L’Allemagne enquête sur un artiste et sa réplique d’un mémorial de la Shoah
Phillip Ruch prétend qu'il pourrait être persécuté politiquement après avoir découvert que les autorités ont mené une enquête secrète contre lui
Un artiste allemand fait l’objet d’une enquête depuis 16 mois pour avoir construit une réplique du célèbre mémorial de la Shoah de Berlin à côté de la maison du plus célèbre leader d’extrême droite du pays – après que ce dernier a qualifié cette installation de « monument de la honte ».
Le monument a été créé par l’artiste politique Phillip Ruch, qui a secrètement loué la propriété voisine et l’a construite pendant plusieurs mois.
Björn Höcke, l’un des principaux membres du parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) – le troisième plus grand parti au Parlement allemand – a prononcé un discours en janvier 2017 dans lequel il a affirmé que l’Allemagne était le seul pays à construire un « monument de la honte » au cœur de sa capitale.
Il a tenté en vain de faire enlever la réplique après son érection en novembre 2017, en poursuivant et même en intentant des poursuites pénales contre Ruch.
Ruch vient de confirmer au New York Times et au Art Newspaper que son groupe Zentrum für Politische Schönheit (Centre pour la beauté politique) a fait l’objet d’une enquête secrète pour déterminer s’il s’agit d’une organisation criminelle, selon une disposition légale appelée paragraphe 129, communément utilisée contre des extrémistes.
La révélation a mis en lumière des allégations de motivations politiques à l’origine de l’enquête.
« Nous devons poser la question : Y a-t-il une intention politique qui se superpose à l’intention judiciaire ? » a déclaré au Times Steffen Dittes, un législateur du parti Die Linke [La Gauche].
L’enquête a été découverte lorsque Dittes a demandé une liste de toutes les personnes faisant l’objet d’une enquête en vertu du paragraphe 129. La liste comprenait des groupes terroristes tels que l’État islamique, des négationnistes de la Shoah et des extrémistes, ainsi qu’un « groupe d’artistes d’action » sans nom – dont Ruch a confirmé plus tard qu’il s’agissait de son groupe.
Ruch a dit au Times qu’il n’avait pas reçu de détails sur l’enquête.
Martin Zschachner, porte-parole de l’accusation dans le Land allemand de Thuringe, a déclaré aux médias que l’enquête avait été ouverte parce que le groupe avait menacé d’utiliser du matériel de surveillance pour espionner le domicile de Höcke.
Ruch a dit que son groupe a seulement fait semblant de surveiller la maison en tant que message artistique supplémentaire contre les vues de Höcke. Il a dit qu’il avait l’intention d’intenter une action en justice contre les autorités, selon le Times.
« Ils pourraient me surveiller, mettre mon téléphone sur écoute, me suivre partout parce qu’ils n’aiment pas mon art et mes opinions politiques », a-t-il dit.