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Témoignage

Le jour où Shimon Peres a eu besoin de moi pour écrire un de ses discours

Témoignage d'une rencontre entre Ben Harris et Shimon Peres, à l'occasion de l'Assemblée générale des Nations unies en 2001

Ben Harris avec l'ancien président Shimon Peres (Crédit : autorisation Harris)
Ben Harris avec l'ancien président Shimon Peres (Crédit : autorisation Harris)

C’est un soir de semaine, il était 21 heures, et je traînais dans mon appartement de Brooklyn en pyjama, quand le téléphone sonne, m’enjoignant de me rendre dans un hôtel de Midtown Manhattan. Shimon Peres avait besoin de quelqu’un pour écrire un discours. Et il se trouve que j’étais rédacteur de discours pour l’ambassadeur d’Israël aux Nations unies.

C’était l’automne de l’année 2001, et Peres était en ville pour l’Assemblée générale des Nations unies, aussi connue sous le nom de cauchemar de la circulation, quand tous les chefs d’états se rendent à New York pour un marathon de beaux discours. La participation d’Israël à ce rituel était un exemple d’inefficacité, de confusion, de mauvaises planifications, sans compter les bousculades prévisibles qui perturbaient l’accessibilité.

Lorsque je suis arrivé, tout l’entourage présidentiel assistait au succès de Broadway, la comédie « Mamma Mia ! », et pendant une heure, je me suis assis, à enchainer les cigarettes avec des secrétaires et le personnel de sécurité.

Finalement, l’un des gardes du corps de Peres, en costume bleu, coupe en biais et oreillette, est entré et a demandé lequel d’entre nous était Ben Harris. Je me suis présenté et j’ai suivi l’homme dans le couloir. Il a ouvert une porte, m’a fait entrer et l’a fermée derrière moi. C’est ainsi que je me suis retrouvé face à Peres, vêtu d’un débardeur blanc et pieds nus.

« Mi ata ? (Qui es-tu ?) », a-t-il demandé, avec sa voix de baryton que j’avais si souvent entendue à la télévision.

J’ai bredouillé, en hébreu, que j’étais le rédacteur de discours, et nous avons passé une interminable minute à nous toiser mutuellement.

Alon Pinkus, consul général d’Israël de l’époque est finalement entré, et a mis la machine en marche. Pendant l’heure qui a suivi, Peres m’a dicté son discours. Bien qu’il approchait des 80 ans, Peres était expert dans ces choses-là, et les métaphores fleuries coulaient à flot, sans effort. J’avais du mal à tenir le rythme.

Une fois qu’il avait terminé, Peres s’est retiré pour la nuit. De mon côté, j’ai passé la nuit à peaufiner et fignoler. Peu avant l’aube, j’ai soumis le texte et je suis rentré me coucher à Brooklyn.

Dans la salle de l’Assemblée générale, plus tard dans la matinée, j’ai pris place dans la tribune avec le reste de la délégation israélienne, qui a applaudi avec entrain à la fin du discours de Peres, quand il laissa l’estrade au ministre des Affaires étrangères cambodgien.

Après cela, nous l’avons suivi le long des couloirs, alors qu’il bavardait avec des responsables d’autres gouvernements dans différentes langues. A un moment, quelqu’un nous a poussé l’un contre l’autre pour une photo, moi dans mon costume froissé, étourdi et encore fatigué d’avoir veillé, et Peres, avec l’air ennuyé de quelqu’un qui doit échanger mille poignées de mains et sourires ce jour-là.

Quelques semaines plus tard, alors que mes fonctions à la mission israélienne des Nations Unies prenaient fin, et que les inscriptions à l’université encombraient mon bureau, j’ai réuni toute ma ‘houtspa (insolence) pour savoir si mes services au ministre des Affaires étrangères israélien me vaudraient une recommandation. À l’administration new-yorkaise, on me dit que je pouvais rêver, mais miraculeusement, quelques mois plus tard, la lettre est arrivée. Il n’y avait que quatre phrases, deux fautes d’orthographes, et je devais contacter la London School of Economics pour une requête spéciale, pour ajouter ce document à mon dossier, plusieurs mois après la date limite.

Devinez quoi ? Ça a marché.

(Pendant plus d’une décennie avec le JTA, Ben Harris a effectué des reportages dans plus de 15 pays. Ses articles ont entre autres été publiés dans The Wall Street Journal, le Boston Globe et le New York magazine.)

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