Le prétendu « suprême effort » de Netanyahu en vue du cessez-le-feu et de l’accord sur les otages : biaisé et inutile
Le dernier acte de barbarie du Hamas, qui a tué six otages de plus, aurait-il pu être évité ? Peut-être. Le Premier ministre et son gouvernement auraient-ils pu en faire plus pour l'éviter ? Assurément
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Dans une déclaration vidéo publiée quelques heures après l’annonce par l’armée israélienne de la découverte, dans un tunnel de Gaza, des corps de six otages – six jeunes femmes et hommes assassinés il y a de cela quelques jours par leurs ravisseurs du Hamas –, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré à la nation que son gouvernement menait des « négociations intensives » dans un « suprême effort » pour parvenir à un accord avec le Hamas afin de libérer les otages, tout en garantissant la « sécurité et l’existence » d’Israël.
En mai, il avait accepté la proposition qui avait alors les faveurs des États-Unis, a-t-il rappelé dans une autre vidéo. Et lorsque les États-Unis ont revu leur position, le mois dernier, Israël a une fois de plus accepté. Mais le Hamas, lui, a refusé ces deux offres et, a-t-il ajouté, « il refuse de mener de véritables négociations ».
« Quand on assassine des otages, c’est le signe que l’on ne veut pas d’accord », a résumé Netanyahu.
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Seul le Hamas – et plus particulièrement Yahya Sinwar, le démoniaque cerveau du pogrom et des enlèvements du 7 octobre – sait s’il y a eu et s’il y a encore une chance d’accord avec le Hamas, au-delà du retrait israélien complet et irrévocable de Gaza et de la cessation permanente, garantie par la communauté internationale, de toute action contre lui.
Mais « l’effort suprême » israélien est loin d’avoir été sans relâche : le ministre de la Défense et les chefs des services de sécurité du gouvernement Netanyahu répètent depuis des mois – lors de consultations – nombreuses – à huis clos et parfois même publiquement – que le Premier ministre aurait pu et aurait dû être plus flexible pour conclure un accord avec le Hamas. Certains d’entre eux lui reprochent d’avoir fait prévaloir ses propres intérêts politiques, au moment où ses partenaires d’extrême droite le menaçaient de faire tomber son gouvernement s’il concluait ce qu’ils considéraient comme un accord inconsidéré.
Israël devra combattre le Hamas très, très longtemps, ont fait valoir les très hautes autorités chargées des questions de sécurité. Mais le temps presse pour les otages. Et si l’armée israélienne a fortement réduit les capacités du Hamas, le fait est que seuls huit otages ont été extirpés vivants de Gaza lors de ces presque 11 mois de guerre. La trêve d’une semaine de novembre dernier, en revanche, a permis d’en libérer 105. Pour ramener le plus grand nombre possible d’otages vivants – des ravisseurs ayant reçu l’ordre du Hamas de les tuer en cas de trop grande proximité des forces armées israéliennes –, il faut un accord.
Jeudi soir, Netanyahu a fait voter par le cabinet de sécurité – l’instance chargée de prendre des décisions clés – les cartes élaborées à sa demande – et déjà transmises par les médiateurs au Hamas – qui prévoient de maintenir des troupes de Tsahal dans le corridor de Philadelphie, cette route longue de 14 kilomètres qui sépare Gaza de l’Égypte, lors de la première phase – six semaines – du projet d’accord aujourd’hui en souffrance.
Pris au dépourvu par le vote, le ministre de la Défense Yoav Gallant, horrifié, a fait valoir que cela risquait de torpiller l’accord et donc de condamner les otages. « Le Hamas ne l’acceptera jamais, et donc il n’y aura pas d’accord, pas de libération d’otages », aurait déclaré M. Gallant aux ministres.
Netanyahu aurait répondu : « Telle est la décision. »
Très isolé face aux loyalistes de Netanyahu et aux ministres d’extrême droite Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, Gallant est malgré tout revenu à la charge : il aurait dit à ses collègues ministres que, s’ils approuvaient ces cartes, c’est qu’ils faisaient le choix de maintenir Tsahal dans le corridor de Philadelphie pendant six semaines de plus au détriment de la libération des otages. « Cela vous paraît logique ? » aurait demandé Gallant. « Il y a des otages encore en vie là-bas ! »
Le cabinet a approuvé les cartes, par huit voix contre une (celle de Gallant).
