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Analyse

Le Hezbollah est affaibli, mais ses branches civiles sont (très) ancrées au Liban – expert

Le groupe terroriste a été impacté par les frappes sur sa branche financière, mais son réseau d'ONG est trop bien implanté chez les chiites du Liban pour pouvoir en finir avec lui

Des manifestants brandissant des drapeaux du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollahet criant des slogans contre Israël et les États-Unis lors d'une manifestation de solidarité avec le peuple palestinien de Gaza alors qu'Israël y combat le Hamas, à Beyrouth, au Liban, le 2 mars 2024. (Crédit : Hassan Ammar/AP)
Des manifestants brandissant des drapeaux du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollahet criant des slogans contre Israël et les États-Unis lors d'une manifestation de solidarité avec le peuple palestinien de Gaza alors qu'Israël y combat le Hamas, à Beyrouth, au Liban, le 2 mars 2024. (Crédit : Hassan Ammar/AP)

La semaine dernière, l’armée israélienne a lancé une série de frappes aériennes à travers le Liban, ciblant les succursales d’Al-Qard Al-Hassan (AQAH), une association de crédit non agréée considérée comme la banque du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah.

Ces frappes ont marqué un changement de cap. Alors que l’armée ne visait uniquement des cibles militaires, elle a commencé à s’en prendre à des infrastructures ostensiblement civiles, soulignant les défis posés par la profond pénétration du groupe terroriste au sein de la société libanaise.

En raison de ses réseaux d’organisations sociales, de dispensaires et de son vaste système de patronage parmi les chiites, il pourrait s’avérer plus compliqué et plus difficile d’extirper le Hezbollah du tissu civil libanais que de détruire les capacités armées du groupe terroriste chiite libanais soutenu par l’Iran.

Le Hezbollah tel qu’il existait avant le lancement de l’opération terrestre n’existe plus, « mais il est toujours dangereux et il ne va pas disparaître », affirme Matthew Levitt, expert du Hezbollah, au Times of Israel lors d’une récente conversation téléphonique.

Des manifestants tenant des photos de Hassan Nasrallah, chef défunt du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, lors d’une veillée de protestation dans la ville de Sidon, dans le sud du Liban, le 28 septembre 2024. (Crédit : Mahmoud Zayyat/AFP)

« Le Hezbollah est vraiment un mouvement. Ce n’est pas seulement une organisation terroriste, une milice ou un parti politique. Il est aussi profondément impliqué dans des activités sociales et religieuses », a déclaré Levitt, chercheur principal à l’Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient et ancien expert en contre-terrorisme du FBI.

Les capacités armées du Hezbollah sont affaiblies et s’effritent ostensiblement. La semaine dernière, l’armée israélienne a déclaré avoir éliminé plus de 2 000 éléments du groupe terroriste chiite libanais soutenu par l’Iran depuis octobre 2023, dont un grand nombre de ses commandants, et détruit environ 70 à 80 % des roquettes qu’il possédait avant la guerre. Elle a également déclaré avoir vaincu le Hezbollah dans toutes les zones où ses troupes opéraient dans le sud du Liban.

Bien que le groupe terroriste ait récemment nommé un nouveau chef, Naïm Qassem, pour remplacer son secrétaire général éliminé, Hassan Nasrallah, on ne sait pas exactement qui dirige la stratégie de la branche armée du groupe terroriste sur le terrain.

Toutefois, « une grande partie de l’infrastructure des affaires sociales du Hezbollah reste intacte, car Tsahal cible ses caches d’armes et ses centres de commandement et de contrôle. Elles ne ciblent pas les dispensaires et les programmes sociaux contrôlés par le Hezbollah », a déclaré Levitt.

L’expert du Hezbollah a décrit le large éventail d’activités sociales du groupe terroriste comme une « gouvernance de l’ombre », fournissant des services essentiels à un pays depuis longtemps au bord de l’effondrement financier et politique, en proie à une corruption permanente, à des luttes sectaires et à de puissantes familles d’élite. Cela a créé une « circonscription fantôme » qui dépend de son assistance, a indiqué Levitt.

