Israël en guerre - Jour 472

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Interview

Lapid veut une séparation des Palestiniens et une normalisation avec le monde arabe

Se considérant lui-même comme un possible ministre des Affaires étrangères, le chef de Yesh Atid s’inquiète de l’aide militaire américaine, critique le représentant de l’UE pour la remarque sur la Shoah et déclare que les Palestiniens "devraient accepter" la puissance de feu de l’armée israélienne

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le ministre des Finances israélien Yair Lapid (Crédit : Flash 90)
Le ministre des Finances israélien Yair Lapid (Crédit : Flash 90)

La position d’Israël dans le monde se trouve au plus bas point dans l’histoire du pays, a déclaré le député Yair Lapid, contredisant fortement les déclarations du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui avait expliqué cette semaine que la communauté internationale veut renforcer la coopération avec Israël.

« Cela n’a jamais été pire. Depuis 1948, notre statut international n’a jamais été aussi mauvais que maintenant, a déclaré Lapid, 52 ans. C’est une honte. C’est une honte parce qu’en abordant les choses différemment, nous pourrions améliorer notre image et notre stature internationale, pas en un instant, mais à l’aide d’un ou deux ans de dur travail ».

Dans un long entretien avec le Times of Israel mercredi, quelques heures avant de décoller pour Washington afin de participer au Forum Saban du weekend, un rassemblement annuel de politiciens américains et israéliens et de leaders d’opinions, le chef du parti du centre de Yesh Atid a déclaré qu’il ne voulait pas directement attaquer le Premier ministre à travers un journal en anglais.

Pourtant, il a critiqué le « manque complet de stratégie » de Netanyahu concernant la question palestinienne et a fustigé, de manière générale, la démarche du gouvernement en terme de politique étrangère et de diplomatie publique.

Au cours d’une conversation d’une heure dans son bureau de la Knesset, Lapid a également expliqué pourquoi il rejetait l’exigence de Netanyahu que Ramallah reconnaisse Israël comme un Etat juif, affirmant qu’il suffit que les Palestiniens n’oublient pas la puissance de feu de l’armée israélienne.

Descendant de victimes de l’Holocauste (son grand-père a été tué à Mauthausen), Lapid a de nouveau dénoncé des comparaisons de l’étiquetage des produits d’implantations de l’Union européenne avec l’Holocauste, comme cela a été fait par Netanyahu et d’autres officiels du gouvernement.

Dans le même temps, il a critiqué l’ambassadeur de l’UE en Israël d’avoir rejeté une telle comparaison, affirmant que seuls les Juifs avaient le droit de déterminer ce qui devrait être comparé à l’Holocauste ou pas.

« Nous perdons la sympathie du monde pour notre cause »

Au cours des mois récents, Lapid a travaillé dur pour se placer en tant que ministre des Affaires étrangères de l’ombre. Il a, par exemple, envoyé des lettres de protestation aux conseils parlementaires des Affaires étrangères de tous les 28 États membres de l’UE sur l’étiquetage des produits d’implantations et a rencontré des ministres des Affaires étrangères de plusieurs pays occidentaux importants. Ces rencontres ne lui ont pas donné un sentiment optimiste quant à la position internationale d’Israël.

« Je suis préoccupé du fait que nous perdons la sympathie du monde pour notre cause, même si je pense que c’est pour une cause juste », a-t-il déclaré.

La seule bonne chose que l’on puisse dire au sujet de la situation, a-t-il ajouté en plaisantant à moitié, est que personne ne se préoccupe plus d’Israël.

« Nous sommes sauvés par l’ennui général ». C’est lié à la situation au point mort dans le processus de paix, au fait qu’Israël ne fait pas d’efforts pour changer le statu quo, et avec le monde qui perçoit Israël comme un État problématique, a-t-il continué.

Avec sa vision sombre des relations d’Israël avec le monde, Lapid se trouve en contradiction directe avec Netanyahu qui a affirmé cette semaine à plusieurs reprises que beaucoup, si ce n’est la plupart, des pays voulaient être amis avec Israël.

« Quiconque a parlé de l’effondrement de nos relations avec les Etats-Unis, avec le monde en général et avec le monde arabe en particulier, se trompe », a déclaré le Premier ministre lors de la rencontre hebdomadaire du cabinet dimanche.

Il faisait référence à ses rencontres passées et futures avec des dirigeants du monde et au fait qu’Israël venait juste d’annoncer l’ouverture d’un bureau diplomatique à Abu Dhabi (même si cela sert uniquement à représenter Israël dans une agence internationale pour l’énergie renouvelable et ne constitue pas une amélioration des liens avec les Emirats Arabes Unis).

La position d’Israël est très forte, a déclaré Netanyahu lundi lors de la conférence globale sur le climat à Paris ; en marge du sommet il s’est entretenu avec des dirigeants du monde.

Il a eu des rencontres avec les dirigeants de France, de Russie, du Japon, de l’Australie, de l’Inde, de la Pologne, du Canada et des Pays-Bas. En outre, il a rencontré et a échangé quelques mots avec Barack Obama, Angela Merkel, Abdel-Fattah el-Sissi, le prince Charles et d’autres personnalités de haut rang.