Ultérieurement, Gallant – qui avait été temporairement limogé de son poste de ministre de la Défense par Netanyahu en mars 2023 et est manifestement prêt à voir se répéter l’histoire – aurait demandé au Premier ministre si, face aux vies des 30 otages susceptibles d’être libérés au cours de cette première phase de l’accord, il considérait néanmoins le maintien du contrôle du corridor de Philadelphie comme absolument prioritaire, et cela même alors que l’armée israélienne assure qu’elle pourrait très rapidement en reprendre le contrôle en cas de nécessité.
Netanyahu aurait répondu : « Je ne bougerai pas sur la question de Philadelphie. Seules des négociations résolues vont faire plier Sinwar. »
Dans sa brève déclaration enregistrée dimanche, suite à la nouvelle de l’assassinat par le Hamas de six otages, dont quatre – Hersh Goldberg-Polin, Almog Sarusi, Eden Yerushalmi et Carmel Gat – auraient probablement pû être libérés dans le cadre de la première phase d’un accord – Netanyahu a dit d’Israël qu’il « se bat sur tous les fronts contre un ennemi cruel qui veut notre mort à tous ».
C’est on ne peut plus vrai. Mais ce gouvernement et son chef n’ont aucune stratégie pour faire face aux problèmes externes : ils ne font que nourir les clivages et inégalités intérieures alors même que la cohésion interne est la clef de la « sécurité et de l’existence » d’Israël.
La guerre de Gaza fait rage. Le Hezbollah tire sans relâche par delà de la frontière nord, sur des zones d’où des dizaines de milliers d’Israéliens ont été chassés. L’Iran, qui orchestre les attaques des Houthis et d’autres mandataires, a directement attaqué Israël et accumule des quantités toujours plus importantes d’uranium enrichi et met le cap sur l’arme nucléaire. Le terrorisme en Cisjordanie et depuis la Cisjordanie s’intensifie – le recrutement de nouveaux terroristes facilité par les violences des résidents d’implantations extrémistes et l’appel provocateur de Ben Gvir à ce que les Juifs viennent prier sur le mont du Temple, question on ne peut plus brûlante qui risque bien de s’attirer les foudres des citoyens arabes d’Israël.
Encore une fois, on ne sait pas ce que le Hamas est prêt à accepter. Mais un accord et un cessez-le-feu – même temporaire – offriraient la possibilité soit d’un apaisement au nord, soit d’une réorientation des ressources militaires limitées d’Israël vers ce front. M. Gallant et l’administration américaine soutiennent que c’est aussi la meilleure façon d’éviter un conflit régional à grande échelle.
Plus important encore, cela montrerait que les dirigeants d’Israël donnent la priorité à ce qui est leur obligation fondamentale, à savoir obtenir la libération des otages – dont beaucoup sont des civils, que l’État n’a pas réussi à protéger en cette terrible matinée de Shabbat. Dans l’état actuel des choses, plus le bilan des otages tués depuis le 7 octobre s’alourdit, plus les prédictions du Premier ministre d’une « victoire totale » se font intenables, offensantes et totalement déconnectées des réalités israéliennes.
« Nos agissons sans relâche pour faire libérer les otages », dit Netanyahu dans sa vidéo. Mais la réunion du cabinet de sécurité de jeudi raconte une histoire somme toute assez différente. Et les terribles nouvelles de dimanche montrent ce qui est véritablement en jeu – à savoir le fait que chaque jour qui passe charrie avec lui le risque de davantage de décès qui, peut-être, auraient pu être évités.
Le dernier acte de barbarie du Hamas, qui a tué six otages de plus, aurait-il pu être évité ? Peut-être. Le Premier ministre et son gouvernement auraient-ils pu en faire plus pour l’éviter ? Assurément.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel