Le gouvernement pourrait renoncer à faire évacuer Khan al-Ahmar
L’État devrait demander au tribunal de rejeter la demande de démolition du hameau, situé en Cisjordanie, en faveur d'un compromis plus tenable sur le plan international

Ce dimanche, le gouvernement devrait demander à la Cour Suprême de rejeter une demande d’évacuation de Khan al-Ahmar, un campement bédouin illégal en Cisjordanie.
Selon des informations relayées par le site d’information Ynet, la Douzième chaine et d’autres médias, le gouvernement aurait évoqué des négociations avec les habitants du hameau en vue de trouver un compromis sur la question de leur réinstallation et les lourdes conséquences diplomatiques et sécuritaires qu’aurait une évacuation forcée des lieux.
La décision de justice relative à cette demande d’évacuation du village a été repoussée à plusieurs reprises depuis maintenant près de quatre ans, en grande partie en raison de l’intérêt que lui portent les militants des droits de l’homme, les organisations pro-palestiniennes et l’Union européenne.
En février dernier, la Cour avait vivement critiqué le gouvernement pour cette neuvième demande de report, pour une durée de quatre mois, concernant un recours de 2018. Ce délai supplémentaire était supposé lui permettre de formuler un plan de mise en œuvre pratique.
En même temps qu’il rejetait la demande déposée en février, le juge Noam Sohlberg avait tenu une audience avec l’organisation de droite Regavim – à l’origine de la demande de 2018 –, désireuse que la Cour émette une ordonnance exigeant l’évacuation et la démolition du hameau. La Cour avait accordé au gouvernement un délai de quelques semaines, jusqu’à la fin du mois d’avril, pour répondre.
Dimanche, les députés de droite de l’opposition s’en sont pris à Netanyahu et aux membres de son gouvernement pour cette possible invalidation de leur recours.
« Netanyahu et son gouvernement n’ont pas eu de scrupules à donner à Arafat le contrôle d’Hébron ou à expulser les Juifs du Gush Katif », a déclaré le chef du parti Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, allusion aux accords signés par Netanyahu avec le défunt dirigeant palestinien dans les années 1990 et au désengagement de la bande de Gaza, en 2005.
« Mais quand il s’agit des Palestiniens, tout devient subitement ‘sensible’ », a-t-il ajouté dans un communiqué.
« Voilà pourquoi, à propos de Khan al-Ahmar, et alors même que la Cour Suprême a autorisé l’évacuation de cet avant-poste palestinien illégal, Netanyahu fait à nouveau preuve de « sensibilité » et s’apprête à autoriser la prise de contrôle palestinienne des terres de l’État. »

Les propos de Liberman ont été repris par le député Zeev Elkin, du parti Tikva Hadasha, qui a tweeté : « Quelle excuse douteuse pour un nouveau report dans cette saga interminable. Depuis 2018, Netanyahu utilise l’excuse de l’évacuation volontaire. Il avait promis de régler la question en quelques semaines : cela fera presque cinq ans. »
En rejetant la demande de report de l’évacuation en février dernier, le juge Sohlberg a reproché au gouvernement de traîner les pieds et de se contredire, en se disant à plusieurs reprises déterminé à faire disparaitre le village bédouin, sans toutefois jamais le faire.
« Qu’il suffise de dire que nous ne sommes pas du tout satisfaits de la conduite de l’État », a-t-il écrit.
Sohlberg a par ailleurs écrit que le comportement de l’État était le signe que « la situation lui convenait : régulièrement, il dépose une demande de prorogation, à laquelle le requérant s’oppose et à laquelle la Cour accède en serrant les dents, et le monde continue ainsi, bien décidé à ne pas prendre de décision. »
Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, qui occupe également un poste de ministre délégué au sein du ministère de la Défense et qui a compétence sur certains aspects en Cisjordanie, s’est opposé dimanche au projet du gouvernement de demander à la Haute Cour de justice de rejeter une requête visant à forcer l’État à évacuer Khan al-Ahmar.
Smotrich, qui milite depuis longtemps pour la démolition du hameau, a écrit une lettre au secrétaire d’État Yossi Fuchs pour demander l’arrêt immédiat du dépôt de la réponse de l’État au recours de la Haute Cour.
« À ma grande surprise, j’ai découvert que la réponse n’est pas conforme à ma politique et à la politique du gouvernement telle que je la comprends », aurait écrit Smotrich, ajoutant que, conformément aux accords de coalition, de telles réponses doivent être approuvées par lui.
« En vertu de mon autorité, je n’approuve pas le dépôt de la réponse », a-t-il ajouté, demandant une « discussion urgente » sur la question.
Selon les médias israéliens, le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir se serait opposé, comme Smotrich, à l’intention présumée du gouvernement de ne pas tenir sa promesse d’évacuer le camp bédouin illégal.
Des informations qui ont été transmises pendant la matinée ont indiqué que pour justifier cette volte-face, le gouvernement allait citer des pourparlers en cours avec les résidents de Khan al-Ahmar sur un compromis qui leur permettrait de se réinstaller ailleurs, et qu’il affirmerait qu’une évacuation forcée aurait d’importantes conséquences en matière de diplomatie et de sécurité.
Selon des informations variées qui ont été reprises par les médias israéliens, Smotrich – qui prône depuis très longtemps la démolition du hameau – aurait écrit un courrier au secrétaire de cabinet Yossi Fuchs en lui demandant d’arrêter immédiatement la rédaction de la réponse apportée à une requête qui avait été déposée devant la Haute-cour.
« Je soutiens le ministre Smotrich dans sa demande de ne pas approuver la réponse proposée par l’État à la requête portant sur Khan al-Ahmar », a dit Ben Gvir qui a ajouté qu’une telle initiative réclamerait le feu vert de Smotrich.
Ben Gvir a également dit qu’il avait transmis « le message clair au Premier ministre Benjamin Netanyahu que si la proposition de réponse est effectivement celle-là, alors il s’agit d’une décision grave et scandaleuse ».
La démolition de Khan al-Ahmar, situé à l’est de Jérusalem, non loin de Ma’ale Adumim, avec ses quelque 200 habitants, a été autorisée par la Cour Suprême en 2018.

L’État affirme que les structures du hameau, pour l’essentiel des cabanes et tentes de fortune, ont été construites sans permis et constituent une menace pour les résidents en raison de leur proximité avec l’autoroute.
Membres de la tribu Jahalin, les Palestiniens qui vivent à Khan al-Ahmar assurent qu’ils s’y sont installé dans les années 1950, après avoir été déplacés en raison de la guerre d’Indépendance de 1948.
L’État a prévu un lieu de repli pour les habitants, à une quinzaine de kilomètres environ à l’ouest de l’emplacement actuel, à proximité de la ville palestinienne d’Abu Dis, non loin de Jérusalem. Ce lieu dispose d’ores et déjà de structures de base et d’infrastructures pour l’eau, les eaux usées et l’électricité.
L’ONU, l’Union Européenne et d’autres instances internationales ont fait savoir que le déplacement forcé des habitants de Khan al-Ahmar serait constitutive d’une violation du droit international et peut-être même d’un crime de guerre, car le déplacement d’une population sous occupation est prohibé par le droit international.
Jeremy Sharon a contribué à cet article.