« Les gens recherchent une relation proche avec nous. Ils comprennent qu’Israël est une force régionale majeure, comme une puissance mondiale dans le domaine de la technologie et de l’informatique », a fièrement déclaré Netanyahu.

Lapid, qui a été viré sans détours de son poste de ministre des Finances par Netanyahu en décembre dernier, entraînant des élections anticipées, n’est pas convaincu.

« Ne nous laissons pas tromper des rassemblements internationaux comme celui-là. Voilà ce qu’ils font : ils marchent dans les couloirs, se rencontrent et parlent entre eux, a-t-il déclaré. Ils vous parlent de choses qui sont agréables, au lieu de vous parler des sujets qui fâchent. Des paroles gentilles ne me dérangeraient pas ».

En définitive, c’est inquiétant que les dirigeants du monde ne veulent pas parler avec Netanyahu sur les « problèmes fondamentaux » d’Israël, a affirmé Lapid.

« Comment se fait-il que personne ne veuille parler au Premier ministre du processus de paix et du fait que nous ayons Daech à nos frontières nord et sud ? Ce n’est pas très encourageant pour moi que notre Premier ministre aille à des telles rencontres et que personne ne veuille parler avec lui de ces questions majeures ».

« Comment se fait-il que personne ne veuille parler au Premier ministre du processus de paix et du fait que nous ayons Daech à nos frontières nord et sud ? Ce n’est pas très encourageant pour moi que notre Premier ministre aille à des telles rencontres et que personne ne veuille parler avec lui de ces questions majeures. »

Yair Lapid

Selon son expérience, a ajouté Lapid, les dignitaires étrangers sont tous intéressés par une chose : que faites-vous pour la question palestinienne ? Il y a environ 3,5 millions de Palestiniens qui ne vont pas aller ailleurs, et le temps ne joue pas en faveur d’Israël, affirment-ils, certains avec des préoccupations amicales, d’autres avec une hostilité claire, a-t-il déclaré.

En réalité, il y a une grande raison de se préoccuper, selon Lapid.

Jérusalem a été mise a l’écart des efforts de la communauté internationale de contrecarrer l’avancée de l’Iran vers une arme nucléaire ; Israël perd son combat contre le mouvement BDS (Boycott Cession et Sanctions) ; les liens avec les Américains sont en lambeaux, une résolution anti-Israël au Conseil de Sécurité des Nations unies n’est qu’une question de mois, s’est-il plaint.

Netanyahu a eu beau qualifier sa rencontre du 9 novembre avec le président Obama comme extrêment positive, mais « nous n’avons rien obtenu de ce que nous demandions, a déclaré Lapid. Nous n’avons pas obtenu 2 milliards supplémentaires que Netanyahu voulait pour notre sécurité. Nous n’avons pas reçu le pack de compensations que tout le monde attendait. Et bien sûr, nous n’avons pas eu le pack de compensations que nous aurions pu avoir il y a six mois ».

Le président américain Barack Obama (à gauche)  avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu après leur réunion à la Maison Blanche à Washington, DC, le 20 mai 2011 (Crédit : Avi Ohayon / Gouvernement Bureau de presse / Flash90)
Le président américain Barack Obama (à gauche) avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu après leur réunion à la Maison Blanche à Washington, DC, le 20 mai 2011 (Crédit : Avi Ohayon / Gouvernement Bureau de presse / Flash90)

Même si les négociations sur le nouvellement du Mémorandum de Compréhension Etats-Unis Israël, qui régule l’assistance militaire américaine pour Israël, viennent juste de commencer, Lapid est convaincu qu’Israël ne recevra pas l’augmentation de l’aide qu’il espère.

« S’il y avait quelque chose d’important à donner, alors le président [aurait déjà annoncé qu’il] le donne. C’est comme cela que ça fonctionne. Si vous avez quelque chose d’important à donner à un autre pays, vous gardez cela pour la rencontre avec le [Premier ministre]. Vous ne laissez pas des subalternes le donner ensuite », a-t-il déclaré.

Le soutien pour Israël ne constitue plus un consensus total au Congrès, a insisté Lapid, alors que de nombreux démocrates sont en colère à cause du discours du Congrès de Netanyahu dans lequel il a attaqué les politiques iraniennes d’Obama.

Quelle est la solution de Lapid pour les difficultés d’israël en politique internationale ? Premièrement, il croit au développment de la ‘hasbara’ (communication), les efforts diplomatiques du pays, qui doivent être concentrés au niveau ministère des Affaires étrangères.

« Vous n’avez pas le luxe de choisir vos batailles quand vous êtes un pays comme Israël. Vous devez combattre chaque bataille, a-t-il déclaré. L’alternative, disons, boycotter le ministère des Affaires étrangères parce qu’il soutient l’étiquetage, laisse le champs libre aux ennemis d’Israël et permet aux autres parties d’arriver à de mauvaises conclusions. Nous n’avons pas exprimé notre version de l’histoire, constamment, depuis un long moment maintenant. Et, maintenant, nous somme surpris si les personnes croient en l’autre version ».

