Le ministre de la Justice est décidé à déchirer Israël de l’intérieur, encore une fois
Yariv Levin semble ne rien avoir appris des récents malheurs qui ont frappé Israël. Et son patron continue de l'encourager imprudemment
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Une statistique apparue dans l’enquête annuelle de l’Institut israélien de la démocratie cette semaine – une statistique qui a été plutôt sous-estimée – a montré que près de la moitié des personnes interrogées considéraient dorénavant que les les frictions entre la droite et la gauche de l’échiquier politique étaient, de loin, « la tension sociale la plus aiguë en Israël aujourd’hui ».
En revanche, il y a deux ans à peine – à l’époque des violences meurtrières qui étaient survenues dans les villes mixtes judéo-arabes – le même sondage avait révélé que les personnes interrogées étaient surtout préoccupées par les tensions sociales qui régnaient alors entre Juifs et Arabes. Les années encore antérieures, les sondés avaient fait savoir à l’Institut qu’ils étaient particulièrement préoccupés par les tensions qui étaient perceptibles dans les relations entre Juifs religieux et Juifs laïques.
L’enquête a également révélé que 58 % des Israéliens pensent aujourd’hui que notre démocratie est menacée – et la confiance portée à la Knesset et au gouvernement a chuté à un niveau historiquement bas au cours des douze derniers mois. Le crédit apporté par les Israéliens à la Cour suprême est également en baisse – même si elle tire encore son épingle du jeu, loin d’être à un niveau aussi faible que celui de la confiance que les citoyens disent avoir dans leurs dirigeants politiques.
Manifestement, ces résultats sont liés aux tentatives, de la part de la coalition, qui visent à restreindre radicalement le pouvoir du système judiciaire – ce qui mettrait entre les mains des responsables politiques le contrôle presque total de ce dernier. Toujours à la manœuvre, le ministre de la Justice Yariv Levin déploie des efforts de manière obsessionnelle pour atteindre ses objectifs. Le système en général – et la Cour suprême en particulier – font l’objet d’attaques incessantes en raison de leur caractère ostensiblement « non-représentatif », de la bouche même de la coalition au pouvoir.
On aurait été en droit de penser que l’impératif de protéger Israël contre ses ennemis extérieurs de manière efficace – comme l’a souligné l’échec politique et militaire à prédire et à contrer la prise d’assaut du Hamas et le pogrom commis par ses hommes armés, le 7 octobre 2023 – aurait été un moyen de dissuasion suffisant pour que Levin et le gouvernement renoncent à déchirer à nouveau la nation de l’intérieur en relançant le projet de refonte radicale du système judiciaire. Et en l’occurrence, on se serait trompé.
Horrifié par le fait que les juges lui aient ordonné, la semaine dernière, de prendre l’initiative – plutôt ordinaire – de réunir la Commission de sélection judiciaire pour procéder à l’élection d’un nouveau président de la Cour suprême après plus d’un an de tergiversations parce qu’il était conscient que son candidat préféré ne serait pas choisi, Levin a déclaré le week-end dernier que la Cour ne lui avait pas laissé « d’autre choix » que de reprendre son œuvre d’assujettissement du système de la justice.
Si Levin n’a pas précisé quelles seraient les législations qu’il chercherait à faire adopter en premier dans le cadre de ce plan de refonte qui bouleverserait le système judiciaire israélien, de nombreux médias, au sein de l’État juif, ont cité un projet de loi qui modifierait la composition de la Commission chargée de la sélection des juges et qui donnerait au gouvernement, dans les faits, le contrôle du choix des magistrats. Ce texte avait fait l’objet d’une première lecture en séance plénière de la Knesset, au mois de février 2023, et il pourrait donc être adopté rapidement en deuxième et troisième lecture.
Le patron de Levin, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, avait déjà jeté de l’huile sur le feu, la semaine dernière, lorsqu’il avait affirmé au cours d’une conférence de presse qu’il n’autoriserait pas la création d’une commission d’enquête d’État – une commission qui est, en général, placée sous l’autorité d’un juge de la Cour suprême à la retraite – sur la catastrophe du 7 octobre parce que, avait-il dit, « une commission d’État n’est pas acceptable pour une part considérable de la population ».
En réalité, les sondages ont montré à plusieurs reprises qu’une grande partie de l’électorat souhaitait très certainement qu’une commission d’État – la seule instance à être dotée des pouvoirs statutaires nécessaires pour révéler pleinement ce qui avait mal tourné, évitant ainsi que cela ne se reproduise – mène des investigations sur le 7 octobre. Ceux qui ne le souhaitent pas ne peuvent qu’avoir été influencés par les attaques constantes de Levin et d’un grand nombre des membres de la coalition à l’encontre du pouvoir judiciaire.
La détermination du ministre de la Justice à jeter par la fenêtre le système judiciaire indépendant d’Israël – la seule institution capable de protéger les Israéliens contre les abus des dirigeants politiques – était déjà impardonnable avant le pogrom du Hamas et la guerre qui a suivi sur de multiples fronts. La relance de ce projet – avec le soutien d’un Premier ministre qui n’a cessé de discréditer la procureure-générale et qui a exercé des pressions en faveur de son éviction – est plus que jamais dangereuse pour le bien-être de la nation.
La guerre à Gaza s’est calmée mais elle n’est pas terminée – des soldats continuent de tomber au champ d’honneur et 100 otages sont toujours détenus en captivité, ce qui est impensable. Le Hezbollah a été gravement atteint mais son cœur bat toujours et le vaste défi que représente la reconstruction du nord du pays n’a pas encore été relevé. La Syrie, sous la direction des djihadistes, est imprévisible dans l’état actuel des choses. La rapidité et la réussite de l’insurrection anti-Assad devraient inquiéter les dirigeants jordaniens, avec des implications potentielles sur la sécurité d’Israël. L’Autorité palestinienne pourrait partager ces inquiétudes s’agissant de son avenir et elle a intensifié ses actions menées à l’encontre des groupes terroristes à Jénine. Les Houthis, pour leur part, n’ont pas encore été réduits au silence.
Mais plus important encore, les ayatollahs, en Iran, sont au pied du mur, privés de leurs proxies les plus puissants. Selon Israël, les États-Unis et même selon l’agence chargée de la surveillance des armes nucléaires au sein de l’ONU, Téhéran s’apprête à se lancer dans la fabrication d’une bombe. Ayant considérablement augmenté ses stocks d’uranium enrichi à 60 %, la république islamique est pratiquement un État du seuil nucléaire, a averti cette semaine le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique, au point qu’il n’est « plus utile » de tenter de relancer l’accord de 2015 destiné à l’éloigner de l’arme atomique.
Pour sa part, l’armée de l’air israélienne, qui jouit désormais d’une suprématie aérienne totale sur un itinéraire traversant la Syrie, a déclaré qu’elle était en train de renforcer son état de préparation en vue d’une éventuelle frappe sur des cibles nucléaires iraniennes.
Ce qui, depuis le 7 octobre 2023, s’est transformé en une bataille stratégique menée par Israël pour faire face à un régime de Téhéran déterminé à nous détruire est entré, en d’autres termes, dans sa phase culminante. Seul un pyromane antisioniste choisirait ce moment pour replonger Israël dans les profondeurs de la division interne. C’est là qu’intervient Yariv Levin.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel