Le nouveau commandant de la Division de Gaza suscite un (nouveau) tollé
Avant la guerre, "une couche superficielle de réjouissances et de débauche" jetait de l'ombre sur "les valeurs ancestrales", a déclaré le général Barak Hiram
Le général de brigade Barak Hiram, qui vient tout juste d’être nommé à la tête de la Division de Gaza, au sein de Tsahal, a été vivement critiqué, cette semaine, après avoir dénoncé la « culture israélienne » pour sa frivolité et son caractère irresponsable, laissant ensuite entendre que cette culture avait pu ouvrir la porte au pogrom commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre.
« Notre constance vient complètement contraster avec la culture israélienne qui s’est développée ici, cette culture qui réclame tout et immédiatement », avait commenté Hiram, dimanche dernier, lors de la cérémonie qui avait marqué son départ du commandement de la 99e Division de Tsahal.
Il s’en était également pris aux entrepreneurs du secteur high-tech qui, avait-il déclaré, étaient trop enclins à procéder à une « exit » – une vente ou une introduction en bourse de leur start-up – afin d’obtenir « des bénéfices instantanés ».
« Une société qui cherche la légèreté, qui cherche à survoler les choses, est en rupture avec les engagements pris dans son passé et elle est en rupture avec le fardeau qui lui est imposé par la perspective de l’avenir. Et par dessus-tout, elle s’abandonne au moment, à l’instant présent. C’est ce qu’ont vu nos ennemis et ils ont pensé que c’était l’opportunité qui leur était donnée de nous exterminer », avait-il dit.
Hiram avait rendu hommage aux soldats qui s’étaient battus au kibboutz Beeri, le 7 octobre, après la prise d’assaut du sud d’Israël par des terroristes du Hamas. Les hommes armés avaient tué près de 1 200 personnes et ils avaient kidnappé 251 personnes qui avaient été prises en otage à Gaza. Israël, en riposte au massacre, avait déclaré la guerre au groupe terroriste.
La bataille à Beeri était devenue le symbole des échecs qui avaient été encaissés par les militaires lors du 7 octobre. Au kibboutz, qui accueillait alors un millier d’habitants, 101 civils avaient été tués et 32 avaient été enlevés. 31 soldats avaient perdu la vie en luttant contre les terroristes du Hamas et du Jihad islamique palestinien. Une centaine d’hommes armés avaient été abattu dans la bataille.
Dans son discours, Hiram avait reconnu les manquements de Tsahal, ce jour-là, disant que l’armée n’était « pas préparée » et qu’elle avait « été dans l’incapacité totale de défendre les citoyens de l’État ».
#MustWatch Messianic extremist Judaism has seeped deep into the IDF. Gen. Barak Hiram, the new Gaza Division Commander, kicks Israel and its culture and successes to the curb and blames Israeli tech success– not his own failures as a commander!– for the devastation of October 7.… pic.twitter.com/fKvOdfZDIr
— UnXeptable (@UnxeptableD) August 5, 2024
« Les événements de l’année passée nous ont ébranlés », avait noté Hiram. « Au-delà d’une couche superficielle de réjouissances et de débauche, les valeurs ancestrales sont en train de refaire surface – celles qui nous unissent tous et qui font de nous le peuple éternel ».
Hiram avait dit que la guerre avait été une opportunité d’union entre les différents segments de la société israélienne, appelant à « un foyer partagé » pour tous les Israéliens ainsi que pour tous les Juifs du monde entier.
Nombreux sont ceux qui se sont offusqués des propos tenus par le commandant sur « la culture israélienne » d’avant-guerre, estimant qu’ils témoignaient d’un dénigrement des Israéliens laïques et libéraux avec une approbation tacite du fondamentalisme religieux.
« Je travaille dans le secteur des hautes-technologies ; je fais partie de ‘l’exit’, de la culture ‘de l’instant’, comme il l’a dit et j’en suis très fier », a indiqué Yizhar Shay, un entrepreneur qui a été ministre des Sciences et des technologies de 2020 à 2021 et dont le fils Yaron est mort, le 7 octobre, pendant les combats.
« Je suis fier que nous défendions une culture libérale, une culture moderne. Il ne peut pas arriver comme ça et, dans son discours d’adieu, m’apprendre ce que c’est de défendre l’État d’Israël, de respecter notre héritage ou m’apprendre ce que sont les valeurs de l’État. J’ai des valeurs et ce, pas moins que le général Hiram », a affirmé Shay devant les caméras de la chaîne publique Kan.
« Il s’oppose aux citoyens qu’il est censés protéger ? », s’est étonné le leader du parti des Démocrates Yair Golan, un mouvement de gauche, alors qu’il était interpellé par un journaliste de la chaîne Kan. « Il vient se plaindre ? Il veut remplacer la nation ? Je lui suggère de s’occuper de son commandement et pas de la nation elle-même ».
Gilad Kariv, député du parti de Golan à la Knesset, a aussi dénoncé les paroles prononcées par Hiram dans un post qui a été publié sur X, dimanche.
UnXeptable, un groupe formé par des Israéliens expatriés qui s’opposent au gouvernement de Netanyahu, a fustigé le discours prononcé par Hiram sur X dans la journée de dimanche, le qualifiant de « fantasmagorique » et ajoutant que « le judaïsme extrémiste messianique s’est profondément infiltré au sein de Tsahal ».
Hiram ne revendique pas sa pratique de la religion mais il vit dans une implantation de Cisjordanie.
Eran Etzion, ancien responsable-adjoint du Conseil de Sécurité nationale, a partagé le même point de vue, écrivant lundi que « le messianisme juif est notre catastrophe. L’identité libérale israélienne est notre espoir ».
Yuval Sade, journaliste pour le Calcalist, a partagé un extrait du discours sur X, déclarant que « quelqu’un qui méprise les Israéliens et la culture israélienne ne devrait pas être amené à commander une division de notre armée ».
Hiram avait déjà suscité la controverse dans le passé et sa nomination à son nouveau rôle n’a été autorisée que très récemment. Sa candidature avait été retenue à la suite d’une enquête de Tsahal consacrée aux combats à Beeri.
Les investigations tactiques de Tsahal sur la bataille qui avait eu lieu à Beeri ont révélé que Hiram « a pris des décisions professionnelles et responsables et qu’il a pleinement épuisé tous les efforts de négociation » avant d’autoriser les forces à tirer des obus d’artillerie aux abords de la maison de Pessi Cohen, un membre du kibboutz, une habitation où les terroristes détenaient 15 otages. Treize avaient perdu la vie dans les échanges de coups de feu.
Fin juillet, Hiram avait rencontré des habitants de Beeri. Pendant la réunion, qui avait été décrite par les personnes présentes comme tendue, difficile, Hiram avait présenté ses excuses aux survivants pour ses échecs et pour ceux de l’armée, assumant la pleine responsabilité de ses actions.
Les résidents du kibboutz s’étaient dans un premier temps opposés à la promotion de Hiram à la tête de la Division de Gaza. Suite à cette rencontre, l’opinion de certains est restée inchangée tandis que d’autres ont reconnu avoir changé d’avis.
Dans le contexte du tollé entraîné par les propos de Hiram, le communiqué de presse officiel qui a été émis à l’occasion de l’événement de dimanche a complètement omis les propos controversés du commandant.
Emanuel Fabian a contribué à cet article.