Le 9e anniversaire d’Emily Hand, otage du Hamas à Gaza, marqué par sa famille
Elle ne saura même pas que c'est son anniversaire. Elle ne saura pas quel jour on est", dit son père qui vient de dévoiler un panneau à l'effigie de sa fille à Times Square
NEW YORK — Emily Tony Korenberg Hand avait fêté son huitième anniversaire, l’année dernière, avec sa famille et avec ses amis parmi les jongleurs, les acrobates et les échassiers lors d’une fête qui avait « le cirque » pour thème au kibboutz Beeri, pas très loin de la bande de Gaza.
Vendredi, le jour de son neuvième anniversaire, aucune fête n’a été organisée au sein du kibboutz.
Emily se trouverait quelque part à Gaza en compagnie des autres otages enlevés par les terroristes du Hamas qui s’étaient infiltrés dans tout le sud d’Israël, le 7 octobre, massacrant 1 200 personnes et kidnappant 240 personnes qui sont actuellement détenues en captivité au sein de l’enclave côtière. Il y aurait plus d’une trentaine de bébés et d’enfants parmi les otages.
« Elle ne saura même pas que c’est son anniversaire. Elle ne saura même pas quel jour on est », confie son père Thomas Hand sur Zoom, en pleurant. « Pouvez-vous seulement imaginer la peur qu’elle doit ressentir ? »
Peu après l’attaque commise par le Hamas, les responsables du kibboutz Beeri avaient dit à Hand qu’Emily était probablement morte. Elle avait passé la nuit chez les parents d’une amie, dans le kibboutz.
Le choc et et chagrin qui avaient frappé de plein fouet ce père aimant avaient toutefois été étrangement teintés d’un certain soulagement.
« J’ai ressenti une sorte de soulagement parce que c’était finalement préférable qu’elle n’ait pas été prise en otage », dit-il, expliquant les sentiments contradictoires qui l’ont animé à ce moment-là. « Ils m’avaient dit, en somme, qu’Emily avait été retrouvée. Qu’elle avait été retrouvée dans le kibboutz, qu’elle avait été retrouvée morte. Jamais je n’oublierai ces trois déclarations ».
Puis, le 31 octobre, le monde de Hand avait encore une fois été bouleversé.
L’armée israélienne avait alors informé la famille que le corps sans vie d’Emily n’avait pas été retrouvé et que son ADN n’avait pas été identifié dans le sang prélevé dans la communauté dévastée.
Il n’y avait pas de trace de sang dans l’abri antiaérien qu’elle avait dû utiliser ou dans la maison des parents de son amie, où elle avait passé la nuit.
« Mon cerveau a dû faire volte-face et digérer cette nouvelle information. Et quand on m’a dit ça, j’ai seulement répondu : ‘Non, non, non, non’, » continue-t-il, la voix brisée.
Hand et sa fille, tous les deux israélo-irlandais, n’en sont pas à leurs premières souffrances.
Quand Emily avait deux ans et demi, sa mère, Liat Korenberg, avait succombé à un cancer du sein. Korenberg et Hand ne s’étaient jamais mariés et ils vivaient séparément, elle à Haïfa et lui au kibboutz Beeri. Il s’était remarié à ce moment-là.
Avant la mort de Liat, elle et Emily avaient emménagé à Beeri de manière à ce que la transition soit plus facile pour Emily, lorsqu’elle serait amenée à vivre avec son père. Liat avait succombé un peu plus de deux ans après le début de sa maladie.
Au kibboutz, Emily avait des amis et elle fréquentait l’école. Elle a des intérêts variés : la danse brésilienne, le judo, le volley, le tennis, le piano… Elle avait une passion particulière pour la gym. Et elle est une excellente élève. « Cette année, elle voulait apprendre la guitare et j’espère qu’elle pourra le faire », explique son père.
Emily, dit-il, occupe une place spéciale dans sa bande d’amis. « Ce n’est pas une place qu’elle recherche mais les enfants la suivent naturellement, c’est un modèle », indique-t-il.
Narkis Hand, l’ex-femme de son père, et les deux enfants de son premier mariage – qui s’était terminé il y a plus de vingt ans – font dorénavant partie intégrante de la vie de la fillette.
Emily est proche de Narkis et de ses demi-frères et sœurs – notamment de Natalie, âgée de 26 ans.
Tous vivent à Beeri, une petite communauté soudée qu’avait découvert Hand lorsqu’il était venu y faire du bénévolat. Il avait ensuite pris la décision de s’y installer, il y a trois décennies.
« Emily adore faire la cuisine et elle faisait la cuisine avec Natalie », déclare Hand, qui est né à Dublin. « Narkis était vraiment devenue sa seconde mère. Même la mère de Narkis faisait office de seconde grand-mère ».
Dans un message transmis à sa sœur, Natalie a déclaré devant les caméras de la Dixième chaîne, il y a environ dix jours : « Je veux te dire que nous faisons tout notre possible pour te faire revenir à la maison. Nous savons que tu es actuellement retenue en otage. Nous t’aimons infiniment et tu nous manques ».
Au début de la semaine, Hand et Natalie ont rencontré le Premier ministre irlandais Leo Varadkar à Dublin, suppliant le gouvernement de les aider à retrouver Emily.
A Londres, un rassemblement pour Emily a été organisée vendredi aux abords du siège de l’organisation caritative Save the Children International.
Les organisateurs ont dressé une table décorée de ballons, avec des cupcakes, des ours en peluche et des affiches montrant les visages des enfants enlevés lors de l’attaque du Hamas.
« Ces enfants innocents kidnappés à Gaza ne sont pas une problématique d’ordre politique », s’exclame Florit Shoihet, une Israélienne expatriée à Londres qui a aidé à organiser l’événement.
« C’est une question humanitaire. C’est une question internationale. Nous voulons que cette organisation parle plus fort. Nous voulons qu’elle agisse. Nous voulons qu’elle prenne la parole. Nous voulons qu’elle n’oublie pas nos enfants ».
Et à New York, Hand a dévoilé un panneau avec le portrait d’Emily à Times Square, vendredi.
C’est le premier de centaines de panneaux qui seront exposés aux États-Unis montrant les visages des otages alors que certains manifestants continuent à arracher les affiches montrant les personnes qui ont été enlevées en Israël et qui sont actuellement détenues dans la bande de Gaza.
C’est impossible de déchirer un panneau, explique Hand.
« Pouvez-vous seulement imaginer ce que cette pauvre petite est en train de traverser jour après jour, terrifiée pour sa propre vie ? », ajoute-t-il. « La mort. La mort, dans mon esprit, est une option plus facile ».