L’agresseur sexuel récidiviste, Eliezer Berland, arrêté à Jérusalem
La police enquête sur plus de 200 plaintes d'abus systématiques commis sur des personnes gravement malades ; l'arrestation a entraîné des affrontements avec les fidèles

La police a arrêté dimanche matin le rabbin Eliezer Berland, condamné dans le passé pour agressions sexuelles, dans le cadre d’une enquête portant sur des fonds extorqués à des fidèles gravement malades contre des promesses de guérison.
Berland, 82 ans, a été appréhendé dans le quartier de Mea Shearim, à Jérusalem, aux côtés de son épouse et de plusieurs autres membres éminents de sa secte ultra-orthodoxe Shuvu Bonim, aux environs de cinq heures du matin. Cette arrestation a donné lieu à des affrontements entre les fidèles du rabbin et la police.
L’enquête pour escroquerie consacrée à Berland avait été ouverte après qu’il eut été révélé que le rabbin aurait dit à une femme malade du cancer de ne pas accepter de traitement médical. Il lui avait demandé de lui donner de l’argent à la place de manière à ce qu’elle reste en vie. Après son décès, sa mère avait porté plainte auprès de la police, accusant le rabbin d’homicide involontaire.
Depuis, plus de 200 plaintes ont été déposées contre Berland qui aurait vendu des prières et des « médicaments magiques » à des membres de sa communauté malades ou handicapés, notamment en promettant à des familles de personnes paralysées que l’être cher serait bientôt en mesure de marcher et aux familles de détenus condamnés que ces derniers seraient libérés de prison.
La police n’a nommé ni Berland, ni les autres individus appréhendés mais elle a confirmé dans un communiqué que les agents avaient procédé à l’arrestation de six suspects accusés d’avoir mis en place un réseau « ayant profité cyniquement et de façon terrible de centaines de citoyens et de leurs familles, qui faisaient face aux moments les plus difficiles de leurs existences, en demandant des dizaines de milliers de shekels en échange de prières et de promesses de guérison ».

Les suspects détenaient une liste de prix détaillée pour les prières de guérison, avec des prix croissants au fur et à mesure que la maladie gagnait en gravité, selon les responsables.
Dans une plainte, une famille raconte avoir versé des dizaines de milliers de shekels à Berland à de multiples reprises pour des bénédictions et des amulettes qui devaient sauver un être cher gravement malade. Lorsque la personne était morte des suites de la maladie, les aides de Berland avaient réclamé un autre paiement – pour s’assurer que le défunt serait au premier rang lors de la résurrection messianique.
Lors du raid de dimanche, des dizaines de boîtes de poudres et des pilules ont été retrouvées au domicile de Berland. Elles étaient délivrées aux malades comme étant des « médicaments magiques ». Des tests initiaux réalisés en laboratoire ont révélé qu’ils étaient constitués de médicaments anti-douleur en vente libre et de bonbons, ont fait savoir les officiels dimanche.
Une source policière qui n’a pas été identifiée a déclaré devant les caméras de la Douzième chaîne que Berland contrôlait un système organisé et hiérarchique d’exploitation et d’abus présumés, avec une chaîne de commandement qui était clairement établie.
Le communiqué diffusé dimanche annonce que le principal suspect serait octogénaire et que le groupe est soupçonné actuellement d’exploitation, d’escroquerie et de délits fiscaux.

Des images de l’arrestation montrent les partisans de Berland jeter des pierres et d’autres objets sur les policiers pour tenter de s’interposer, faisant deux blessés.
La police anti-émeute a entouré le véhicule dans lequel les agents avaient fait monter le rabbin, et une vidéo montre les forces de l’ordre repousser les fidèles qui tentent d’atteindre la voiture ou ceux qui se sont couchés sur sa trajectoire.
Selon des photos réalisées par le site d’information Kikar Hashabbat, les policiers auraient également riposté à l’aide de grenades incapacitantes.
מעצר הרב ברלנד: תיעוד מהמהומות מחוץ לישיבה@VeredPelman (צילום: מחאות החרדים) pic.twitter.com/ynvF24GZsC
— כאן חדשות (@kann_news) February 9, 2020
Berland fait l’objet d’un véritable culte parmi les milliers de membres de son groupe – une branche de la secte hassidique de Breslev. Il avait fui Israël en 2013, accusé d’agressions sexuelles à l’encontre de plusieurs femmes parmi ses disciples.
Après avoir échappé aux forces de l’ordre pendant trois ans et parcouru différents pays, Berland avait été condamné, au mois de novembre 2016, à 18 mois de prison pour deux chefs d’inculpation d’attentat à la pudeur et pour un chef d’inculpation d’agression sexuelle dans le cadre d’un arrangement judiciaire qui comprenait alors sept mois de prison ferme.
Il avait été libéré pour raison de santé cinq mois plus tard.
Il a depuis repris ses activités en tant que chef spirituel de la communauté Shuvu Bonim.
Après sa libération de prison, il avait reçu la visite du vice-ministre de la Santé Yaakov Litzman.
Au début de l’année, un enregistrement a refait surface dans lequel Litzman, leader du parti Agudat Yisrael, accompagné d’un autre membre de sa formation, Meir Porush, permettant d’entendre les hommes discuter de ce qui serait la conclusion d’un accord politique avec un conseiller de Berland avant les élections municipales de l’automne dernier à Jérusalem.

