Le crooner américain Tony Bennett est mort à l’âge de 96 ans
Connu pour ses grands succès comme "I Left My Heart In San Francisco", il a sorti plus de 70 albums, dont un numéro 1 à l'âge de 88 ans, et un projet de duos avec Lady Gaga
Tony Bennett, le dernier des grands crooners américains, apprécié pour sa personnalité chaleureuse et sa constance sur plus de sept décennies, est mort vendredi à l’âge de 96 ans, a-t-on appris auprès de son agent.
Chanteur d’une autre époque, celle des crooners comme Frank Sinatra, il avait fait un retour en grâce dans les années 2010, puis s’était distingué par ses duos avec Lady Gaga, avec laquelle il a enregistré deux albums en 2014 et 2021.
« Il s’est éteint aujourd’hui à l’âge de 96 ans dans sa ville natale de New York », a déclaré à l’AFP, Sylvia Weiner, son agente. Il souffrait de la maladie d’Alzheimer.
Né le 3 août 1926 à Astoria, dans le quartier du Queens, le plus cosmopolite de New York, Anthony Benedetto, de son vrai nom, doit une partie de sa longévité unique à sa technique vocale.
Formé au bel canto, celui qui se faisait appeler Joe Bari au tout début de sa carrière aura conservé sa voix intacte tout au long de sa vie, capable de pousser les décibels jusque dans les stades, à 80 ans passés.
Costumes toujours impeccables, pochette, élégance naturelle, Tony Bennett incarnait la chanson de l’après-guerre, sans tomber dans la ringardise, et sans jamais, pour autant, sortir de son registre.
Il reste peu de classiques de lui, contrairement à Frank Sinatra, un autre fils d’immigrés italiens de la région de New York, auquel il a été beaucoup comparé mais dont le succès a été bien supérieur.
Ses plus grands titres sont venus tôt dans sa carrière, au début des années 50, avec notamment « Because of You », « Rags to Riches » ou « Cold, Cold Heart », tous numéros un des ventes, et n’ont été suivis d’aucun hit en bonne et due forme.
Mais Tony Bennett, qui a adopté le nom de scène américanisé que lui suggérait l’humoriste Bob Hope, a conservé un public fidèle, entretenu grâce à des milliers de concerts et une prestance scénique reconnue par tous.
« Au théâtre et pour le spectacle vivant, il faut convaincre le public qu’il ne pourrait pas être mieux ailleurs », expliquait l’acteur Alec Baldwin dans le documentaire produit par Clint Eastwood « The Music Never Ends » (2007). « Et personne dans le show-business ne fait ça mieux que Bennett. »
Peu portée sur les effets, sa voix semblait aller à l’essentiel, influencée par divers genres musicaux, notamment le jazz.
« En tant que spectateur, (je pense que) Tony Bennett est le meilleur chanteur dans le métier », dira Frank Sinatra. « Il m’enthousiasme quand je le vois, il m’émeut. »
Son sourire et son énergie projetaient l’image d’un artiste chaleureux, résolument positif.
« Jamais prévisible »
Malgré un public fidèle, Tony Bennett connaîtra une traversée du désert durant les années 70 et 80, une mauvaise passe marquée par une addiction à la cocaïne et une overdose, en 1979, dont il réchappera.
Son fils Danny finira par intervenir et lui offrir une seconde carrière en l’introduisant auprès d’un public plus jeune.
En 1994, il atterrit ainsi sur la chaîne musicale MTV pour un « Unplugged », cette série de concerts acoustiques plutôt réservés aux jeunes artistes en vogue.
En 2006, il sort l’album « Duets: An American Classic », une série de duos avec de très grands noms de la musique populaire, de Stevie Wonder à Bono, qui l’accompagnent sur des reprises.
Le succès est total, au point qu’un second opus « Duets II », sortira en 2011, avec, de nouveau, le gratin de la chanson, qui lui permettra d’accrocher, pour la première fois, le sommet des ventes de disques aux États-Unis, à 85 ans.
L’album contient deux duos avec respectivement Lady Gaga et Amy Winehouse, qui révèlent les deux jeunes chanteuses dans un registre épuré qu’elles apprécient visiblement.
Les collaborations se poursuivront, avec notamment un album entier en compagnie de Lady Gaga, « Cheek to Cheek », occasion d’un nouveau numéro un aux États-Unis.
« J’aime essayer des choses nouvelles tout le temps », disait le crooner au journaliste Charlie Rose sur la chaîne PBS en 1993. Durant sept décennies, il aura suivi le conseil de Frank Sinatra : « ne sois jamais prévisible. »
Il laisse derrière lui sa femme Susan, ses filles Johanna et Antonia, ses fils Danny et Dae, ainsi que neuf petits-enfants.
Antonia s’est convertie au judaïsme après avoir épousé un Israélien, Ronen Helmann.
L’influence de son père a été décisive, disait Antonia Bennett en 2016.
« Avoir un père qui est si bon dans ce qu’il fait est incroyable. J’apprends constamment de lui. J’ai le privilège de travailler avec lui, donc je peux l’observer soir après soir. Il croit à l’idée qu’il faille juste chanter les meilleures chansons. Il ne fait jamais de compromis sur la qualité. Il a placé la barre très haut. »
Alors qu’il était âgé de 19 ans, servant dans l’US Army, Bennett avait participé à la libération d’un camp de concentration nazi près de Dachau.
« Une fois que nous avons pris possession du camp, nous avons immédiatement apporté de la nourriture et de l’eau aux survivants, mais ils avaient été brutalisés pendant si longtemps qu’au début, ils ne pouvaient pas croire que nous étions là pour les aider et non pour les tuer », a déclaré Bennett de ce souvenir. « À notre grande horreur, nous avons découvert que toutes les femmes et tous les enfants avaient été tués bien avant notre arrivée, et que la veille, la moitié des survivants restants avaient été abattus… Tout cela dépassait l’entendement. »