L’accord entre le témoin de l’État et l’ex-conseiller de Netanyahu pourrait être annulé
Après s'être contredit dans ses témoignages à la police et au tribunal, l'ex-directeur du ministère des Communications, Shlomo Filber, pourrait faire l'objet de poursuites pénales
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Le parquet a annoncé lundi que l’accord conclu entre l’État et Shlomo Filber, témoin clé dans le procès pour corruption du Premier ministre Benjamin Netanyahu et de l’ancien directeur du ministère des Communications, serait sans doute annulé.
Dans une brève déclaration à la presse, le bureau du procureur de l’État a déclaré que Filber avait été informé de la décision, prise conformément à la position de la procureure générale Gali Baharav-Miara, « après qu’on leur ait montré des preuves indiquant qu’il avait violé les termes de l’accord de témoin de l’État ».
Filber va maintenant avoir une audience avec les services du procureur de l’État afin de se défendre, avant la décision finale.
Si ses demandes sont rejetées, il pourrait être lui-même poursuivi pour corruption pour son rôle dans l’affaire Bezeq-Walla, dans laquelle Netanyahu est accusé de corruption et d’abus de confiance. Selon l’accusation, il aurait aidé le géant des télécommunications Bezeq à obtenir des avantages, avec l’aide de Filber, en échange d’une couverture médiatique favorable de la part du site d’information Walla dont le propriétaire, Shaul Elovitch, était également un actionnaire majoritaire de Bezeq.
La perspective de l’annulation de l’accord de témoin d’État conclu avec Filber fait suite à ses multiples contradictions, il y a de cela deux ans, lors de son témoignage devant le tribunal de district de Jérusalem dans le cadre du procès Netanyahu.
Filber a immédiatement réagi à l’annonce sur X, en disant : « Je suis prêt. »
Lors de l’enquête sur l’affaire Bezeq-Walla, connue sous le nom d’affaire 4000, Filber est devenu témoin de l’État et a livré un témoignage dans lequel il s’incriminait lui-même ainsi que Netanyahu.
Il a commencé par dire aux procureurs que Netanyahu l’avait encouragé à ralentir le rythme des baisses progressives des sommes que les concurrents de Bezeq devaient verser pour utiliser son réseau de télécommunications, ce qui était clairement à l’avantage de Bezeq.
Il a soutenu cette affirmation à la barre en mars 2022. « ‘N’éliminez pas la concurrence, mais voyez si vous pouvez atténuer le rythme des prix’, en faisant un mouvement de la main », a déclaré Filber au tribunal de district de Jérusalem, en parlant de Netanyahu.
Mais lors d’un contre-interrogatoire ultérieur, il a dit avoir interprété les propos de Netanyahu comme signifiant qu’il devait agir comme il l’entendait et s’assurer qu’il y avait une concurrence sur le marché des télécommunications.
Filber s’est ensuite de nouveau ravisé et a déclaré à la cour que sa première version des faits, donnée à la police et lors de son témoignage initial devant le tribunal, était exacte.
Les souvenirs changeants de Filber – dont le témoignage était supposé être le pilier des accusations portées contre Netanyahu dans le cadre de l’affaire 4000 – ont déçu l’accusation et nui à sa crédibilité en tant que témoin.
Un enquêteur a été nommé en juin 2023 pour déterminer si Filber avait enfreint les termes de l’accord de témoin de l’État, et c’est son action qui a donné lieu à la décision de lundi.
Il est malgré tout possible que les procureurs demandent que son premier témoignage ait prééminence sur celui qu’il a donné au tribunal.
Filber reproche aux interrogateurs de la police d’avoir tenté de le manipuler au moment de l’enquête.
En 2014, Israël s’est lancé dans l’ouverture à la concurrence du marché de la téléphonie fixe et d’internet, alors dominé par Bezeq. Selon le projet de réforme décrit dans l’acte d’accusation, avant mars 2017, Bezeq devait louer ses infrastructures à des concurrents du secteur des télécommunications tels que Partner Communications Co. et Cellcom afin qu’ils puissent eux aussi offrir des services de téléphonie fixe et d’Internet. Sous la supervision de Filber, Bezeq a manqué à ses obligations.
Prétendument à la demande de Netanyahu, Filber aurait commencé à entraver la mise en œuvre de la réforme. Bezeq n’était alors plus menacé d’amendes pour non-respect du calendrier de la réforme.
Et, poursuit l’acte d’accusation, Filber n’a pas non plus autorisé les ordonnances administratives nécessaires pour aller de l’avant, à commencer par l’établissement des procédures par lesquelles les différents opérateurs de télécommunications devaient interagir pour se partager les infrastructures.
Par conséquent, le déploiement de câbles à fibre optique à haut débit qui aurait permis à des millions d’Israéliens de bénéficier d’une infrastructure Internet moins chère et plus rapide, et d’assurer la capacité du pays à maintenir un avantage concurrentiel mondial, a été considérablement ralenti.
Le procès de Netanyahu dans l’affaire 4000 et deux autres affaires de corruption est en cours ; l’intéressé nie tout agissement coupable.