Lindsey Graham rejette l’idée d’Israël de « rester silencieux » sur la guerre en Ukraine
Le nouveau ministre des Affaires étrangères, Eli Cohen, a déclaré qu'Israël parlerait moins en public de l'invasion russe ; une mauvaise idée selon le sénateur républicain
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Le sénateur américain républicain, Lindsey Graham, a critiqué lundi le nouveau ministre des Affaires étrangères, Eli Cohen, qui a indiqué qu’Israël éviterait de dénoncer publiquement la Russie pour son invasion de l’Ukraine.
Graham, un Républicain qui s’est ouvertement prononcé en faveur de l’aide à l’Ukraine, a déjà critiqué Jérusalem par le passé pour sa politique concernant le conflit russo-ukrainien, mais les commentaires de lundi ont marqué la première fois qu’il a exprimé sa frustration depuis le retour de son allié de longue date, Benjamin Netanyahu, au poste de Premier ministre.
Il est également apparu comme le premier Républicain à critiquer publiquement la nouvelle coalition dite « de droite dure » de Jérusalem.
« L’idée qu’Israël devrait moins parler de l’invasion criminelle de l’Ukraine par la Russie est un peu déconcertante », a écrit Graham sur Twitter.
Le législateur de Caroline du Sud réagissait à un discours prononcé quelques heures plus tôt par Cohen devant des diplomates israéliens, dans lequel il annonçait qu’il s’entretiendrait mardi avec son homologue russe Sergueï Lavrov. Cohen avait déclaré que l’aide humanitaire d’Israël à l’Ukraine se poursuivrait, mais avait fait remarquer que si les détails supplémentaires de la politique israélienne en la matière étaient encore en cours d’élaboration, « une chose est sûre (…) nous en parlerons moins en public ».
Le gouvernement précédent avait refusé les demandes ukrainiennes d’armes, mais le Premier ministre sortant, Yair Lapid, s’était exprimé à plusieurs reprises contre l’invasion russe, accusant le Kremlin de commettre des crimes de guerre. Ces commentaires avaient été salués par l’Occident mais avaient attisé les tensions avec Moscou, alors même que Jérusalem tentait de maintenir un semblant de neutralité.
« Je suis heureux de voir que Cohen donne la priorité à la relation stratégique américano-israélienne et soutient la poursuite de l’aide humanitaire à l’Ukraine », a réagi Graham, un ardent critique du président russe, Vladimir Poutine.
« J’espère que Cohen comprend que lorsqu’il s’entretient avec Lavrov de la Russie, il parle à un représentant d’un régime criminel qui commet des crimes de guerre à une échelle industrielle tous les jours. Rester silencieux sur le comportement criminel de la Russie ne présage rien de bon », a-t-il prévenu.
Cohen n’a pas encore répondu aux commentaires de Graham, qui ont été publiés dans la nuit de lundi à mardi en Israël.
En mars dernier, Graham avait critiqué le précédent gouvernement israélien dirigé par le Premier ministre de l’époque, Naftali Bennett, pour avoir refusé de vendre des armes à l’Ukraine afin de contrer l’invasion russe en cours.
Kiev avait déclaré qu’elle avait besoin de l’aide d’Israël en matière de technologie de défense aérienne pour contrer les frappes continues de la Russie sur son infrastructure civile.
« Ils ont demandé à Israël – et il n’y a pas de plus grand fan d’Israël que Lindsey Graham — des missiles Stinger, et apparemment Israël a dit non. Alors je vais téléphoner en Israël. Vous savez, nous nous battons pour Israël avec son Dôme de fer », avait déclaré Graham à Fox News, semblant suggérer que les États-Unis attendaient davantage de leur allié de longue date, qui a contribué au développement des systèmes de défense aérienne recherchés par l’Ukraine.
« Poutine est un voyou. C’est un criminel de guerre. Il est en train de détruire un pays souverain qui s’appelle l’Ukraine. Et si nous ne venons pas au bout de la question de l’Ukraine et de la Russie, les Chinois vont avancer sur Taïwan et les Iraniens avanceront vers la bombe atomique. Il est donc dans l’intérêt de tous que l’Ukraine soit capable de se défendre », avait alors soutenu Graham.
I’m glad to see Mr. Cohen, the new Israeli foreign minister, is prioritizing the US-Israel strategic relationship and supports continued humanitarian aid to #Ukraine.
However, the idea that Israel should speak less about Russia’s criminal invasion of Ukraine is a bit unnerving.
— Lindsey Graham (@LindseyGrahamSC) January 2, 2023
Au cours de ses précédents mandats, Netanyahu avait vanté ses relations étroites avec Poutine et avait insisté sur le fait qu’elles étaient essentielles au maintien de la capacité de Tsahal à opérer librement depuis le ciel contrôlé par la Russie au-dessus de la Syrie afin d’empêcher le retranchement des forces iraniennes à la frontière nord d’Israël. Il avait initialement critiqué le gouvernement précédent pour avoir négligé les liens avec la Russie, Jérusalem ayant pris plusieurs mesures limitées pour soutenir l’Ukraine après l’invasion des forces de Poutine en février.
Toutefois, Netanyahu a récemment changé de ton. Dans une interview précédant les élections législatives du mois dernier, il a qualifié de « pragmatique » la politique ukrainienne du gouvernement Bennett-Lapid, qui a vu Israël fournir de l’aide humanitaire, gérer un hôpital de campagne en Ukraine et accueillir un nombre limité de réfugiés majoritairement juifs, sans pour autant fournir l’aide militaire à l’Ukraine malgré les demandes répétées de Zelensky.
Netanyahu a même déclaré qu’il envisagerait d’armer l’Ukraine s’il revenait au pouvoir.
« Je pense qu’il est guidé par sa vision de reconstitution d’un grand empire russe et j’espère qu’il remet cette vision en question », a déclaré Netanyahu à USA Today à l’époque.
Il a également révélé qu’il lui avait été demandé de jouer les intermédiaires entre Moscou et Kiev après le début de la guerre. « J’ai répondu : ‘Eh bien, je crois que je vais laisser cette décision au Premier ministre’. »
Bennett avait cherché à servir de médiateur entre Poutine et le président ukrainien Volodymyr Zelensky, s’étant rendu à Moscou et ayant eu des échanges téléphoniques avec les deux dirigeants. Mais cette initiative n’avait pas porté ses fruits et le dossier avait été mis de côté après plusieurs mois, alors que le gouvernement commençait à s’effondrer.
Netanyahu avait déclaré dans l’interview du mois d’octobre que l’offre de médiation « reviendrait probablement sur le tapis » s’il revenait au pouvoir.
Netanyahu et Poutine se sont entretenus la semaine dernière lors d’un appel de félicitations alors que Zelensky prononçait un discours devant une session conjointe du Congrès américain, dans lequel il implorait une aide américaine supplémentaire pour repousser l’invasion russe.
Netanyahu et Zelensky se sont entretenus par téléphone vendredi. Netanyahu aurait insisté auprès du dirigeant ukrainien pour qu’il vote contre une récente résolution de l’ONU, mais n’a pas voulu s’engager sur une quelconque mesure lorsqu’il a été interrogé sur un quiproquo impliquant le transfert d’une aide défensive pour intercepter les frappes russes.
Cohen s’est entretenu avec le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, plus tôt dans la journée de lundi, mais l’Ukraine ne figurait pas parmi les sujets abordés, selon les comptes rendus de l’appel téléphonique de Jérusalem et de Washington.