« Le Hezbollah bénéficie aujourd’hui du meilleur des deux mondes : il fait partie de l’État libanais, ses membres occupant des postes ministériels et des sièges au Parlement, mais il reste un groupe indépendant qui opère à l’écart de l’État », a écrit Levitt dans un récent rapport pour le Washington Institute. Ainsi, « cela lui évite d’avoir à assumer la responsabilité de rendre des comptes qui va généralement de pair avec l’exercice d’un mandat électif ».

Le vaste réseau d’organisations caritatives du Hezbollah

Le groupe financier AQAH a été fondé par le Hezbollah en 1983, un an après la création du groupe terroriste, afin de fournir des prêts sans intérêt en conformité avec les principes islamiques de la charia. Au fil des ans, AQAH est devenue une importante institution financière possédant des succursales dans tous les fiefs du Hezbollah au Liban.

Un homme passant en mobylette devant le site d’une frappe aérienne de Tsahal qui a visé une branche d’Al-Qard Al-Hassan, une association de crédit non agréée considérée comme la banque du Hezbollah, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 21 octobre 2024. (Crédit : AFP)

Les États-Unis ont inscrit AQAH sur leur liste noire en 2007, affirmant que le Hezbollah l’utilise comme couverture pour gérer les activités financières du groupe terroriste chiite libanais et accéder au système financier international.

Cependant, l’infrastructure civile du Hezbollah va bien au-delà, constituant un système de mécénat qui comble les lacunes de l’inefficacité du gouvernement libanais et renforce son influence auprès de la communauté chiite du pays, qui compte quelque 2 millions de personnes, créant de fait un « mini-État » chiite.

Il comprend un réseau de centres hospitaliers connu sous le nom d’Organisation islamique de la santé, qui fournit des services de santé gratuitement ou à prix réduit aux chiites, tout en soignant les terroristes du Hezbollah blessés, selon le Centre israélien d’information sur le renseignement et le terrorisme Meir Amit.

En 2021, le Hezbollah a également lancé la chaîne de supermarchés Al-Sajjad, du nom d’une figure vénérée de l’islam chiite. Ces supermarchés vendent des produits (souvent d’origine iranienne, syrienne ou irakienne) à des prix considérablement réduits pour les clients qui présentent des cartes émises par le Hezbollah.

En outre, le Hezbollah contrôle une chaîne de stations-service, l’Amana Petroleum Company, qui vend du carburant iranien à des prix réduits, parfois au mépris du gouvernement libanais. Elle fait l’objet de sanctions américaines depuis 2020.

La branche du Hezbollah chargée de la construction, Jihad al-Bina, a joué un rôle déterminant dans la reconstruction des zones détruites lors de la Deuxième Guerre du Liban en 2006. Aujourd’hui, la fondation, créée en 1988, gère divers projets de grande envergure dans les domaines du génie civil, de l’agriculture et de l’industrie, et contrôle des centres de formation professionnelle, selon le Meir Amit Center.

Sur le front de la propagande, le Hezbollah contrôle sa propre chaîne de télévision, Al-Manar, et divers programmes scolaires, dont un groupe de jeunes connu sous le nom de Scouts du Mahdi, utilisé pour endoctriner les jeunes chiites, selon Tsahal.

Le groupe terroriste prétend également s’impliquer dans la protection de l’environnement. Il gère Green Without Borders, une organisation à but non lucratif qui prétend gérer des projets de reforestation dans le sud du Liban. Selon Israël, le groupe sert en réalité de couverture aux positions du Hezbollah ; il a été sanctionné par les États-Unis pour des activités terroristes présumées l’année dernière.

