tunnel nous permet de présenter non seulement les horreurs de l’Holocauste, mais aussi le désir de vie. »

Avec la mort des derniers témoins de l’Holocauste, a dit Freud, les historiens devront de plus en plus se fier à des progrès scientifiques et technologiques encore inconnus pour préserver et agrandir notre connaissance sur la plus grande tragédie du 20e siècle.

L’émission sera diffusée le 19 avril sur PBS à 21h00 sur les côtes Est et Pacifique, et 20h00 dans le centre des Etats-Unis.

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