L’ambassadeur de France au Liban appelle au dialogue avec le Hezbollah
Evoquant Israël, le diplomate a argumenté que "nous avons conservé un discours, non pas hostile, mais critique face à Israël. [...] Nous sommes attachés au droit international"
Le 28 mars dernier, l’Institut des sciences politiques de l’université Saint-Joseph de Beyrouth organisait une conférence sur le thème « La politique arabe de la France ». Lors de l’évènement, Bruno Foucher, actuel ambassadeur de France au Liban, a appelé au dialogue avec l’organisation terroriste chiite libanaise du Hezbollah.
« Je ne comprends pas comment nos alliés nous demandent qu’on ne parle pas à une partie de la population libanaise, à savoir le Hezbollah. Ne pas parler à 30 % de la population libanaise, c’est se priver de la capacité de faire passer des messages », a-t-il déclaré, dans des propos rapportés par le site Internet de l’université Saint-Joseph de Beyrouth.
« Je pense que ceux qui refusent de parler avec ce parti [le Hezbollah] font fausse route, et se privent de parler avec des Libanais qui sont représentés au Parlement », a ajouté l’ambassadeur, condamnant également « l’obsession anti-iranienne de la part du président Donald Trump. Pour notre part, nous continuons de parler avec les Iraniens », a-t-il expliqué. « Pour le Quai d’Orsay, le monde arabe englobe l’Iran. »
Financé et armé par Téhéran, le Hezbollah est à la tête de trois ministères dans le nouveau gouvernement libanais. Il est considéré par Washington et Londres comme une organisation « terroriste » dans son ensemble, tandis que d’autres pays, comme l’Union européenne dont la France fait partie, considèrent uniquement sa branche armée comme terroriste, et non sa branche politique.
Lors d’une conférence de presse en février dernier en compagnie du président irakien, Emmanuel Macron avait argumenté que « nous avons constamment distingué deux réalités du Hezbollah : d’une part, la branche militaire, que nous qualifions de terroriste, et d’autre part, le mouvement politique qui est représenté au Parlement, peut faire l’objet de contacts et avec qui nous pouvons échanger. Et nous continuerons à avoir ce distinguo, parce que c’est ce distinguo qui permet, d’une part, de lutter contre ceux qui ont une action justement militaire de type terroriste, et ce qui permet aussi de poursuivre cette politique dite de désassociation du Liban, c’est à dire d’éviter que le Liban ne soit, en quelque sorte, le théâtre importé de tous les conflits régionaux. Et donc il n’appartient pas à la France, comme à d’autres puissances extérieures, de savoir quelles forces politiques représentées au Liban seraient bonnes ou non. C’est au peuple libanais de le faire. »
La distinction entre les branches politique et armée est « artificielle, les deux étant contrôlées et soutenues par l’Iran », avait lui averti l’ambassadeur d’Israël aux Nations unies, Danny Danon. Cette distinction permet au Hezbollah « de lever des fonds sur le sol européen ».
Evoquant Israël, Bruno Foucher a, lors de la conférence, argumenté que « nous avons conservé un discours, non pas hostile, mais critique face à Israël, nous ne nous alignons pas aux positions des dirigeants israéliens de gauche ou de droite. Nous leur disons que la colonisation est illégale. Nous sommes attachés au droit international et nous refusons l’annonce faite par les Etats-Unis, stipulant que Jérusalem est la capitale d’Israël. »
Ce 8 avril, lors du déjeuner de gala annuel de l’Amicale des anciens combattants, organisé par la Société des membres de la Légion d’honneur au Liban, Bruno Foucher a rappelé que la France avait ouvert un crédit de 400 millions d’euros au profit de la sécurité au Liban, selon le journal L’Orient-Le Jour. Paris œuvre « d’arrache-pied à la concrétisation des annonces faites à Rome en mars 2018 et mène des discussions très poussées avec les responsables libanais et l’état-major de l’armée pour doter celle-ci des capacités aéronavales qui lui permettront de relever pleinement les défis sécuritaires et de se doter d’une capacité d’action de l’État en mer », a-t-il affirmé.
Il a également rappelé qu’en 2018, la France « a augmenté sa coopération de 15 % – la plus importante de tous les pays méditerranéens – avec notamment 45 millions d’euros de dons d’équipements ».
Avant d’être nommé au Liban en 2017, Bruno Foucher avait exercé les fonctions d’ambassadeur au Tchad (2006-2011) et en Iran (2011-2016). Il a également été président de l’Institut français.