Israël en guerre - Jour 568

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La transfusion de sang total sur le terrain change-t-elle la donne pour les soldats blessés ?

Tsahal est la seule armée au monde à utiliser ce procédé, développé par l'armée américaine, et son utilité pourrait être prouvée dans la lutte contre le Hezbollah

Des soldats blessés dans la bande de Gaza sont transportés à l’hôpital Shaare Zedek à Jérusalem, le 15 mai 2024. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)
Des soldats blessés dans la bande de Gaza sont transportés à l’hôpital Shaare Zedek à Jérusalem, le 15 mai 2024. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)

Pendant la deuxième guerre du Liban, 14,9 % des soldats de Tsahal blessés ont succombé à leurs blessures. En 2014, lors de l’opération « Bordure protectrice », ce pourcentage est tombé à 9,4 %. Dans la guerre actuelle, 7 % environ des soldats blessés au combat sont décédés.

Le corps médical de Tsahal et les secouristes israéliens qui soignent les blessés de guerre dans les hôpitaux israéliens ont invoqué plusieurs explications pour comprendre ce taux de mortalité historiquement bas, c’est-à-dire la proportion de blessés qui survivent par rapport à ceux qui meurent.

L’une de ces raisons est la rapidité des évacuations par hélicoptère qui, en moyenne, permettent aux blessés d’être transportés dans la salle de traumatologie d’un hôpital en à peine plus d’une heure. Vient ensuite la présence sur le champ de bataille d’un grand nombre de personnels médical de haut niveau, notamment des médecins et des secouristes. Chaque compagnie est accompagnée d’un secouriste sur le terrain, qui peut intervenir auprès d’un soldat blessé dans un délai de cinq à sept minutes.

Le dernier facteur est la décision de l’armée de procéder pour la première fois à des transfusions de sang total sur le champ de bataille. Une pratique qui n’est possible qu’en présence d’un personnel médical qualifié sur le terrain.

Le sang total permet de recueillir trois composants essentiels pour fabriquer des produits sanguins pour les receveurs : globules rouges, plaquettes et plasma.

Le colonel Zivan Aviad-Beer, médecin en chef du commandement du Sud de Tsahal, expliquait en décembre au quotidien en hébreu Haaretz que  « seule l’armée israélienne avait recours à cette pratique et qu’elle changeait radicalement la donne ».

« Ce dont un blessé a besoin, ce ne sont pas des fluides, mais du sang. Le sang transporte l’oxygène et fournit des facteurs de coagulation », a-t-il expliqué.

La professeure Eilat Shinar, directrice du Magen David Adom National Blood Services, tenant une poche de sang total au Marcus National Blood Services Center à Ramle, le 7 mai 2024. (Crédit : Renee Ghert-Zand/TOI)

Lorsqu’un soldat est blessé sur le champ de bataille, le plus important est de stopper l’hémorragie le plus rapidement possible, a expliqué au Times of Israel le Dr Yoram Klein, directeur du service de traumatologie de l’hôpital Sheba.

Il existe plusieurs méthodes pour y parvenir, notamment le garrot, la compression et l’emballage d’une plaie externe, comme dans le cas d’un membre amputé ou d’un éclat d’obus dans la cuisse.

Une hémorragie interne ne peut, en revanche, être stoppée que par une intervention chirurgicale. La transfusion de sang total à un soldat blessé sur le terrain peut prolonger la durée de sa survie jusqu’à ce qu’il atteigne un hôpital.

Il est impossible d’attribuer le faible taux de mortalité aux seules transfusions, car les effets bénéfiques des transfusions de sang total sur le champ de bataille n’ont pas encore été prouvés scientifiquement, bien qu’il existe des preuves anecdotiques.

« La théorie et la logique sont là, mais il faudrait, pour répondre scientifiquement à la question de savoir si c’est bénéfique, une étude randomisée comparant les résultats des soldats blessés qui ont reçu du sang total [sur le terrain] à ceux qui n’en ont pas reçu. Une telle étude serait extrêmement difficile à réaliser », a indiqué Klein.

« Il faudrait également isoler l’effet, car la transfusion de sang total est loin d’être la seule intervention réalisée sur le terrain. Il ne fait aucun doute que la plus grande réussite du corps médical de Tsahal réside dans la rapidité des évacuations », a-t-il ajouté.

Dr. Yoram Klein, directeur de l’unité de traumatologie du centre médical Sheba à Ramat Gan. (Crédit : Hôpital Sheba)

« Lors de la guerre à Gaza, nous avons eu la chance que le front soit proche de plusieurs grands centres de traumatologie. Dans le cas d’une guerre à la frontière nord du Liban, ce ne serait pas le cas. Les distances d’évacuation seraient plus grandes », a souligné Klein.