Une installation de l’ONG libanaise « Green Without Borders », qui servirait, selon l’armée israélienne, d’avant-poste pour le Hezbollah sur la frontière israélo-libanaise, publiée le 22 juin 2017. (Crédit : Unité des porte-paroles de l’armée israélienne)

Les difficultés financières du Hezbollah

La semaine dernière, l’armée a révélé avoir localisé un bunker du Hezbollah sous un hôpital de Beyrouth. Selon Tsahal, plus de 500 millions de dollars en or et en espèces étaient stockés par le groupe terroriste à l’intérieur de ce bunker.

Malgré sa fortune, le Hezbollah connaîtrait une crise de liquidités, les frappes aériennes de Tsahal sur les succursales de l’AQAH ajoutant probablement à la pression financière croissante qui pèse sur le mandataire iranien.

Des sources libanaises et étrangères citées dans un récent article de Voice of America (VOA) ont affirmé que le Hezbollah était à court de liquidités et incapable de payer ses membres. Son accès au système bancaire officiel du Liban serait également restreint, les banquiers les plus riches du pays ayant fui à l’étranger, craignant d’être pris pour cible par Israël pour avoir aidé le Hezbollah, selon VOA.

Des familles assises par terre sur la place des Martyrs après avoir fui les frappes aériennes israéliennes, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 28 septembre 2024. (Crédit : Bilal Hussein/AP)

Jusqu’à récemment, le groupe terroriste était inondé d’argent liquide, grâce aux transferts de fonds iraniens et à ses propres activités illicites, au premier rang desquelles son (très) vaste réseau international de contrebande de stupéfiants, selon les experts. Le Hezbollah utilisait ces liquidités pour satisfaire ses électeurs chiites, en leur versant des allocations mensuelles en devises étrangères stables.

Une femme chiite récemment évacuée du sud-Liban vers Beyrouth a raconté au Guardian que le groupe terroriste chiite libanais avait distribué des paiements mensuels de 200 dollars en espèces, ainsi que des colis alimentaires, les félicitant de « prendre incroyablement soin » de sa famille.

On ne sait pas combien de temps le Hezbollah pourra continuer à verser ces paiements. Le réseau d’affaires sociales est également confronté à une pénurie de main-d’œuvre, car de nombreux éléments du Hezbollah qui travaillaient dans les organisations caritatives ont été appelés à combattre ou sont incapables de le faire en raison des blessures subies lors des explosions de bipeurs et de talkies-walkies qui ont eu lieu en septembre.

En outre, le déplacement de plus d’un million de personnes des zones à majorité chiite du sud-Liban et d’ailleurs a exercé une pression supplémentaire sur le système informel d’affaires sociales.

« Il s’agit là d’un autre niveau important de demandes à un moment où les ressources diminuent et où les demandes pour ces ressources se font concurrence », a déclaré Levitt.

Le Hezbollah va-t-il retourner ses armes contre les Libanais ?

Alors qu’Israël s’efforce de démanteler les capacités armées et financières du Hezbollah, le groupe terroriste pourrait devoir à investir dans les armes plutôt que dans les dépenses civiles ou pour ses infrastructures sociales afin de maintenir son emprise sur le Liban, a averti Levitt. Le groupe terroriste chiite libanais a un long passif d’utilisation de la violence pour réprimer ses détracteurs.

Avec le soutien de l’Iran, le groupe terroriste tentera probablement de se réarmer et de remplir ses coffres à la première occasion. On ne sait toujours pas si la communauté internationale serait en mesure d’intervenir pour empêcher l’influence de Téhéran de s’infiltrer au Liban, et si les forces armées libanaises (LAF) seraient capables de réaffirmer leur souveraineté et le monopole de l’État sur l’usage légitime de la force, a ajouté Levitt.

« Le Hezbollah se battra avec acharnement pour l’empêcher », a-t-il prédit.

« Et il aura toujours les moyens de le faire même lorsqu’Israël aura éliminé une part importante de sa menace stratégique. »

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