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Le nouveau Grand Rabbin de France organise-t-il une réforme ?

L'ancien aumônier militaire cherche à unir les communautés et à établir un agenda plus progressiste et plus égalitaire

Le Grand Rabbin Haim Korsia (au centre), avec le président du Consistoire Joël Mergui (à gauche), et les officiers de l'armée française dans une synagogue à Paris, le 6 novembre 2014. (Crédit : JTA / Alain Azria)
Le Grand Rabbin Haim Korsia (au centre), avec le président du Consistoire Joël Mergui (à gauche), et les officiers de l'armée française dans une synagogue à Paris, le 6 novembre 2014. (Crédit : JTA / Alain Azria)

La première chose que Haim Korsia a faite après être devenu Grand Rabbin de France, a été de nettoyer en profondeur son nouveau bureau.

Ensuite, il l’a redécoré pour donner à l’espace un look plus moderne, plaçant au milieu des volumes saints de sa bibliothèque une maquette de 30 pouces d’un sous-marin nucléaire – un souvenir de sa précédente fonction d’aumônier général des armées.

Mais ce que Korsia, âgé de 51 ans, a fait ensuite a convaincu de nombreux Juifs français que cet homme court et énergique, qui a pris ses fonctions en juin, était sérieux au sujet de la modernisation des institutions religieuses d’une communauté en crise encore sous le choc de l’augmentation des violences antisémites d’une part et des scandales impliquant ses deux prédécesseurs d’autre part.

En juillet, Korsia a nommé une femme, Dolly Touitou, à l’un des deux nouveaux postes créés pour traiter les plaintes contre les services religieux de la communauté organisée – une initiative audacieuse dans une communauté majoritairement séfarade, qui a été plus lente que les autres à embrasser l’idée de l’égalité des sexes. Avant 1990, les femmes ne pouvaient pas voter aux élections du Consistoire, et elles ne pouvaient pas y être élues avant 2006, jusqu’à ce que la justice annule cette interdiction.

« La nomination d’une femme a constitué un signal de la position du rabbin Korsia sur le rôle des femmes dans la communauté juive », a déclaré Rabbi Moché Lewin, un de ses conseillers et ami.

Korsia a également pris une position peu orthodoxe sur les enfants nés de mères non-juives et de pères juifs, les enlaçant comme la « semence d’Israël », même s’ils ne sont pas considérés comme juifs selon la loi religieuse traditionnelle. Il a également émis une directive à l’encontre de quiconque refuserait d’accorder à sa femme un acte de divorce religieux en réponse à un scandale qui a éclaboussé son prédécesseur.

Pourtant Korsia semble réticent à exagérer son programme progressiste. Ce qui est compréhensible dans un pays où des Grands Rabbins régionaux parlent ouvertement de l’obligation des femmes de servir lleurs maris et où, pas plus tard qu’en 2006, un Grand Rabbin régional de Strasbourg s’était opposé à l’élection d’une femme à un poste de direction au sein de sa communauté.

« Je ne dirais pas que nous avons besoin de réformes, mais, oui, nous avons besoin de changement, tout à fait », a déclaré Korsia à JTA dans son bureau au siège du Consistoire, l’organisation orthodoxe qui l’emploie et qui prodigue depuis sa création il y a deux siècles sous Napoléon les services religieux à la communauté juive de France.

En entrant en fonction au milieu de changements majeurs dans les groupes qui composent cette grande communauté – notamment par l’accroissement de l’émigration et un réveil religieux dans certains milieux qui se produit en parallèle à de plus en plus d’assimilation dans d’autres – Korsia voit le changement comme « nécessaire sur deux niveaux : en interne au sein la communauté juive pour produire l’unité, et à l’extérieur dans la façon dont la communauté communique avec le monde non-juif. »

Pour ce qui est des relations extérieures, Korsia s’en est occupé : en tant qu’ancien aumônier en chef dans l’armée française, il parle de son pays avec passion patriotique, dans des termes non sectaires – un style qui lui a valu beaucoup de respect dans les cercles politique et médiatique.

Son sens de l’humour, son comportement informel et ses intérêts dans de larges domaines – il admire l’art abstrait de Mark Rothko et de Pierre Soulages et est un supporter de l’équipe de football du Paris Saint Germain – lui ont également apporté l’affection du public français. Sa récente comparaison des Chrétiens d’Orient aux victimes de la Shoah lui a valu les éloges de la station de radio officielle du Vatican.

Mais c’est la volonté de Korsia d’aborder les positions de longue date parmi l’establishment juif français qui le distingue vraiment des chefs spirituels de cette communauté forte d’environ 500 000 âmes, la plus grande d’Europe.

Haim Korsia à l'antenne de RCJ (Crédit : capture d'écran YouTube)
Haim Korsia à l’antenne de RCJ (Crédit : capture d’écran YouTube)

Né à Lyon d’un éminent rabbin qui a immigré avec sa femme depuis l’Algérie dans les années 1950, les actions de Korsia manifestent une prédilection pour l’unité sur le strict respect de la tradition.

