Le policier qui a tué George Floyd condamné à 22 ans et demi de prison
La peine est inférieure aux 30 ans requis par l'accusation ; en cas de bonne conduite, l'ex-policier pourrait être libéré après 15 ans, pour un crime qui a choqué la nation
Le policier blanc Derek Chauvin a été condamné vendredi à 22 ans et demi de prison pour le meurtre de l’Afro-Américain George Floyd, une lourde peine qui reflète l’impact planétaire du drame.
L’avocat de la famille Floyd, Ben Crump, a immédiatement salué une décision « historique » qui selon lui permet aux proches du quadragénaire noir et aux Etats-Unis « de faire un pas de plus vers la réconciliation », après treize mois tumultueux.
Le président démocrate Joe Biden, élu avec le soutien de la communauté afro-américaine, a salué une sentence qui lui « semble juste ».
Elle est aussi rarissime. Avant Derek Chauvin, seuls une dizaine de policiers américains ont écopé de peine de prison pour des meurtres commis dans l’exercice de leurs fonctions.
Après l’annonce de la condamnation, des manifestants munis de haut-parleurs et escortés par des motos ont exprimé leur joie dans le centre de Minneapolis pendant l’heure de pointe, sans incident. Plusieurs centaines de personnes s’étaient auparavant massées autour du palais de justice pour attendre la décision.
Les proches du défunt, comme les militants antiracistes, ont souligné qu’il faudrait plus d’un verdict pour amener des changements de fond dans le pays. « Je veux que vous vous dressiez et que vous vous battiez », pour plus d’égalité, a lancé son frère Philonese Floyd.
Bien que ce dossier ait bouleversé les Etats-Unis, le juge Peter Cahill a juré ne pas avoir fondé sa décision sur « l’émotion » ni « sur l’opinion publique ». « Je ne cherche pas à envoyer un message », a-t-il assuré dans une courte allocution.
Dans un document de 22 pages, il motive sa sévérité par plusieurs facteurs: Derek Chauvin « a abusé de sa position de confiance et d’autorité », a agi « avec une grande cruauté » et en présence d’enfants et avec l’aide de collègues, écrit-il.
Condoléances
Pour la première fois depuis le drame, le policier de 45 ans, qui est détenu depuis deux mois dans une prison de haute sécurité, a pris publiquement la parole vendredi lors d’une audience chargée en émotions.
« A cause de questions légales en suspens, je ne suis pas en mesure de faire une déclaration formelle à ce stade mais, brièvement, je tiens à présenter mes condoléances à la famille Floyd », a-t-il dit, sans exprimer ni excuses ni regrets.
Les proches du quadragénaire noir lui avaient pourtant demandé des explications. « Qu’aviez-vous en tête quand vous vous êtes agenouillé sur le cou de mon frère alors que vous saviez qu’il ne représentait aucune menace ? » lui a notamment lancé Terrence Floyd, en réclamant une « peine maximale ».
A l’inverse, la mère de Derek Chauvin qui, elle aussi parlait pour la première fois, avait demandé la clémence pour son fils. Contrairement à son image publique, il a « bon cœur », a assuré Carolyn Pawlenty.
Dans un message vidéo, la fille de George Floyd, Gianna, six ans, s’était adressé directement à son père pour lui dire: « Je t’aime et tu me manques ».
Verdict rapide
Le 25 mai 2020 à Minneapolis, Derek Chauvin avait voulu arrêter George Floyd, soupçonné d’avoir utilisé un faux billet de 20 dollars pour acheter des cigarettes. Avec trois collègues, il l’avait plaqué au sol, avant de s’agenouiller sur son cou.
Le policier avait maintenu sa pression pendant près de dix minutes, indifférent aux râles de George Floyd mais aussi aux supplications de passants affolés, et ce même une fois le pouls du quadragénaire devenu indétectable.
La scène, filmée et mise en ligne par une jeune fille, était rapidement devenue virale et avait suscité des manifestations monstres dans le monde entier.
En mars et avril, son procès avait été suivi par des millions d’Américains. Pendant des semaines, la scène a été rejouée sous tous les angles, des témoins ont raconté leur traumatisme et les policiers ont défilé pour dénoncer l’attitude de leur ancien collègue.
De son côté, l’avocat de l’accusé, Eric Nelson, a martelé que Derek Chauvin s’était contenté de suivre les procédures en vigueur dans la police et que la mort de George Floyd était due à des problèmes de santé combinés à l’ingestion de drogues.
Les jurés n’ont pas été convaincus et ont mis moins de dix heures à le reconnaître coupable.
« Bonne foi »
Leur décision, le 20 avril, a été accueillie par un grand soupir de soulagement dans le pays, qui craignait de s’embraser à nouveau s’il ressortait libre des audiences.
Me Nelson, n’a pas changé de ligne de défense. Assurant que son client avait commis « une erreur de bonne foi », il avait demandé une peine réduite à la durée déjà purgée. Il est désormais probable qu’il fasse appel de la condamnation.
Le dossier judiciaire ne s’arrêtera pas là: les trois collègues de Derek Chauvin seront jugés en mars 2022 pour « complicité de meurtre » par la justice du Minnesota.
En parallèle, les quatre hommes devront aussi affronter un procès devant la justice fédérale qui les a inculpés pour « violation des droits constitutionnels » de George Floyd.