Cela fait longtemps que Berland est connu pour avoir pris des “pidyonim” — des contributions en échange de bénédictions. Dans des visites effectuées tard dans la nuit et entouré de douzaines de fidèles, Berland apparaissait fréquemment dans les hôpitaux israéliens de tout le pays, sans surveillance du personnel, pour donner sa bénédiction aux malades, selon des images téléchargées par ses disciples.
Les activistes qui s’étaient entretenus dans le passé avec le Times of Israel avaient cité plusieurs cas de disciples qui, avaient-il affirmé, avaient vendu leurs habitations ou s’étaient lourdement endettés pour bénéficier de ces bénédictions. Ce qui, selon eux, s’était apparenté à des actes d’extorsion de la part d’un leader doté d’une redoutable influence sur ses fidèles.
Les dons – fournis par des adultes ostensiblement consentants à un service religieux – ne sont pas illégaux, sous les termes de la loi israélienne.
Un reportage de l’émission « HaMakor », sur la Treizième chaîne, avait détaillé la manière dont Berland avait demandé à la fille de Nurit Ben Moshe de ne pas se soigner pour son cancer et de lui verser plutôt des milliers de shekels pour qu’il prie pour sa guérison.

Parmi les instructions qu’il lui avait donné, un régime simple composé notamment de soupes faites à partir de légumes de couleur orange – ce qui, selon le reportage, avait eu un impact très négatif sur son état de santé.
Après des efforts intenses de Ben Moshe, Berland avait finalement donné son feu vert à un traitement médical pour sa fille. Hélas, le cancer était à ce moment-là à un stade bien trop avancé pour qu’elle puisse être sauvée.
Le reportage d’investigation avait compris de nombreuses vidéos en caméra cachée, notamment des images de Ben Moshe donnant à Berland des milliers de shekels pour qu’il prie pour sa fille.

Au mois de janvier 2019, la Douzième chaîne avait fait savoir que Berland avait dit à ses disciples qu’il pouvait ressusciter des individus en état officiel de mort cérébrale si les membres de leurs familles lui versaient 20 000 shekels.
Le même mois, un enregistrement de Berland avait donné un aperçu de ses attitudes envers les donateurs. Dans cet enregistrement, accompagné par des rires moqueurs, le rabbin racontait comment il avait demandé à une femme anglophone de lui verser un montant de 18 000 dollars. Elle avait entendu 80 000 dollars et elle s’était exécutée, puis il avait demandé encore davantage de fonds.
Au mois de mars 2019, il était apparu que l’épouse, le fils et le petit-fils de Berland étaient poursuivis en justice pour avoir détourné des dons caritatifs à des fins personnelles.
Une avocate de Berland, Sharon Nahari, a protesté dimanche contre son arrestation, disant que le rabbin ne risquait pas de prendre la fuite.
« Les accusations lancées à l’encontre du rabbin Berland et de son épouse ont d’ores et déjà été publiées dans les médias, vidéo et presse écrite. Le rabbin n’a pas fui et il n’a pas fait d’obstruction à l’enquête même si lui et son épouse avaient connaissance du déroulement de cette dernière », a-t-elle affirmé dans une déclaration à la presse.
« L’arrestation de ce matin est inappropriée. Ils doivent être libérés. Le rabbin est âgé de 82 ans et il doit prendre ses médicaments. Son épouse a 83 ans. Il n’y a aucune raison de ne pas les assigner à domicile pendant le temps que continuera l’enquête », a estimé Nahari.
Marissa Newman a contribué à cet article.