Transfusion de sang total : quand le passé fait peau neuve

À l’origine, toutes les transfusions sanguines se faisaient à partir de sang total. Ce n’est qu’au milieu du XXe siècle que les dons de sang ont commencé à être séparés en composants : globules rouges (culots globulaires), plasma, plaquettes et cryoprécipité. Chacun de ces composants doit être conservé à des températures différentes et a une durée de vie différente.

Selon Klein, ce changement a permis de tirer le meilleur parti des dons de sang, car la plupart des transfusions sont administrées à des patients malades qui ont besoin d’un composant sanguin spécifique plutôt que de tout le sang.

La Professeure Eilat Shinar, directrice du Magen David Adom (MDA) National Blood Services (« Service national du sang »), a confié au Times of Israel que seuls 10 % du sang collecté et traité par le service sont destinés à Tsahal. Klein a précisé que même en temps de guerre, la plupart des réserves de sang de Sheba sont utilisées pour des patients autres que les soldats blessés.

La professeure Eilat Shinar, directrice du service national du sang d’Israël. (Crédit : Magen David Adom)

Historiquement, le MDA fournissait à l’unité 669 de Tsahal, spécialisée dans les missions de sauvetage aérien, des concentrés de globules rouges destinés à être utilisés en cas de besoin. Ces mêmes concentrés sont également transportés par les unités d’élite de Tsahal.

L’idée de donner du sang total est apparue au début des années 2000, lorsque les forces américaines en Irak et en Afghanistan ont dû soigner des troupes blessées dans des zones reculées, loin des bases militaires et des hôpitaux de campagne. En cas de besoin, elles prélevaient une unité de sang total sur un soldat sur le terrain et la donnaient à un autre soldat blessé.

« Cela a fonctionné. Pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas ? [Le soldat blessé] perd tout et récupère tout », explique Shinar.

En Norvège, comme l’explique Shinar, les équipages d’hélicoptères de sauvetage civils desservant des zones reculées où les délais d’évacuation sont longs ont adopté le recours au sang total. L’armée américaine l’utilise également, mais pas sur le champ de bataille.

« Tsahal est la seule à l’utiliser sur la ligne de front », a-t-elle souligné.

Selon Shinar, l’utilisation du sang total, que ce soit sur le terrain, dans les hélicoptères de sauvetage ou dans les ambulances, facilite grandement la tâche des équipes médicales. Au lieu d’avoir à manipuler plusieurs poches et lignes de sérum physiologique, de globules rouges et de plasma lyophilisé dans un espace confiné, il n’y a qu’une seule poche à manipuler.

Garantir la sûreté du sang total pour tous les receveurs

Comme tous les dons de sang, les unités de sang total préparées par le MDA pour Tsahal et d’autres sont soumises à des tests de groupe sanguin et de dépistage des maladies transmissibles par le sang. Elles ne sont pas pour autant soumises au processus de séparation des composants et sont toutes de groupe sanguin O positif. Le sang O négatif est considéré comme le type de sang universel, mais le sang O positif est donné en cas d’urgence en Israël, car 85 % des Israéliens sont Rh positif, ce qui signifie qu’ils sont compatibles avec d’autres groupes sanguins positifs.

« Une transfusion de sang O positif à une personne de Rhésus négatif ne pose pas de problème. S’il y a un problème, il peut être réglé à l’hôpital », a expliqué Shinar.

Le centre national de transfusion sanguine Marcus, où sont traités tous les dons de sang en Israël. (Crédit : Sion Ninyo/Eastside Studios)

Le MDA envoie les unités de sang total à l’armée dans de petites glacières portables. Le sang total peut théoriquement être stocké pendant 35 jours, mais le MDA demande à l’armée de lui renvoyer le sang non utilisé dans les 21 jours et lui envoie de nouvelles unités pour en garantir la qualité.

Shinar a expliqué que dès qu’un patient blessé arrive dans la salle de traumatologie, des tests sont effectués pour déterminer le composant sanguin dont il aura besoin à partir de ce moment-là. Klein a toutefois souligné que le sang total est souvent utilisé en salle de traumatologie, pour des raisons de simplicité et d’efficacité.

Un soldat arrive à l’hôpital Sheba pour y être pris en charge après avoir été évacué en hélicoptère du champ de bataille pendant la guerre Israël-Hamas au mois d’octobre 223. (Autorisation : Hôpital Sheba)

« Je suis heureux de constater l’utilisation fréquente de sang total dans cette guerre. Je ne suis pas sûr que cela ait fait une énorme différence au niveau du résultat final pour les soldats blessés, mais le personnel médical de Tsahal a appris à l’utiliser. Cela pourrait s’avérer crucial pour la suite des événements », a indiqué Klein.

« Sur le front libanais, les évacuations ne seront pas aussi rapides et la situation pourrait être complètement différente. Les transfusions de sang total pourraient alors faire la différence entre la vie et la mort », a-t-il ajouté.

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