Lavrov félicite Eli Cohen, nouveau ministre israélien des Affaires étrangères
Les diplomates de haut rang ont discuté de la communauté juive en Russie, de questions bilatérales et régionales ; l'Ukraine pourrait envisager des représailles
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a appelé mardi son homologue israélien, Eli Cohen, pour le féliciter de sa prise de fonction et pour discuter des « questions bilatérales et régionales », dans le contexte de l’invasion et du bombardement continus de l’Ukraine par Moscou.
Selon un compte-rendu israélien de l’appel téléphonique, Cohen a parlé de la communauté juive en Russie et de l’importance des Juifs russophones en Israël pour les liens entre les deux pays.
L’appel, demandé par les Russes, pourrait envenimer les relations entre Cohen et le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba. Bien qu’il n’y ait pas eu de demande du bureau de Kuleba à Israël, un haut fonctionnaire ukrainien a déclaré mardi que Kiev s’attendait à ce que Cohen retarde ou annule son appel avec Lavrov et s’entretienne d’abord avec Kuleba.
Le fonctionnaire a indiqué que si Cohen allait de l’avant et s’entretenait d’abord avec Lavrov, Kuleba pourrait refuser tout appel de Cohen dans un avenir proche.
L’ambassadeur d’Ukraine en Israël, Yevgen Korniychuk, a déclaré mardi au Times of Israel que l’appel du ministre des Affaires étrangères avec son homologue russe représentait un changement dans la politique israélienne.
« Le ministre israélien des Affaires étrangères n’avait pas parlé à Lavrov depuis le début de la guerre », a-t-il dit, indiquant que Kiev est mécontent que Cohen ait maintenu son entretien téléphonique.
En tant que ministre des Affaires étrangères, Yaïr Lapid ne s’était pas entretenu avec Lavrov.
Un responsable israélien avait déclaré au Times of Israel peu après l’entretien téléphonique entre Cohen et Lavrov « qu’il n’y a pas de changement dans la politique d’Israël ».
Korniychuk a ajouté que la position d’Israël sur l’invasion russe n’était « pas claire ».
« Malheureusement, nous n’avons eu vent d’aucune condamnation des bombardements massifs de nos civils ces derniers mois. Israël se distingue de nos autres partenaires en cela qu’il reste silencieux », a-t-il ajouté.
L’envoyé de l’Ukraine a souligné que ni le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, ni le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, n’avaient demandé à parler avec Cohen.
Mardi, aux alentours de midi, peu avant que Lavrov ne parle avec Cohen, Israël a demandé à s’entretenir avec Kuleba, selon des sources israéliennes. Kiev a démenti avoir reçu une demande officielle.
Lundi, Cohen avait révélé aux diplomates israéliens qu’il s’entretiendrait avec Lavrov le lendemain. Il n’avait aucunement fait mention d’un appel prévu avec Kuleba.
Les critiques, dont un éminent sénateur américain républicain, y ont vu un signe que le nouveau gouvernement de Jérusalem s’oriente dans une direction pro-Kremlin concernant l’invasion et la guerre déclenchées par la Russie en février 2022.
L’appel avec Lavrov est intervenu au lendemain d’un entretien téléphonique entre Cohen et le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, leur première conversation depuis la prestation de serment du nouveau gouvernement israélien la semaine dernière.
Selon un diplomate israélien, Blinken a demandé lundi à Cohen de transmettre certains messages à Lavrov, mais n’a pas précisé de quoi il s’agissait.
Le responsable diplomatique a également fermement rejeté l’idée qu’Israël changeait sa politique vis-à-vis de la guerre Russie-Ukraine.
Au début de l’invasion russe, le Premier ministre de l’époque, Naftali Bennett, avait téléphoné à plusieurs reprises à Vladimir Poutine et au dirigeant ukrainien Volodymyr Zelensky, cherchant à exploiter les relations de travail d’Israël avec les deux pays pour aider à négocier un cessez-le-feu afin de mettre fin à la guerre. Il s’était même rendu à Moscou en mars 2022, devenant alors le premier dirigeant étranger à rencontrer Poutine en personne depuis le début de l’invasion le 24 février.
Mais cette initiative n’avait pas porté ses fruits et le dossier avait été mis de côté après plusieurs mois, pour se concentrer sur les troubles politiques internes qui ont finalement conduit à l’effondrement du gouvernement de Bennett.
Le gouvernement précédent avait refusé les demandes ukrainiennes d’armes, mais le Premier ministre sortant, Yaïr Lapid, s’était exprimé à plusieurs reprises contre l’invasion russe, accusant le Kremlin de commettre des crimes de guerre. Ces commentaires avaient été salués par l’Occident mais avaient attisé les tensions avec Moscou, alors même que Jérusalem tentait de maintenir un semblant de neutralité.
Israël est sensible au maintien de la capacité de Tsahal à opérer librement depuis le ciel contrôlé par la Russie au-dessus de la Syrie afin d’empêcher le retranchement des forces iraniennes à la frontière nord d’Israël.
Kiev avait déclaré avoir besoin de l’aide d’Israël en matière de technologie de défense aérienne pour contrer les frappes continues de la Russie sur son infrastructure civile.
L’invasion russe s’est enlisée face à une farouche résistance de l’Ukraine.
Des sources israéliennes ont déclaré au Times of Israel que le nouveau Premier ministre, Benjamin Netanyahu, serait ouvert à une médiation si l’une des parties le lui demandait.
Lors du dernier mandat de Netanyahu, avant le début de la guerre, Zelensky lui avait demandé de parler à Poutine pour organiser une discussion, mais le Kremlin s’était montré peu intéressé par un dialogue avec Kiev.