Lapid soutient de manière générale la coopération israélienne avec les missions d’enquête du Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies ou des enquêtes pour le Tribunal Pénal International. Le gouvernement Netanyahu boycotte habituellement de telles enquêtes, affirmant que les résultats sont connus d’avance et que coopérer pourrait légitimer un processus biaisé.

Le 20 septembre, Lapid a effectué un discours à l’Université Bar-Ilan, dans lequel il a appelé à un sommet régional basé sur une Initiative de paix arabe, visant à trouver un accord avec les Palestiniens.

« Le seul chemin vers la paix, la paix est quelque chose que nos enfants feront, pas nous, est de trouver un accord entre les ennemis [permettant une] séparation, a-t-il déclaré. L’intifada au couteau actuelle nous a prouvé, si nous avions besoin de plus de preuves, que nous avons besoin de nous séparer des Palestiniens. Je ne veux pas dire « se débarasser des Palestiniens », parce que c’est trop fort. Mais nous avons besoin de nous séparer des Palestiniens et de s’assurer qu’il y a un mur plus haut entre nous, pas un mur plus petit ».

Le discours de Lapid était un défi direct au discours de 2009 de Netanyahu de l’université de Bar-Ilan, dans lequel le Premier ministre, pour la première fois, avait accepté la solution à deux États.

Mais Netanyahu n’a pas de stratégie sur comment obtenir un accord qui conduirait à une telle solution, a attaqué Lapid, accusant le Premier ministre de « nous condamner à un autre siècle à vivre par l’épée, ce qui ne constitue pas un héritage très bon pour n’importe quel politicien ».

En contraste, Lapid croit qu’il a trouvé une solution sure pour y parvenir. « Nous avons besoin d’un sommet régional qui commencera un processus régional et qui finira avec un accord de séparation des Palestiniens et une normalisation avec le monde arabe, a-t-il déclaré.

Le chemin vers un accord ne passe pas par Ramallah mais par le Caire et Ryad, qui « permettront » aux Palestiniens d’être plus flexibles qu’ils ne l’ont été par le passé.

« Je n’accepte pas que cette idée soit impossible, a-t-il continué. Je continuerai à travailler encore et encore jusqu’à ce que ce soit faisable. Je pense que c’est faisable et je parle au monde arabe depuis pas mal de temps, et je peux vous dire que cela peut se produire ».

Le plan de Lapid a des points communs avec la position de Netanyahu sur l’Etat palestinien. Les deux hommes insistent que Jérusalem doit rester indivisée et sous contrôle israélien et que les Forces de défense israéliennes auront besoin de rester longtemps en Cisjordanie. Mais il y aussi des différences fortes. Lapid, par exemple, rejette l’insistence de Netanyahu sur la reconnaissance d’Israël comme un Etat juif.

« Mon père n’est pas venu ici d’un ghetto pour se faire reconnaître par Abu Mazen, a-t-il déclaré en référence au président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Nous n’en avons rien à faire de la reconnaissance d’Abu Mazen. Pour moi, c’est anti-sioniste de demander la reconnaissance de la part des Palestiniens, ou des Arabes en général. Nous avons eu toute la reconnaissance dont nous avions besoin le 29 novembre 1947 », le jour où l’Assemblée générale des Nations unies a décidé de diviser le mandat britannique de la Palestine en l’Etat juif et l’État arabe.

Interrogé pour répondre à l’argument de Netanyahu que la vraie paix n’aura lieu que lorsque les Palestiniens accepteront et exprimeront le droit des Juifs à la souveraineté sur cette terre, Lapid a répondu, que « la seule chose que les Palestinines devrait accepter est la taille des armes de l’armée israélienne. C’est ce qui nous protège et assure notre sécurité en tant qu’Etat juif. C’est la seule chose dont je veux qu’ils se rappellent dans ce processus. Toute l’idée d’indépendance est que l’on n’a pas besoin de reconnaissance de n’importe qui ».

« Rien ne peut être comparé à l’Holocauste, point final »

Lapid considère que l’intiative d’étiquetage de l’UE « n’est pas seulement mauvaise, mais aussi stupide », mais il n’est pas d’accord avec l’idée de la comparer à l’étoile jaune et de faire référence au temps « les plus sombres » lorsque l’on discute la question.

« Parce que je hais toute comparaison à l’Holocauste. Il n’y a rien qui puisse être comparé à l’Holocauste ».

Pourtant, il s’est offensé de l’ambassadeur de l’UE en Israël, Lars Faaborg-Andersen, qui a déclaré le mois dernier lors d’une conférence que telles comparaisons sont « une déformation de l’histoire et une minimisation des crimes des nazis et de la mémoire de leurs victimes ».

Lapid a déclaré : « Je suis d’accord avec ce qu’il a dit, mais je ne pense pas qu’il ait le droit de le dire. J’ai le droit parce que mon grand-père est mort à Mauhausen [le camp de concentration] et pas son grand-père. Alors j’ai le droit et pas lui… Ce n’est pas le rôle de l’ambassadeur de nous dire ce que nous pouvons comparer ou non à l’Holocauste ».

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