« Telle est ma tâche n°1 : Atteindre un équilibre, trouver l’unité », proclame-t-il. Ses pairs le confirment.

« Avec le rabbin Korsia, il n’y a pas d’ashkénazes et de séfarades », dit Avraham Weill, un Grand Rabbin de Toulouse. « Il ne pense pas en de tels termes ».

Les ashkénazes, jadis majoritaires dans le judaïsme français, représentent actuellement un peu plus de 30 pour cent de la communauté après la Shoah et les vagues d’immigration par centaines de milliers de Juifs originaires des anciennes colonies de la France d’Afrique du Nord dans les années 1950 – un mouvement qui a coïncidé avec une importante immigration de Musulmans, qui sont maintenant au nombre d’environ 6 millions en France.

Beaucoup de Juifs d’Afrique du Nord ont construit leurs propres synagogues en France, mais au cours des dernières années, les deux composantes se sont rapprochées les uns des autres, avec de nombreuses synagogues ayant des fidèles ashkénazes et séfarades.

Plus tôt dans l’année, Korsia a également tenu des réunions avec tous les Grands Rabbins français dans lesquels il leur a rappelé les choses à faire et à ne pas faire cas de divorce, après quoi il a publié une déclaration contre l’attitude visant à « montrer du respect à quiconque accomplirait l’acte honteux de refuser méchamment d’accorder à sa femme un ‘guet’ », le mot hébreu pour l’acte de divorce religieux.

Ces actions étaient en partie une réaction à la publication d’une vidéo dans laquelle Michel Gugenheim le prédécesseur par intérim de Korsia, a été filmé conseillant à une femme de payer 90 000 dollars à son ex-mari pour obtenit le guet.

« L’Affaire du guet », comme les médias français l’ont surnommée, fait suite à un précédent scandale qui, a contraint Gilles Bernheim, le prédécesseur de Gugenheim, à la démission en 2013 après qu’il ait été convaincu d’avoir plagié des parties de deux de ses livres et d’avoir utilisé un diplôme universitaire qu’il ne possédait pas.

Sur Bernheim, Korsia dit qu’il « a fait beaucoup de bonnes choses et ne devrait pas être jugé pour une erreur. »
Quant à Gugenheim, Korsia dit qu’il n’a « pas l’intention de juger ses prédécesseurs. »

Sur la question des mariages mixtes, Korsia se montre plus accueillant que ses prédécesseurs. Ceux qu’il appelle « la semence d’Israël » doivent être amenés dans « la bergerie », même si ces enfants ne sont pas considérés comme juifs selon la loi juive orthodoxe [halakha].

Et bien qu’il affirme que le processus que ces personnes doivent subir avant de pouvoir se marier avec des Juifs devrait rester inchangé, Korsia rejette l’utilisation du mot « conversion » pour le décrire.

« Dans de tels cas, nous parlons de régularisation, pas de conversion, parce que cela reviendrait à dire qu’ils ne sont pas juifs, ce qui n’est pas tout à fait vrai », a déclaré le rabbin.

Ces notions risquent d’irriter les traditionalistes, selon Jean-Claude Lalou, qui dirige le groupe progressiste Avenir du Judaïsme. Lalou dit qu’il n’y a encore aucun signe de véritable résistance à Korsia au sein du Consistoire, « peut-être parce que le rabbin Korsia n’a pas encore appliqué ces idées. »

Si une telle opposition se concrétisait, ce ne serait pas la première fois. En 2004, le Grand Rabbin d’alors Joseph Sitruk avait forcé Korsia, à l’époque un de ses conseillers, à annuler un voyage prévu à Auschwitz avec le comédien Dieudonné.

Dieudonné a été condamné à plusieurs reprises pour incitation à la haine contre les Juifs et est devenu un symbole international pour les antisémites et les négationnistes. Mais Korsia pensait qu’un tel voyage « pourrait agir sur Dieudonné. » Sitruk a vu les choses différemment et a imposé son point de vue.

« Peut-être que Dieudonné serait une personne différente aujourd’hui si le voyage avait eu lieu », dit Lewin, l’ami de Korsia. « Maintenant, nous ne pouvons pas le savoir. »

Les provocations de Dieudonné sont considérées comme l’un des catalyseurs d’un quasi-doublement des incidents antisémites en France au cours des sept premiers mois de 2014 par rapport à la période correspondante de l’année dernière. Cette augmentation, à son tour, est parmi les causes d’un niveau record de l’immigration des Juifs de France en Israël. Pour la première fois depuis des décennies, plus de 5 000 d’entre eux sont arrivés en 2014.

Mais Korsia, qui a refusé de parler de sa famille, sauf pour dire que tous ses enfants vivent en France, y voit une lueur d’espoir, et veut favoriser une plus grande unité entre ceux qui restent. Quant à ceux qui partent, il croit que beaucoup d’entre eux vont revenir.

« Croyez-moi, être français n’est pas quelque chose que vous pouvez facilement mettre de côté », a-t-il dit. « Même si vous essayez. »

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